Exposition Mission Dakar-Djibouti (1931-1933) : regards croisés sur une expédition coloniale au Quai Branly ! - CulturAdvisor

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L’exposition Mission Dakar-Djibouti [1931-1933] : Contre-enquêtes, présentée au musée du quai Branly – Jacques Chirac à Paris, revient sur l’une des plus ambitieuses expéditions ethnographiques françaises du XXe siècle. À travers une démarche critique et documentée, cette exposition interroge l’héritage colonial de la collecte scientifique et artistique. Menée par Marcel Griaule, la mission Dakar-Djibouti s’est déroulée entre 1931 et 1933. Dans le contexte de l’expansion impériale française en Afrique. L’exposition propose une relecture contemporaine de cette mission, en confrontant archives, objets collectés et voix d’aujourd’hui, notamment africaines. Elle éclaire les enjeux scientifiques, politiques et idéologiques de cette entreprise. Tout en soulevant des questions essentielles sur la provenance, l’éthique et la mémoire des collections muséales. Exposition Mission Dakar-Djibouti (1931-1933) : regards croisés sur une expédition coloniale au Quai Branly !

Une ethnographie coloniale

Au début des années 1930, la France coloniale domine une large partie de l’Afrique subsaharienne. Dans ce cadre idéologique et politique, la mission Dakar-Djibouti s’inscrit dans une volonté d’affirmer la supériorité scientifique et culturelle de la France sur les territoires qu’elle administre. Ainsi, les missions ethnographiques, alors soutenues par l’État et les musées nationaux, poursuivent des objectifs multiples. Notamment constituer des collections, affirmer la légitimité coloniale et nourrir les discours anthropologiques occidentaux. Marcel Griaule, jeune ethnologue formé à l’Institut d’ethnologie de Paris, est désigné pour conduire cette expédition de grande envergure.

Des logiques d’appropriation

La mission est soutenue par le Musée d’ethnographie du Trocadéro, ancêtre du musée de l’Homme. De plus, elle bénéficie d’un appui diplomatique dans les colonies. Elle traverse 14 pays, de Dakar à Djibouti, en deux ans. Ce contexte permet de comprendre les logiques d’appropriation, parfois coercitives, des objets culturels africains. Mais également la production d’un savoir ethnographique souvent marqué par un regard eurocentré. Ainsi, cette exposition s’inscrit dans une volonté de remettre en question ces fondements. De plus, elle propose une lecture plurielle et critique des archives de l’époque.

De gauche à droite, debout : Marcel Griaule, Deborah Lifchitz, Gaston-Louis Roux, Abba Jérôme, Desta, Michel Leiris ; à terre : Mammo, un muletier ou un cuisinier, le fils de Desta. Gondar, Ethiopie, juillet 1932. Photo Marcel Griaule. (Exposition Mission Dakar-Djibouti (1931-1933) : regards croisés sur une expédition coloniale au Quai Branly !).

Entre science, collecte et domination

Entre 1931 et 1933, Marcel Griaule et son équipe parcourent l’Afrique de l’Ouest et de l’Est. L’expédition a pour but de collecter des objets ethnographiques, des récits oraux et des spécimens linguistiques. Mais également des photographies destinés aux musées français. Elle mobilise une dizaine de scientifiques, dont Michel Leiris, écrivain et ethnologue, qui tiendra un journal critique, L’Afrique fantôme, document capital pour comprendre les tensions internes à la mission. Le groupe sillonne les territoires colonisés, interrogeant, photographiant, collectant parfois avec l’assentiment des populations, souvent sous contrainte. L’expédition ramène en France près de 3 500 objets, aujourd’hui conservés dans les collections nationales.

Un jalon de l’histoire de l’ethnographie française

Si cette entreprise représente un jalon majeur dans l’histoire de l’ethnographie française, elle illustre aussi les déséquilibres de pouvoir entre chercheurs occidentaux et peuples observés. L’exposition du musée du quai Branly déconstruit ces récits en croisant les sources historiques avec des voix africaines contemporaines. Elle donne à voir les conditions de collecte, les rapports hiérarchiques au sein de l’équipe, et interroge les notions d’objectivité scientifique et de restitution.

André Liotard (1887-1973), Escale à Diego-Suarez (1931), Huile sur toile © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Claude Germain. (Exposition Mission Dakar-Djibouti (1931-1933) : regards croisés sur une expédition coloniale au Quai Branly !).

Une relecture contemporaine

Présentée jusqu’au 14 septembre 2025, l’exposition Mission Dakar-Djibouti [1931-1933] : Contre-enquêtes propose une scénographie immersive et critique. Conçue comme une enquête polyphonique, elle s’appuie sur les archives de la mission, les journaux de terrain, les photographies, les lettres et les objets collectés. Elle donne également la parole à des chercheurs africains, artistes et conservateurs contemporains. Le parcours thématique interroge les conditions d’acquisition des objets, leur signification culturelle et leur usage dans les musées occidentaux. Une section centrale, intitulée Les Voix absentes, redonne place aux récits tus ou marginalisés, tandis que d’autres espaces invitent à réfléchir à la restitution des œuvres.

Une volonté de transparence

L’exposition se distingue par une volonté de transparence : elle montre les coulisses du travail muséal, les tensions autour de la patrimonialisation et le rôle de l’anthropologie dans la construction des imaginaires coloniaux. Par cette approche critique, le musée du quai Branly – Jacques Chirac affirme son rôle dans le débat contemporain sur la mémoire coloniale et la décolonisation des savoirs. L’exposition devient ainsi un lieu de réflexion collective, dépassant la seule contemplation esthétique.

Exposition Mission Dakar-Djibouti (1931-1933) : regards croisés sur une expédition coloniale au Quai Branly !

À découvrir en famille

Cette exposition a été conçue pour être accessible aux enfants dès 7 ans, grâce à une médiation adaptée. Des livrets-jeux, des dispositifs interactifs et des visites contées permettent aux plus jeunes d’aborder les thématiques de l’ethnographie, de la diversité culturelle et de l’histoire coloniale de manière sensible et pédagogique. Pour les cycles 2 et 3, les enseignants peuvent lier la visite aux programmes d’histoire (la colonisation), de géographie (les grands repères spatiaux africains) et d’enseignement moral et civique (valeurs et représentations). Pour les collégiens et lycéens, la visite s’inscrit dans les programmes d’histoire (colonisation et décolonisation), de français (lecture critique de L’Afrique fantôme), et d’arts plastiques (réflexion sur l’esthétique et la provenance des œuvres). Le musée propose également des ateliers en lien avec l’exposition, favorisant le débat, la pensée critique et la restitution d’expériences.

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Hakim Aoudia.

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Hakim Aoudia