À l’heure où la promesse d’une fermeture des frontières aux migrants internationaux vient d’amener l’extrême droite aux portes du pouvoir dans plusieurs pays européens, il est urgent d’interroger le coût humain de l’endurcissement des politiques de contrôle des frontières. Aujourd’hui, la migration irrégularisée est le contexte dans lequel se produisent les trois quarts des disparitions signalées au Comité International de la Croix-Rouge. Des 65 000 personnes disparues ou décédés sur les routes migratoires comptabilisées depuis 2014 par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la moitié ont péri dans la Méditerranée. Autrement dit, les restrictions des politiques des frontières de l’Union européenne ont d’ores et déjà transformé les frontières externes de l’Europe d’un espace de transit rapide en un lieu de survie, où les migrations se réalisent au risque d’en mourir.
Depuis une vingtaine d’années, ces décès mobilisent un ensemble d’acteurs soucieux d’établir la vérité sur les causes et conséquences des tragédies humaines qui se déploient aux frontières qui séparent les pays d’Europe de leurs voisins du sud et du sud-est. Ce numéro de De facto rassemble des articles qui mettent en valeur les savoirs aujourd’hui acquis sur cette face sombre des politiques européennes qui, toutefois, peinent à provoquer des réformes informées par les faits et respectueuses des principes d’humanité, d’égalité et d’État de droit. Les six contributions jettent la lumière sur la multiplicité de manières dont les activistes et les chercheurs, les artistes et les proches des disparus, tâchent de produire des savoirs sur ceux qui n’ont pas survécu aux chemins migratoires. Il peut s’agir de chiffrer les disparus, mettre en récit les décès ou encore de commémorer les victimes afin de mieux agir ensemble au nom de la justice.