Depuis le 3 mars 2022, les pays de l’Union européenne ont accordé le statut de « protection temporaire » aux Ukrainiens fuyant leur pays en guerre. Une proposition de loi déposée par la sénatrice Nadia Sollogoub (Nièvre), Présidente du groupe d’amitié France-Ukraine, permet d’identifier les failles actuelles du statut de bénéficiaire de la protection temporaire.
Aujourd’hui, les imperfections de la protection temporaire poussent ses bénéficiaires à solliciter l’asile qui confère le statut de réfugié. Ce statut implique une installation durable sur le territoire national et constitue un frein au retour dans leur pays. Cette dérive est totalement contraire à l’esprit du dispositif, qui est d’offrir un refuge transitoire aux ressortissants concernés, avant le retour définitif dans leur pays d’origine, une fois la situation sécuritaire rétablie.
Selon la sénatrice, ce basculement de la protection temporaire vers une demande d’asile, s’il devait se généraliser, emboliserait gravement les services instructeurs de l’Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui sont déjà saturés.
De leur côté, les acteurs publics et privés, notamment les associations, qui ont fait preuve d’un grand sens de la solidarité dès l’arrivée des premiers réfugiés en provenance d’Ukraine, demandent à pouvoir s’appuyer sur un dispositif plus opérationnel.
Les failles du statut de bénéficiaire de la protection temporaire sont de diverses natures :
- Concernant l’accès à l’emploi, les ressortissants qualifiés, en particulier dans le domaine de la santé, l’ingénierie et l’informatique, ne peuvent apporter leurs compétences, pourtant utiles à la France, en raison de la non-reconnaissance de la plupart des diplômes, ce qui relève d’accords réciproques entre universités ou écoles, et ne peut hélas être corrigé par une disposition législative.
Une avancée pourrait cependant être obtenue en permettant aux bénéficiaires de la protection temporaire d’obtenir le statut de praticien associé ce qui simplifierait la procédure d’autorisation individuelle d’exercice des professionnels médicaux ;
- Plusieurs difficultés sont liées à des questions de mobilité. Si la reconnaissance par la France du permis de conduire ukrainien (qui n’est pas reconnu alors que le permis de conduire russe l’est …) relève d’accords bilatéraux qui doivent faire l’objet d’autres travaux, des avancées législatives permettraient néanmoins d’assurer les véhicules ukrainiens circulant en France.
- L’autre difficulté est celle du logement. Au lendemain de l’invasion russe, l’État a mobilisé plus de 19 500 places dans des centres d’hébergement d’urgence pour les Ukrainiens, mais selon l ‘ONG La Cimade, ce nombre a diminué depuis, tombant à 13 000 places en 2023, 9 000 en 2024 et 4 000 en 2025. L’État a également mis en place des programmes d’intermédiation locative, connus sous le nom d’ILM, permettant aux organisations et aux ONG de sous-louer des appartements privés à des familles ukrainiennes vulnérables. Environ 30 000 logements ont été mis à disposition, mais ce système est aujourd’hui en perte de vitesse.
Selon un bulletin gouvernemental envoyé par François Bayrou en décembre 2024, seules 11 000 places en ILM seront financées en 2025, ce qui est loin d’être le nombre nécessaire.
De leur côté, les organisations qui fournissent les appartements aux réfugiés doivent d’abord trouver de l’argent pour les sous-louer, et que leurs propres budgets sont mis à rude épreuve.
La question de la couverture sociale aux bénéficiaires de la protection temporaire
Si ces bénéficiaires sont déjà éligibles à plusieurs dispositifs, tels que l’allocation pour demandeur d’asile (Ada), les aides personnalisées au logement (APL), la protection universelle maladie (Puma) et les prestations familiales d’entretien non affectées, la sénatrice estime néanmoins que ces derniers ne suffisent pas à protéger efficacement cette population.
En conséquence, l’article 4 de sa proposition de loi prévoit de permettre l’octroi aux bénéficiaires de la protection temporaire des prestations et aides sociales suivantes :
– l’allocation personnalisée d’autonomie (Apa) ;
– le revenu de solidarité active (RSA) ;
– les allocations aux personnes âgées – que sont l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et l’allocation supplémentaire d’invalidité (Asi) ;
– l’allocation aux adultes handicapés (AAH).
Si la commission a partagé l’objectif de cet article, qui cherche tant à remédier aux limites du régime de la protection temporaire dans la perspective de futures crises qu’à résorber le report actuel des bénéficiaires de ce dernier vers la demande d’asile, elle a néanmoins supprimé l’ouverture à ces bénéficiaires du RSA, dans la mesure où cette prestation sociale n’est pas adaptée au régime de la protection temporaire, du fait de son caractère en principe provisoire et de la mobilité de ses bénéficiaires.
Il est à noter que cette proposition de loi pose le principe d’une compensation par l’Etat des dépenses engagées.
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