Q - J’ai deux questions. Sur la conférence sur l’Ukraine la semaine prochaine, quel est l’objectif de cette réunion ? Qui représentera les Etats-Unis ? Et sur la CPI [Cour pénale internationale], est-ce que vous avez une réaction suite aux sanctions qui ont été imposées sur des officiels de la CPI par l’administration Trump ?
R - Sur votre première question sur la conférence sur Ukraine, c’est une conférence qui se tiendra en amont de la conférence sur la sécurité de Munich qui aura lieu deux jours après, et qui sera l’occasion de discuter des efforts en cours de la part des pays européens - précisément la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Pologne, le Royaume-Uni et l’Ukraine - et de renforcer notre soutien afin de placer l’Ukraine dans la meilleure position possible pour des négociations de paix. La représentation américaine est en cours de détermination. Je ne peux pas vous donner plus de commentaires pour le moment.
Sur votre deuxième question, sur les menaces de sanctions de la nouvelle administration américaine contre la CPI, nous réaffirmons notre soutien sans faille à la Cour pénale internationale - ainsi qu’à ses personnels -, dont le rôle est essentiel dans la lutte contre l’impunité. C’est une position assez constante de notre part. Et spécifiquement, en lien avec nos partenaires européens et les autres Etats parties au statut de Rome, nous nous mobiliserons pour que la Cour soit toujours en mesure de continuer à remplir sa mission de manière indépendante et impartiale. Voilà ce que je peux vous dire sur ce sujet-là pour le moment.
Q - Sur la Russie, est-ce que vous pouvez détailler les mesures que prendrait la France au cas où la Russie maintiendrait sa décision ? Et deuxième question, sur le sommet de l’IA, est-ce que ce n’est pas un peu contradictoire d’inviter le président rwandais et en même temps de condamner l’offensive du M23 ?
R - Sur la Russie, effectivement, je vous indiquais des mesures, que nous sommes en train d’étudier. Nous reviendrons vers vous ultérieurement sur ce sujet-là, quand la réflexion aura abouti. Le sommet pour l’action sur l’Intelligence artificielle est une initiative majeure qui a été lancée par la France, qui a d’ailleurs repris le flambeau après le sommet de Bletchley Park l’année dernière et un premier sommet sur l’intelligence artificielle qui s’est tenu en Corée du Sud. L’idée du sommet, c’est surtout d’avoir une discussion la plus large et la plus inclusive possible au niveau mondial, pour pouvoir évoquer différents points qui tiennent au développement de l’intelligence artificielle, des points de sécurité bien sûr, mais aussi des points de gouvernance, qui sont absolument essentiels. Et dans ce cadre, il a été jugé que l’ensemble des pays, et tout particulièrement les pays africains, devaient être inclus dans ce dialogue, puisqu’effectivement c’est une conversation mondiale qui va s’ouvrir, en faisant la promotion d’une IA ouverte, soutenable et gouvernée. C’est la raison pour laquelle le président rwandais, notamment, a été invité, sans lien avec les derniers développements dans la région.
Q - Monsieur le Ministre a annoncé mercredi au Sénat que les Kurdes seront représentés à la conférence sur la Syrie le 13. Est-ce que c’est toujours le cas ? Et si c’est le cas, c’est à quel niveau de représentation ? Parce qu’on a l’impression qu’il y a un peu des informations contradictoires qui arrivent. La deuxième question concerne le Liban. Comme vous le savez, il n’y a toujours pas de gouvernement. Le Premier ministre était très proche d’annoncer un gouvernement hier, et après il a rebroussé chemin. Les Américains étaient très clairs aujourd’hui. Ils ont dit qu’ils ne veulent pas du Hezbollah dans le gouvernement. Je sais que vous avez l’habitude de dire que les Français ne vont pas communiquer là-dessus. Mais est-ce qu’il y a une réaction française ? Parce que les Français ont bien été un médiateur, comme les Américains, dans la crise politique, dans le cessez-le-feu. Donc une réaction ou un commentaire ?
R - Sur votre première question, la conférence qui est organisée le 13 février prochain à Paris sur la Syrie est une conférence ministérielle, avec des invitations qui ont été adressées à des ministres des affaires étrangères, à des gouvernements. Donc les Kurdes ne seront pas à cette conférence, puisqu’ils n’ont pas de ministre. C’est une partie intégrante de la Syrie, et donc c’est bien le ministre des affaires étrangères syrien qui a été invité. Il n’y a pas de représentation des groupes ethniques et confessionnels. Encore une fois, c’est une conférence dans un format ministériel, comme c’était le cas d’ailleurs lors de la conférence de Riyad au mois de janvier, et de la conférence d’Aqaba au mois de décembre. Donc pour ce qui concerne la Syrie, c’est le ministre des affaires étrangères, M. el-Chibani, qui représentera la Syrie.
