L’immigration est un sujet complexe, au carrefour de l’histoire, de l’économie, de la culture et de la politique. Comprendre ses enjeux nécessite une approche nuancée, loin des idées reçues et des discours simplistes. Voici donc notre sélection, certes subjective et non exhaustive, des meilleurs livres pour comprendre ce phénomène, et mieux saisir les réalités, les défis, les peurs et les espoirs qui entourent l’immigration.
Immigration : le grand déni de François Héran (Seuil)
Par un étrange paradoxe, ceux qui s’imaginent que la France ferait face à un « tsunami » migratoire, par la faute des politiques, de l’Union européenne ou des juges, sont également convaincus que la migration est une anomalie dont la France pourrait se passer. On grossit l’immigration pour mieux la dénier. Pour dissiper ces illusions, il faut en revenir aux faits. Oui, la population immigrée a progressé en France depuis l’an 2000, mais moins que dans le reste de l’Europe. Non, notre pays n’a pas pris sa part dans l’accueil des réfugiés. La hausse vient d’abord de la migration estudiantine et économique, tandis que la migration familiale a reculé. En exposant les enjeux de la loi Darmanin de 2023, en rappelant combien la frontière est mince entre séjour régulier et séjour irrégulier, ce livre propose une approche résolument nouvelle de la question migratoire.
Le Ventre de l’Atlantique de Fatou Diome (Anne Carrière/Le Livre de Poche)
Salie vit en France. Son frère, Madické, rêve de l’y rejoindre et compte sur elle. Mais comment lui expliquer la face cachée de l’immigration, lui qui voit la France comme une terre promise où réussissent les footballeurs sénégalais, où vont se réfugier ceux qui, comme Sankèle, fuient un destin tragique ? Les relations entre Madické et Salie nous dévoilent l’inconfortable situation des « venus de France », écrasés par les attentes démesurées de ceux qui sont restés au pays et confrontés à la difficulté d’être l’autre partout. Distillant leurre et espoir, Le Ventre de l’Atlantique charrie entre l’Europe et l’Afrique des destins contrastés. Car, même si la souffrance de ceux qui restent est indicible, il s’agit de partir, voguer, libre comme une algue de l’Atlantique.
Ce premier roman, sans concession, est servi par une écriture pleine de souffle et d’humour.
Immigration – Ces réalités qu’on nous cache de Patrick Stefanini (Robert Laffont)
L’immigration électrise périodiquement notre débat public. Mais son irruption sur la scène politique et médiatique se fait le plus souvent à partir de données anciennes, incomplètes ou habilement maquillées. Une méconnaissance de la réalité, entretenue par l’extrémisme d’un côté, par le politiquement correct de l’autre.
Ce livre dresse le tableau de l’immigration en France depuis vingt ans. Il permet d’en finir avec le déni soigneusement orchestré par quelques démographes ayant pignon sur rue, lesquels tentent d’occulter la réalité de la vague migratoire massive qui affecte notre pays.
Préfet de région et Conseiller d’État, Patrick Stefanini a consacré à ce problème une grande partie de sa vie professionnelle, dans les divers postes de responsabilité qu’il a occupés.
Droit du sol de Charles Masson (Casterman)
» 14 personnes ont péri et 7 étaient portées disparues après le naufrage, au large de Mayotte, d’une barque chargée de clandestins venus chercher fortune sur l’île française de l’Océan Indien. Selon les témoignages des rescapés, le “kwassa”, une barque de pêche traditionnelle, transportait 33 personnes, dont 7 enfants. Des milliers de Comoriens clandestins venus d’Anjouan tentent chaque année de s’installer à Mayotte, distante de seulement 70 km. L’île française, dont le produit intérieur brut est 9 fois supérieur à celui des Comores, représente pour eux un eldorado économique. » Agence France Presse.
