20 ans de la loi pour l’égalité des droits et des chances - Chronique KTO radio

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Florence Gros, KTO radio, La parole aux associations, 19 février 2025

Florence Gros : Nous venons de fêter les 20 ans de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui a fixé comme principe une accessibilité généralisée, intégrant tous les handicaps, qu’ils soient d’ordre physique, visuel, auditif ou mental. Une loi fondatrice pour l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la société. À l’occasion de ce vingtième anniversaire, le Sénat a auditionné des associations et des élus pour faire un bilan. Les journalistes de la revue Ombres & Lumière que publie l’OCH ont rencontré des acteurs du champ du handicap pour recueillir leur témoignage. Cette loi n’a pas donné satisfaction à tous, d’ailleurs la ministre déléguée au handicap, Charlotte Parmentier-Lecocq, reconnait les avancées significatives tout en affirmant que des chantiers importants restent à faire. Mais, pour commencer, je voudrais saluer tous ceux qui œuvrent avec énergie pour développer des nouvelles initiatives.

Avez-vous des initiatives réjouissantes à partager à nos auditeurs ?

Florence Gros : Oh oui. Il y a quelques jours, autour d’un petit déjeuner organisé par la mairie de Paris, je rencontrais un certain nombre d’élus, ainsi que des présidents et directeurs d’associations qui travaillent à ce que les personnes handicapées trouvent leur place dans la société, principalement à l’école et au travail. Quelques exemples : Julien Pouillot, président d’Autistes sans frontière, est papa d’un jeune autiste. Il travaille à l’inclusion en milieu scolaire et aujourd’hui, c’est dans le milieu professionnel qu’il veut faire bouger les choses.

Stéphanie Roland-Gosselin est directrice de l’association Access Job dont le but est d’accompagner des jeunes que le handicap mental ou l’autisme empêche d’accéder au monde de l’entreprise. Elle sait de quoi elle parle. Elle est maman d’un fils trisomique et son association suit une quarantaine de jeunes. Frédérique Picard Le Bihan est présidente de DareWomen handicap. L’association accompagne de nombreuses femmes handicapées, peu reconnues pour leurs compétences et découragées par leur parcours professionnel chaotique.

Tous témoignent que la loi a ouvert un champ des possibles, même s’il reste de nombreuses barrières à lever. Et puis, lors des auditions organisées par le Sénat, j’ai relevé aussi de belles initiatives. Laurent Michon, adjoint au maire de Caluire-et-Cuire, a parlé, par exemple, de la participation des personnes en situation de handicap mental à la tenue de bureaux de vote lors des élections de 2022 et 2024. Quelle belle idée que de permettre à des personnes handicapées mentales d’accueillir les citoyens venus voter à chaque élection !  Certaines initiatives sont coûteuses et souvent, le manque d’argent est la première raison évoquée pour ne pas innover. Eh bien, cette initiative n’a rien couté, mais produit beaucoup bien. C’est un bon exemple d’intégration, facile à reproduire si des élus s’en saisissent.

Il y a donc de bonnes nouvelles, mais que reste-t-il à faire ?

Florence Gros : Comme je vous le disais, notre équipe de journalistes d’Ombres & Lumière a réalisé des interviews auprès de quelques personnes qui reviennent sur les grandes thématiques de cette loi : l’accessibilité, l’inclusion scolaire, la compensation et l’insertion professionnelle. Je vais vous livrer quelques-unes de leurs remarques qui peuvent nourrir notre réflexion sur ce qui reste à faire. Et, je vous invite bien sûr à aller lire l’ensemble des interviews sur le site de la revue.

Sur l’accessibilité, Charles Gardou anthropologue dit :

« Le handicap est une expérience qui façonne la vie d’une personne, et, en même temps, un évènement à dimension collective, qui résonne sur l’environnement et le social… Sans environnement accessible, il n’y a pas de liberté et d’égalité. Aujourd’hui, la notion d’aménagement raisonnable mérite d’être mieux prise en compte. Ce qui a été conçu dans un autre contexte historique est souvent difficile à modifier, mais ce n’est pas impossible. Il y a urgence à remédier aux carences qui perdurent et auxquelles on finit par s’habituer. »

Sur la compensation, »Jean-Yves Hocquet, président des Papillons blanc témoignent :

« Dans mon association, les parents que je rencontre ne se sentent pas dévalorisés parce que leur enfant est handicapé. Ce n’est pas une compensation dont ils ont seulement besoin, mais des aides concrètes… Implicitement, cette notion de compensation conduit à penser qu’il y a un standard moyen à atteindre. Au fond, c’est la vision d’une société très performante ; cette loi n’accepte pas les différences de chacun. Je me bats contre cette contradiction. »

Pour l’école, Caroline Boudet s’est exprimée à partir de son expérience avec sa fille trisomique Louise :

« En crèche ou en maternelle, l’écart se voit peu avec ses camarades. L’inclusion avec les enfants était tout à fait naturelle une fois qu’on leur avait expliqué la situation. Louise a été invitée à des anniversaires… Après, l’intégration a été plus compliquée avec les enseignants. Ils n’ont pas l’habitude d’avoir un enfant avec un handicap intellectuel. L’élève handicapé doit s’adapter, mais l’école ne s’adapte pas à lui. Il faudrait faire une révolution inclusive, comme l’Italie l’a fait dans les années 1980. »

Sur ce thème, je vous partage une autre bonne nouvelle. En septembre dernier, six jeunes de l’Unité spécialisée pour enfants polyhandicapés (USEP) du Centre Lecourbe ont fait leur rentrée dans l’école La Providence – Passy, située à Paris. L’objectif est d’offrir à ces enfants la possibilité de grandir dans un environnement inclusif tout en sensibilisant la communauté scolaire à la richesse de la diversité et au vivre-ensemble. C’est une première à Paris. Un projet novateur et réjouissant porté par l’ARS d’Île-de-France et par les familles des deux établissements. Moralité : emparons-nous de l’esprit de la loi qui nous invite à partager la richesse de nos différences, conjuguons égalité et fraternité, et ne voyons pas la personne handicapée comme un problème à résoudre, mais une personne avec des richesses à découvrir.

Florence Gros, Directrice de la Fondation OCH
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