Q - Mais les propos du Ministre…
R - Je pense que le Ministre faisait référence à autre chose, puisque la veille, le 12 février, aura lieu, une conférence avec la société civile syrienne, où là il y aura une représentation des diverses composantes de la société syrienne. Mais c’est un exercice qui est distinct de la conférence du 13 février, qui est une conférence diplomatique, donc une conférence avec des représentations au niveau ministériel. Je pense que le Ministre faisait référence à cette rencontre qui aura lieu la veille. Sur votre deuxième question, effectivement il y a des discussions qui sont en cours au Liban pour la formation d’un nouveau gouvernement. Cela fait suite à la nomination du Premier ministre Salam dans le courant du mois de janvier. Je ne ferai pas de commentaire particulier sur les déclarations américaines auxquelles vous faites référence, mais pour ce qui nous concerne, nous continuons à faire pleinement confiance aux autorités libanaises pour aboutir à un résultat, encore une fois, qui permette au Liban d’avoir un gouvernement fort et capable de rassembler le Liban dans toute sa diversité. Nous leur redisons notre confiance et nous espérons que ce gouvernement soit nommé dans les meilleurs délais, puisqu’en effet - encore une fois, et on a eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises - il est en effet crucial que ce gouvernement soit mis en place, d’une part pour engager le processus de réformes qui sont attendues au Liban depuis très longtemps, mais aussi pour contribuer activement à la résolution de la situation dans le sud du Liban et continuer à appliquer le cessez-le-feu, qui suppose le déploiement des forces armées libanaises dans le sud du territoire. Encore une fois, nous sommes pleinement confiants dans les autorités libanaises et nous sommes certains qu’elles arriveront à trouver une solution qui permette au Liban de reprendre le chemin des réformes et du redémarrage du pays.
Q - Dimanche, Benjamin Netanyahou, invité aux Etats-Unis par M. Trump, a traversé l’espace aérien français, vous le savez, à bord de son avion officiel. Le Premier ministre israélien est pourtant sous mandat d’arrêt international - je ne vous l’apprends pas non plus - pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité émis par la CPI, à laquelle la France est soumise via le statut de Rome. J’ai plusieurs questions. Pourquoi ne pas avoir arrêté M. Netanyahou, comme l’ordonne la CPI ? Est-ce le résultat, peut-être, vous allez me le dire, de l’immunité souhaitée par le Quai d’Orsay au profit de M. Netanyahou ? Et si oui, comment cela est-il possible, puisque dans le cadre de crimes internationaux, cette immunité est rendue inapplicable, même pour un pays qui n’a pas ratifié le statut de Rome ? Donc est-ce qu’on doit y voir un autre deal entre la France et Israël pour expliquer ce survol ? Et si oui, lequel ?
R - Votre question renvoie à plusieurs éléments, notamment à des éléments sur lesquels j’avais eu l’occasion de me prononcer longuement. M. Netanyahou est allé aux Etats-Unis, effectivement. La question que vous posez, qui concerne le mandat d’arrêt qui a été émis par la Cour pénale internationale, sur ce point, je pense qu’on a toujours été clairs : on a toujours dit que nous respecterions complètement le statut de Rome. Comme vous le savez, le statut de Rome prévoit deux choses. La première, c’est une obligation de coopération avec la Cour pénale internationale. Mais le statut de Rome prévoit aussi des immunités pour les chefs d’Etat des Etats qui ne seraient pas parties au statut de Rome, ce qui est le cas d’Israël. Donc ce que nous avions dit à l’époque et que je peux vous redire, c’est que l’application de ce statut renvoie à deux notions juridiques distinctes. Et in fine, si d’aventure le cas devait se poser, c’est-à-dire si M. Netanyahou était présent sur le territoire français, il reviendrait à un juge de trancher entre la question de la coopération avec la Cour pénale internationale et la question de l’immunité. Donc c’est une question qui renvoie au pouvoir judiciaire et sur laquelle je ne peux pas donner de réponse, puisque l’occurrence ne s’est pas présentée et que je ne peux pas vous dire dans quel sens un juge viendrait à trancher cette question. Et à la fin, encore une fois, c’est l’autorité judiciaire qui a le dernier mot en la matière.
