C’est un film qui cogne sans crier. « Zion », premier long-métrage de Nelson Foix, projeté en avant-première au Club de l’Étoile, ne se contente pas de raconter une histoire : il capture une ville, une génération, un vertige. Pointe-à-Pitre, non pas carte postale mais ville défigurée, vidée peu à peu de sa mémoire et de sa bourgeoisie afro-descendante, celle qui autrefois, venue des campagnes, avait imposé sa réussite en construisant des maisons à deux étages. Aujourd’hui, ces maisons se fissurent, comme les destins.
Dans ce décor, Foix filme à hauteur d’humain, avec une caméra sans pitié mais pleine d’humanité. Son héros, un jeune homme désœuvré, flirtant avec la petite délinquance pour un TMAX, glisse vers la chute. Jusqu’à ce que le hasard – ou le destin – lui dépose un nourrisson sur le pas de sa porte. Une vie à protéger, une lumière inattendue dans un monde qui s’effondre. Cette rencontre ouvre une brèche dans l’obscurité : la violence devient presque tendre, et la tendresse elle-même est chargée de tension.
On pense à Maryse Condé, à ce Pointe-à-Pitre qu’elle décrivait dans Le Cœur à rire et à pleurer, encore fier, encore digne. Celui de Foix est plus désabusé, plus cru. On y retrouve les éclats du roman de Dany Laferrière, L’Énigme du retour, où beauté et désolation marchent main dans la main. Le film de Foix dit l’abandon d’une ville par ceux qui auraient pu en être les piliers, et l’acharnement de ceux qui restent, refusant de la livrer à la déréliction.
Le casting sonne juste : des gueules, des présences brutes, parfois maladroites, mais toujours vraies. La mise en scène, nerveuse et sobre, ne cherche ni à enjoliver ni à dénoncer : elle montre. Zion est un cri silencieux, un chant de résistance filmé au bord du chaos.
Nelson Foix signe ici un film intense, organique, traversé de silences éloquents et d’élans inattendus. Une œuvre forte, politique sans être didactique, poétique sans être naïve. Un regard neuf et nécessaire sur une jeunesse guadeloupéenne qui cherche encore où poser son cœur.