Les sénateurs ont achevé en séance publique, dans la nuit du 20 au 21 mai 2025, l’examen en première lecture du projet de loi de refondation de Mayotte. Ce texte, qui traduit le plan « Mayotte debout » du gouvernement, destiné à redéfinir l’avenir de l’archipel dévasté par le cyclone Chido, permet notamment d’accélérer la convergence sociale. Les sénateurs procéderont le 27 mai au vote solennel sur ce texte avant de le transmettre à l’Assemblée nationale. Retour sur les principales dispositions votées en séance publique. Rappel des dispositions de ce texte.
Le Département de Mayotte connaît une intense pression migratoire, des taux de pauvreté et de chômage particulièrement élevés, et des difficultés importantes d’accès aux services publics (eau potable, santé et éducation notamment) et au logement salubre. Ces difficultés ont été amplifiées par le passage du cyclone Chido, le 14 décembre 2024, qui a dévasté l’archipel.
Dans ce contexte, le Gouvernement entend, à travers ce projet de loi, renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière et contre l’habitat illégal et mettre en place les conditions du développement économique et social du territoire mahorais. Il souhaite aussi moderniser le cadre institutionnel de Mayotte et conforter son statut de Département-Région.
Texte global qui vise à refonder Mayotte, le texte prévoit à ce titre l’adoption d’un rapport exposant les moyens mis en œuvre pour la refondation de Mayotte, afin de pérenniser et d’approfondir le rattrapage des retards de développement de Mayotte.
Afin de mieux lutter contre l’immigration clandestine, le projet de loi :
- Conditionne notamment l’obtention des titres de séjour « parents d’enfants français » et « liens privés et familiaux » à une entrée régulière sur le territoire national ;
- Renforce le dispositif de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité ;
- Modifie le cadre juridique de l’aide au retour volontaire à Mayotte ;
- Prévoit la vérification de la régularité du séjour pour la transmission de fonds à partir d’un versement d’espèces de Mayotte vers l’étranger.
Pour favoriser le développement du territoire, le texte prévoit :
- La création d’un régime de visite domiciliaire aux fins de recherches et de saisies d’armes
- L’adaptation des dispositions relatives au recensement à la situation particulière de Mayotte ;
- L’adaptation des normes de la construction afin de faciliter les constructions de logements ;
- La création d’une zone franche globale d’une durée de cinq ans à Mayotte ;
- La création d’un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte
- Le renforcement de l’attractivité de Mayotte pour les fonctionnaires.
Enfin, le projet de loi propose une modernisation du fonctionnement institutionnel de la collectivité, qui serait désormais dénommée « Département-Région » de Mayotte, afin de conforter son statut de collectivité unique et de réformer le mode d’élection de ses élus en s’inspirant des règles applicables en Guyane et en Martinique.
La commission des lois a modifié le projet de loi, afin notamment de :
- Prévoir la remise d’une programmation annuelle des investissements prioritaires ;
- Donner autorité au préfet de Mayotte sur l’ensemble des services de l’État jusqu’en 2031
- Renforcer les conditions de délivrance des titres de séjour pour motif familial ;
- Revoir les modalités de scrutin pour l’élection de l’assemblée de Mayotte afin de garantir une représentation plus équilibrée des différents territoires de Mayotte.
En séance publique, les sénateurs ont poursuivi leurs travaux en votant les dispositions suivantes :
- Transmission au comité de suivi d’un état des lieux des plans Orsec
Compte tenu des derniers évènements qui ont durement frappés Mayotte, une évolution des plans Orsec est nécessaire pour en consolider l’efficacité et le caractère opérationnel. Un amendement adopté propose ainsi qu’au plus tard le 1er mars 2026, l’État transfert au comité de suivi un état des lieux des plans Orsec ainsi que des préconisations d’évolution.
- Le fonds interministériel de prévention de la délinquance
Un amendement vise à préciser que la mise en adéquation du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) avec les besoins exprimés par les autorités locales sera réalisée d’ici au 31 décembre 2026.