Q - Les déclarations du président Trump prévoyant le déplacement forcé des populations à Gaza et la prise de contrôle de Gaza ont suscité des réactions. De nombreux pays européens également ont exprimé leur opposition à ces propos. Je voulais savoir si la France envisage de prendre la tête d’une initiative européenne contre ce plan de Trump ?
R - Oui, on a très rapidement réagi cette semaine aux propos du président américain lors d’une conférence de presse à l’occasion de la visite de Benjamin Netanyahou aux Etats-Unis. Ce sont des déclarations qui constituent non seulement une violation grave du droit international, mais aussi une violation forte des aspirations légitimes des Palestiniens à rester sur leur terre. Et par-delà, c’est aussi une entrave majeure à la solution à deux Etats que nous prônons depuis longtemps. Et surtout, et ça c’est un point qui est extrêmement important - je pense que les réactions des pays voisins l’ont montré -, c’est un facteur de déstabilisation majeur de la région. Alors cette position, pour ce qui nous concerne, elle est extrêmement claire, bien évidemment. Je n’en ai pas la confirmation, mais j’imagine que c’est un point qui sera discuté lors du prochain Conseil Affaires étrangères, qui aura lieu au mois de février. Je ne peux pas vous dire ce qui ressortira des discussions pour le moment, mais je pense qu’effectivement c’est un point qui sera à l’agenda.
Q - J’ai juste encore une question - j’ai posé la même la semaine passée aussi - concernant le Liban. Il y a de nouvelles violations du cessez-le-feu. Donc ma question est : au-delà des communiqués et de ses condamnations, la France fait partie de ce mécanisme de surveillance ; que faites-vous pour arrêter ces violations des deux côtés, mais surtout du côté israélien ? Il y avait des frappes hier soir, aujourd’hui aussi il y a eu un assassinat. Donc il y a des violations tout le temps pour le cessez-le-feu.
R - Il y a des violations, effectivement. La France fait partie d’un comité de surveillance, encore une fois, qui n’est pas une force d’interposition. Donc au titre de ses fonctions dans le comité de surveillance, elle mène des activités de déconfliction entre les forces de défense israéliennes et les autres parties au cessez-le-feu. Pour le moment, cet accord tient toujours. C’est évidemment émaillé de violations mais, globalement, il tient toujours. Il y a une prolongation de la première période, qui devait s’achever le 26 janvier, qui a été repoussée au 18 février. À nouveau, on a déploré les pertes humaines libanaises provoquées par des tirs israéliens. C’est le sens de la réponse que je vous donnais la semaine dernière. Encore une fois, sur le principe, l’accord doit être respecté jusqu’à son terme et il doit conduire au retrait total des forces israéliennes du territoire du Sud-Liban, conformément à ce qui a été signé, ainsi que, puisque c’est dans l’accord aussi, un désarmement complet du Hezbollah. Nous sommes totalement engagés, encore une fois, dans le cadre du mécanisme de surveillance, et nous faisons tout ce que nous pouvons pour éviter justement ce genre d’opérations, qui sont toujours à l’oeuvre. Mais encore une fois, l’objectif final, c’est bien d’avoir un retrait des troupes israéliennes et le déploiement des forces armées libanaises dans le sud du Liban.
Q - Je veux juste revenir sur la question de la collègue sur la présence du Hezbollah au gouvernement libanais. Les Etats-Unis parlent de ligne rouge. Vous dites qu’il faut un gouvernement fort, capable de rassembler le Liban dans toute sa diversité. Est-ce que "toute sa diversité", ça devrait inclure le Hezbollah dans le gouvernement ?
R - Je ne peux pas commenter plus en avant les déclarations américaines.
Q - [Question inaudible]
R - Encore une fois, la composition du gouvernement libanais est une question pour le Premier ministre libanais. La France est totalement en appui au nouveau Premier ministre libanais. On espère qu’il arrivera à trouver une formule qui permette de constituer un gouvernement fort et qui permette d’avancer sur le fond des dossiers, qui permette de reprendre le processus de réformes et d’aller de l’avant.
Q - On nous parle d’une rencontre mercredi, au moment du sommet Ukraine, entre Marco Rubio, le général Kellogg et les ministres européens des affaires étrangères, dans le cadre du sommet. Est-ce que vous confirmez cette rencontre ? Et si c’est le cas, est-ce qu’on peut espérer que le plan américain soit partagé avec les Européens, sur l’Ukraine ?
R - Je n’ai pas d’éléments sur ce point. C’est ce que je vous indiquais : le format de la rencontre qui aura lieu le 12 février prochain est en cours de calage.
