La proposition de loi Duplomb, du nom du sénateur qui l’a déposée, sera examinée par l’Assemblée nationale à partir du 26 mai 2025. Une bien mauvaise nouvelle pour notre santé, la biodiversité et l’avenir des agriculteurs. Mais tout n’est pas perdu et une mobilisation s’organise. Vous pouvez vous aussi y participer.
Un texte nocif qui rate sa cible
Passée d’abord par le Sénat qui l’a approuvée en février dernier, la proposition de loi « Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur” poursuit son chemin, cette fois-ci à l’Assemblée nationale où elle sera débattue en séance publique à partir du lundi 26 mai.
Depuis la présentation de ce texte, de nombreuses voix s’élèvent et dénoncent un texte qui non seulement incarne un net recul environnemental, mais échoue en plus à apporter des réponses concrètes et adaptées à la crise qui secoue le secteur agricole.
Pesticides réautorisés, santé en danger
En ce qui concerne les pesticides, le cocktail est explosif. La proposition de loi prévoit de réautoriser un certain nombre de pesticides dont les néonicotinoïdes, plus connus comme les pesticides « tueurs d’abeilles ». Ces réautorisations seraient une catastrophe tant sanitaire qu’environnementale.
☞ A-t-on vraiment besoin des pesticides pour nourrir le monde ?
En parallèle, la loi Duplomb s’attaque à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire), l’autorité en charge d’autoriser ou d’interdire des pesticides. Le texte envisage la création d’un conseil d’orientation agricole qui permettrait au ministère de l’Agriculture d’ignorer l’avis de l’Anses.
Les pesticides de synthèse sont nocifs et c’est largement documenté : ils polluent la terre, l’eau et l’air, parfois de façon irréversible. Ils mettent en péril l’environnement et menacent le vivant.
+1000
Plus de 1000 médecins et scientifiques se sont opposés à la loi Duplomb dans une lettre ouverte.
2,3 milliards
Les pesticides représentent un coût caché de 2,3 milliards d’euros par an pour les citoyens européens.
Chaque année, des millions de personnes tombent gravement malades à cause d’eux, et les agriculteurs et agricultrices sont en première ligne. Les maladies comme Parkinson, le lymphome non Hodgkinien, les myélomes multiples et le cancer de la prostate sont reconnues en France comme maladies professionnelles liées à l’usage des pesticides. Début mai, plus de 1000 médecins et scientifiques ont d’ailleurs signé une lettre ouverte pour s’opposer à la proposition de loi Duplomb.
Enfin, selon un rapport du CCFD-Terre Solidaire, du BASIC et de Pollinis, les pesticides représentent à l’échelle européenne un coût caché de 2,3 milliards d’euros par an. C’est deux fois plus que ce qu’ils rapportent aux firmes qui les fabriquent et les commercialisent.
☞ Rapport : « Pesticides, un modèle qui nous est cher »
Une course (stérile) à la compétitivité
Ce texte défend un modèle agricole ultra compétitif sur le marché mondial. Dans le même temps, il prétend protéger l’agriculture française face à des produits étrangers souvent moins chers.
En bref, cette proposition de loi cherche à imposer aux pays tiers une plus grande dépendance aux importations de produits agricoles et alimentaires français, alors même que la France revendique haut et fort sa souveraineté alimentaire et la sortie progressive de ces dépendances aux importations.
En réalité, cette course à la compétitivité et l’utilisation de l’alimentation comme arme géopolitique fragilise notre système agricole : miser sur le marché international c’est se rendre d’autant plus vulnérable face à sa volatilité. Cela nous place également dans une situation de dépendance vis-à-vis de la poignée de multinationales qui dominent le secteur agroindustriel, maillon par maillon.
Des fausses solutions à la pelle
Cette loi, censée sauver le monde agricole, passe totalement à côté des enjeux essentiels.
Autoriser à nouveau des pesticides interdits ne permettra pas de rendre nos productions plus compétitives face à des pays où les coûts de main-d’œuvre sont beaucoup plus bas, parfois dix fois moins chers.
Par ailleurs, comment rester compétitifs demain si nous détruisons nos moyens de productions à petit feu aujourd’hui ?
Cette proposition de loi ne répond pas au cœur du sujet, à savoir le besoin de prix rémunérateurs pour les agriculteurs. Elle propose au contraire de les donner en pâture à un marché mondial ultra volatil et soumis à des chocs de plus en plus fréquents.
Lever les contraintes ou enfoncer les agriculteurs ?
Bien loin d’un plan de sauvetage, la loi Duplomb, si elle est votée, risque d’aggraver la situation du monde agricole en :
- creusant davantage les inégalités de revenus du secteur (déjà plus importantes que dans la population générale)
- intensifiant notre dépendance aux intrants (entre 2022 et 2024, les importations d’engrais russes en France ont par exemple augmenté de 80%)
- retardant l’adaptation des pratiques agricoles aux conséquences de plus en plus concrètes du changement climatique (alors que 62% des agriculteurs estiment que la transition écologique est une nécessité)
Du champ à l’assiette, de l’assiette à l’Assemblée nationale : nous sommes tous et toutes concernées
Pour défendre nos filières et leur redonner du sens, nous devons trouver d’autres voies comme soutenir une transition vers des pratiques agroécologiques, en misant notamment sur l’agriculture biologique, et garantir à chacun un accès digne à une alimentation de qualité grâce à la mise en place d’une véritable sécurité sociale de l’alimentation.
Si cette loi est adoptée, nous serons tous impactés : agriculteurs, riverains, consommateurs. Il est encore temps d’agir : rejoignez la mobilisation et interpellez votre député pour dire non à ce texte toxique !
Photo de couverture : Jean-Claude Gerez