Comprendre et utiliser le Bilan Carbone : le guide à l’usage des élu(e)s CSE
Le carbone ne nous quitte plus. Il s’invite sur nos billets de train, dans nos applications bancaires, sur la matinale de France Inter, et même dans la BDESE (base de données économiques, sociales et environnementales).
Mais par où commencer pour appréhender ce concept quand on est élu(e) CSE, d’ores et déjà débordé(e) de prérogatives, surfant entre les négociations salariales à bâbord et l’Arbre de Noël à tribord ?
A toutes fins utiles, nous avons compilé quelques points-clés pour les représentants du personnel. Débutant(e) ou connaisseur(se), suivez le guide et vous saurez tout (ou presque) sur le bilan carbone et comment vous en servir.
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Sommaire
Acte 1 : Le Bilan Carbone, à quoi ça sert ?
1.1. Comptabiliser les émissions de gaz à effets de serre (GES)
Afin d’aiguiser nos méninges, démarrons par un point de vocabulaire. Bilan carbone, empreinte carbone, bilan d’émissions de gaz à effet de serre, BEGES, bilan GES… Ce fatras de termes sont-ils synonymes ?
Pas tout à fait, mais presque. En réalité, le Bilan Carbone® est une marque déposée. Il s’agit d’une méthode créée par l’ADEME et Jean-Marc Jancovici, portée aujourd’hui par l’ABC (Association pour la transition Bas Carbone). C’est le référentiel le plus répandu en France.
« Le Bilan Carbone® est un standard d’excellence en matière de comptabilité GES : il a pour objectif de réaliser une photographie exhaustive de l’ensemble des émissions de GES d’une organisation » – Association pour la transition Bas Carbone (ABC)
Mais dans le langage courant, on utilise souvent « bilan carbone » pour désigner toute forme de comptabilité des émissions de gaz à effet de serre (souvent résumées sous le sigle « GES » ou par le raccourci « carbone ») à l’échelle d’une organisation.
Le bilan carbone est donc une forme de comptabilité. Sauf qu’à la place de compter des euros, on compte les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle d’une année.
Cette comptabilité est née dans les années 2000, face au besoin de répondre aux engagements pris par les Etats lors du protocole de Kyoto. On comprend donc qu’elle a un but : contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, provoqué notamment par l’utilisation massive des énergies fossiles depuis l’ère industrielle. Pour endiguer l’augmentation des températures, l’humanité doit réduire drastiquement et rapidement les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Et quand on dit « drastiquement », c’est du sérieux : en France par exemple, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) projette de diviser par 6 les émissions nationales d’ici 2050.
La comptabilité GES est un domaine émergent, qui se construit progressivement pour répondre à la nécessité de mesurer plus finement nos émissions et lutter contre le réchauffement climatique. Par exemple, la méthode Bilan Carbone® en est à sa huitième version et la neuvième est déjà dans les tuyaux. Il faut donc suivre régulièrement l’évolution des normes, des connaissances et des outils.
1.2. Entreprises, collectivités, particuliers, élus CSE : tous concernés
C’est bien beau de compter le carbone, mais qui doit compter ? Exactement comme la comptabilité financière, le bilan carbone se décline à tous les niveaux.
Côté particuliers : plusieurs outils en ligne permettent de faire l’exercice à sa propre échelle et de calculer son empreinte carbone sur une année. On vous conseille par exemple Nos Gestes Climat, créé par l‘Agence de la transition écologique (ADEME). C’est une excellente entrée en matière.
Côté entreprises, administrations, associations : en France, la publication d’un bilan carbone est obligatoire tous les trois ou quatre ans pour certaines organisations.
C’est par exemple le cas pour les entreprises de plus de 500 employés, les services de l’État ou encore les établissements publics de plus 250 agents. À l’heure actuelle, environ 5 000 entités sont soumises à cette obligation. Mais ce chiffre est en passe d’augmenter, notamment avec l’entrée en vigueur d’une nouvelle directive européenne (CSRD, Corporate Sustainability Reporting Directive) au 1er janvier 2024.
Bien sûr, les organisations qui ne sont pas soumises à cette obligation sont quand même concernées par la démarche. Elles peuvent librement choisir de réaliser et de publier (ou non) leur bilan carbone. Elles sont même encouragées à le faire, notamment par des dispositifs de financements publics comme le Diag Décarbon’Action de Bpifrance ou encore les aides Tremplin de l’Ademe.
Mais le bilan carbone ne s’arrête pas là :
- Il s’adresse aussi aux territoires, au sens géographique du terme. Il peut s’agir par exemple d’une commune, d’un département, d’une région, d’une agglomération, d’un Parc Naturel Régional…
- Il peut être décliné à l’échelle d’un produit : il s’agit alors de comptabiliser la quantité totale de GES générée, non pas sur une année, mais tout au long du cycle de vie de ce produit – depuis depuis sa production jusqu’à sa fin de vie en passant par son utilisation.