Q - Une question sur les Kurdes, qu’on a abordés tout à l’heure. Du coup, fin janvier, vous saviez que c’était les 10 ans de la libération de la ville syrienne de Kobané des griffes de Daech. Pour le journal L’Humanité, je m’y suis rendu. Les habitants comme les officiels sur place saluent le soutien français, mais appellent aussi à l’action de la France face aux attaques de drones turcs qui tuent des civils chaque semaine, en violation du droit international. Alors, vous le savez, le nouveau pouvoir à Damas exige le désarmement des FDS [Forces démocratiques syriennes] et la Turquie d’Erdogan salue l’initiative et ne cache pas ses ambitions d’écraser les Kurdes du Rojava. Pour reprendre les mots du ministre Barrot, ces derniers sont "nos alliés fidèles, nos frères d’armes" - il les a prononcés mardi à l’Assemblée nationale. Et aussi, il nous a affirmé mardi que le gouvernement français a appelé celui de Turquie pour arrêter le feu et les bombardements sur le Rojava et sur Kobané. Pourtant, ce feu continue à s’abattre sur ces localités. Ces derniers jours, il y a encore des morts, etc. Du coup mes questions sont celles-ci. Je les ai posées mardi, mercredi à l’Elysée, mais sans réponse. Peut-être qu’ici j’en aurai. Pourquoi le gouvernement français ne condamne-t-il toujours pas officiellement les exactions turques à chaque fois qu’elles ont lieu dans le Rojava ? Comment compte-t-il protéger concrètement ses alliés kurdes, ses frères d’armes, pour reprendre encore ces mots, face aux attaques turques ? Et enfin, quelles sanctions sont éventuellement envisagées pour faire respecter le droit international, face à la Turquie qui occupe des territoires qui ne sont pas les siens ?
R - J’ai peur de ne pas être plus bavard que mes collègues de l’Elysée. Encore une fois, je redis ce que le Ministre a dit à l’Assemblée nationale cette semaine. Il y a un soutien aux forces armées kurdes qui ont été à nos côtés dans la lutte contre Daech. Et ça, c’est un point sur lequel il n’y a pas d’ambiguïté. Après, il y a effectivement des contacts entre nos autorités et les autorités turques. C’est un point qui est effectivement évoqué. Nous aurons, la semaine prochaine, cette conférence sur la Syrie, où j’imagine que les discussions, qui sont des discussions assez larges sur l’ensemble de la situation en Syrie, incluront quand même un point sur la transition en Syrie, et donc effectivement la représentation de l’ensemble de la diversité syrienne dans la nouvelle composition institutionnelle. J’imagine que ce sont des discussions qui vont continuer. Je ne peux pas vous dire pour le moment quel sera le point d’atterrissage, mais en tout cas, ce qui est quand même clair, c’est qu’on a appelé dès les premières heures les autorités turques, ainsi que les autorités de Damas, à cesser le feu à Kobané, dans les zones qui sont tenues par les Kurdes, notamment parce qu’on estimait qu’il ne fallait pas ajouter du chaos au chaos, et que dans le cadre d’une transition politique que veulent les autorités présentes à Damas, le meilleur moyen était encore d’avoir un dialogue. On sait qu’il y a eu des contacts entre les autorités du FDS et les nouvelles autorités de Damas. Nous espérons qu’elles aboutissent à quelque chose qui soit conforme avec les principes qui guident nos exigences en termes de transition en Syrie - encore une fois, une transition inclusive de l’ensemble de la diversité syrienne, y compris des Kurdes. Donc c’est un point, encore une fois, sur lequel nous sommes actifs. Ce sont des exigences qui ont été posées par le Ministre de manière extrêmement claire lors de sa visite le 3 janvier, lorsqu’il est allé à Damas et qu’il a rencontré Ahmed al-Charaa et le ministre des affaires étrangères Chibani. C’est le sens aussi des messages qui sont donnés aux Kurdes lors des différents échanges qu’il a avec son homologue.
Q - Par rapport à la Turquie, il n’y a pas (inaudible) pour faire respecter le droit international ? La France ne fait rien ?
R - Non, c’est ce que je vous dis : on est très actifs sur ce point-là.
Q - Concrètement ?
R - Concrètement, le Ministre parle à son homologue. Pour le moment, l’issue est à chercher sur le plan diplomatique, donc c’cela relève du dialogue.
Q - En ce qui concerne la conférence pour la Syrie qui soutiendra le 13, est-ce que cette conférence peut jouer un rôle ou aider dans les discussion