Immigration : indifférence, indignation, déshumanisation de Catherine Wihtol de Wenden (Autrement)
« La souffrance de ceux qui ont eu le malheur de naître dans un pays pauvre et mal gouverné est considérée comme un fait acquis. L’absence de droits qui en découle aussi. »
Comment penser un monde qui repose sur les mobilités quand la question de l’immigration donne lieu à tant de crispations sociales et identitaires ? Coups d’État, catastrophes environnementales, flux de migrants économiques et de réfugiés de pays en guerre : les crises se multiplient et s’installent dans un paysage politique marqué par la peur de l’Autre. Indifférent à ceux qui meurent aux frontières, le choix des approches sécuritaires s’affirme. Coupée des réponses humanitaires, économiques et démographiques, cette politique ignore et dénigre les propositions réelles des chercheurs et des associations. Réunir le politique, le savant et l’opinion publique, tel est l’enjeu du livre de Catherine Wihtol de Wenden.
Eldorado de Laurent Gaudé (Actes Sud/J’ai Lu)
« Là où nous irons, nous ne serons rien. » Salvatore Piracci est un commandant de la marine italienne expérimenté, chargé d’intercepter les migrants au large de la Sicile. La rencontre d’une femme qu’il a sauvée du naufrage quelque temps plus tôt fait basculer sa vie, de l’errance intérieure au départ vers l’Afrique. Soleiman, lui, est un jeune Soudanais qui rêve d’Europe et entreprend de la rejoindre, coûte que coûte.
Rien a priori ne relie ces héros et leurs trajectoires opposées. Rien, sinon l’espérance. À travers ces deux récits croisés, Laurent Gaudé explore « la part précieuse du désir » qui pousse les hommes à se mettre en chemin, au prix de leur identité et parfois de leur vie.
Ru de Kim Thúy (Liana Levi)
Une femme voyage à travers le désordre des souvenirs : l’enfance dans sa cage d’or à Saigon, l’arrivée du communisme dans le Sud-Vietnam apeuré, la fuite dans le ventre d’un bateau au large du golfe de Siam, l’internement dans un camp de réfugiés en Malaisie, les premiers frissons dans le froid du Québec. Récit entre la guerre et la paix, Ru dit le vide et le trop-plein, l’égarement et la beauté. De ce tumulte, des incidents tragi-comiques, des objets ordinaires émergent comme autant de repères d’un parcours. En évoquant un bracelet en acrylique rempli de diamants, des bols bleus cerclés d’argent ou la puissance d’une odeur d’assouplissant, Kim Thúy restitue le Vietnam d’hier et d’aujourd’hui avec la maîtrise d’un grand écrivain.
Le Creuset français de Gérard Noiriel (Points)
Le Creuset français est désormais un « classique » sur l’immigration. Dans le débat passionnel que suscite ce thème, Gérard Noiriel fait entendre la voix de l’histoire et de la raison. Il propose de rendre compte de l’immigration dans son ensemble, sans s’en tenir aux seuls cas particuliers. L’immigration n’est pas un fait extérieur mais un problème interne à la société française contemporaine.
Prendre au sérieux la diversité des origines de la population actuelle de la France, c’est adopter un autre point de vue sur son passé, c’est écrire autrement son histoire, en tentant d’analyser à nouveaux frais les impensés de la politique républicaine : quelle place faire à la question des « origines », au « sentiment d’appartenance » ? Quel rôle jouent le déracinement et les déracinés dans la constitution d’une société ? Quelles relations instaurer entre l’État et les individus ?
À l’abri de rien d’Olivier Adam (L’Olivier/Points)
Marie se sent perdue. Son mari, ses enfants sont le dernier fil qui la relie à la vie.
Ce fragile équilibre est bouleversé le jour où elle rencontre les « kosovars », ces réfugiés dont nul ne se soucie et qui errent, abandonnés, aux confins de la ville.
Négligeant sa famille, Marie décide de leur porter secours.
Et de tout leur donner : nourriture, vêtements, temps, argent, elle ne garde rien pour elle. Entraînée par une force irrésistible, elle s’expose à tous les dangers, y compris celui d’y laisser sa peau.
Avec ce roman, Olivier Adam nous rappelle que la violence qui frappe les plus faibles est l’affaire de chacun. Et trace le portrait inoubliable d’une femme dépassée par la force de ses sentiments.