- Il peut aussi être réalisé pour un projet, comme une manifestation sportive, un séjour touristique, un déménagement d’entreprise… Là encore, la méthode consiste à comptabiliser l’ensemble des émissions de GES engendrées par les différentes étapes du projet.
Et les CSE alors ?
Vous nous voyez venir : oui, bien sûr, les CSE sont concernés par le bilan carbone. Et ce à plusieurs titres :
- D’un point de vue juridique : le CSE est tenu de se prononcer sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise depuis la loi « Climat et Résilience » d’août 2021 . La base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) doit notamment inclure les chiffres du bilan carbone de l’entreprise. On vous en dit plus dans la suite de l’article « Acte 3 : Comment agir sur le bilan carbone en tant que CSE ? »
- D’un point de vue pratique : les prestations sociales et culturelles proposées aux salariés ne sont pas sans conséquences pour le climat. Comme toute organisation, les CSE ont donc un rôle à jouer dans la réduction de l’empreinte carbone nationale. Pour en savoir plus, consultez notre article « L’empreinte carbone des CSE : un impensé pour le climat. »
1.3. Du Bilan Carbone à la stratégie Climat
Il ne s’agit pas de comptabiliser pour comptabiliser. La démarche Bilan Carbone ne doit pas s’arrêter à la photographie des émissions de gaz à effet de serre.
L’objectif est le suivant : mettre en place une stratégie de décarbonation (c’est-à-dire une réduction progressive des émissions GES).
Les intérêts sont multiples :
- Placer ses efforts aux bons endroits ;
- Prendre conscience de sa vulnérabilité énergétique ;
- Anticiper les réglementations ;
- Mettre en valeur ses engagements et communiquer efficacement.
👉 Placer ses efforts aux bons endroits : si l’on a peu de temps et d’énergie pour agir, alors autant être sûr de placer ses efforts là où ils produiront des effets significatifs, non ? C’est exactement la logique du bilan carbone. Il s’agit d’identifier les marges de manœuvres de l’organisation et de les quantifier. C’est la porte d’entrée idéale pour mettre en place une trajectoire de réduction et en piloter l’efficacité, année après année.
👉 Prendre conscience de sa vulnérabilité énergétique : A ce jour, toutes les organisations sont dépendantes des énergies fossiles à un endroit ou l’autre de leur chaîne de valeur. Mais plus que jamais – risques climatiques accrus, contexte géopolitique incertain, adaptations locales face au réchauffement – se pose la question de la disponibilité et du prix de ces énergies dans les années à venir. Prenons l’exemple d’un parc d’attractions en France : une flambée des prix de l’énergie pourrait se répercuter sur ses coûts (car les attractions, les restaurants, les hôtels, les boutiques… consomment de l’énergie) mais aussi sur ses ventes (car les touristes viennent en voiture, en train, en avion… et pourraient être découragés par une hausse des prix). Pour éviter de se laisser surprendre, le bilan carbone lui permettra de mesurer sa vulnérabilité et d’anticiper une stratégie d’atténuation.
« Il est de l’intérêt propre de l’industrie de se décarboner […] car, tôt ou tard, le caractère inéluctable du réchauffement climatique contraindra toutes les activités humaines à prendre en compte l’évidente nécessité de la décarbonation : les activités déjà décarbonées auront acquis un avantage compétitif important. » Association The Shifters, La gazette du carbone, déc. 2023
Anticiper les réglementations : Au 1er août 2023, 54 % du PIB mondial était couvert par un prix du carbone (sous forme de taxe ou de quotas). En cohérence avec la lutte contre le réchauffement climatique, la portée de ces mécanismes est en passe d’augmenter dans la prochaine décennie. C’est le cas pour l’Union Européenne, où une taxe carbone aux frontières (mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ou MACF) s’appliquera à partir de 2026 sur les importations de matières premières polluantes – comme l’acier, l’aluminium, le ciment ou les engrais azotés – puis certains produits finis – comme les voitures, les vis ou les boulons. Le bilan carbone permet aux entreprises concernées de quantifier le surcoût lié à cette réglementation et de l’anticiper. En dehors de l’UE, de nombreux pays comme la Norvège, le Canada, Singapour ou encore l’Afrique du Sud prévoient aussi l’augmentation de leurs taxes carbone respectives.
Communiquer efficacement : Plus de 30% des Français (65 % des 18-24 ans) déclarent ne pas croire aux initiatives écologiques des firmes selon une étude de Capgemini. Pour éviter le greenwashing et permettre aux consommateurs d’y voir clair,