- Création d’un comité régional des pêches et des élevages marins
Un amendement de la Délégation aux Outre-Mer considère que l’effort de structuration de la filière pêche implique la création d’un comité régional des pêches et des élevages marins. La création de ce comité est une demande tant des pêcheurs que des agriculteurs.
- Affectation des redevances des armateurs seychellois pour le développement de la filière pêche mahoraise
Un amendement propose que les recettes liées aux redevances des armateurs seychellois constituent des fonds prioritaires pour le développement de la filière pêche mahoraise. Selon les éléments transmis par le ministère des Outre-Mer, il reste 1,6 million d’euros non programmés fin 2024. Depuis 2014 les montants ont été affectés aux services des Affaires Maritimes de Mayotte exclusivement. Un rééquilibrage est nécessaire pour une flotte de pêche durement affectée par le cyclone CHIDO.
- Fin des classes itinérantes à l’échéance 2031
Un amendement prévoit de mettre fin au dispositif des classes itinérantes en même temps que la fin de la rotation scolaire. En effet, le droit à une scolarité effective est largement mis à mal à Mayotte, notamment en raison du déficit important d’infrastructures scolaires – il manque 1200 classes -, du manque d’accès aux transports et à la restauration et de refus massifs d’inscription scolaire par des mairies. Entre 6000 et 10 000 enfants sont non scolarisés, soit 9% des mineurs présents à Mayotte.
En plus du système de rotation scolaire qui concerne plus de la moitié des élèves, le rectorat de Mayotte a mis en place un système de classes itinérantes, qui implique la tenue de cours en dehors des locaux de l’école. En pratique, selon plusieurs municipalités, les classes itinérantes ne permettent généralement qu’une demi-journée de classe par semaine et par élève.
En conséquence, cet amendement travaillé avec l’Unicef vise à une scolarisation effective.
- Précision des échéances pour les principaux investissements en matière sanitaire
Un habitant de Mayotte sur neuf s’estime en mauvaise ou très mauvaise santé en 2019. Cette part est plus élevée qu’en métropole, alors que la population est beaucoup plus jeune.
Par ailleurs, à Mayotte l’offre de soins reste très limitée, le centre hospitalier de Mayotte (CHM) est le principal offreur de soins. Cependant, à l’exception de l’activité de maternité, le nombre de lits disponibles est bien en dessous des ratios moyens qu’il y a dans l’Hexagone.
Par conséquence, Mayotte dépend fortement de La Réunion. Il est donc crucial que l’offre de soins s’étende et se développe à Mayotte.
Un amendement adopté demande donc que soit établi :
1) un calendrier d’investissement pour les travaux de modernisation du CHM de Mamoudzou et la réouverture de l’ensemble des dispensaires de l’île seront assurés avant le 31 décembre 2025 ;
2) un calendrier pour la réorganisation territoriale des centres médicaux de référence sera élaboré avant le 31 décembre 2025 ;
3) un plan d’investissement et un calendrier des travaux pour la construction du deuxième site hospitalier seront élaborés avant le 31 décembre 2025.
- Fixation d’objectifs spécifiques en matière de production de logements locatifs très sociaux
88 % des ménages demandeurs de logement social ont des ressources qui les situent sous le plafond du logement locatif très social. Or, le parc de logements aidés est principalement constitué de logements PLI ou assimilés, représentant 59 % du total.
Le parc social ne correspond pas suffisamment aux besoins et aux capacités financières des demandeurs de logement. L’amendement propose ainsi que des objectifs spécifiques soient fixés en matière de production de logements locatifs très sociaux à Mayotte. C’est d’ailleurs la seule manière de permettre aux occupants d’habitations précaires d’accéder à un logement digne, décent et abordable.
- Amendement du Gouvernement précisant les engagements financiers relatifs aux investissements prioritaires dans les infrastructures et politiques publiques essentielles
- Gouvernance de l’Établissement public de reconstruction et de refondation de Mayotte
Le conseil d’administration de cet établissement sera présidé par le conseil départemental de Mayotte et assurera une représentation forte des collectivités concernées par ses projets d’aménagement. Si le préfet assurera bien un contrôle administratif, comme les différentes autorités de tutelle de l’Etat, et s’il pourra librement siéger au conseil d’administration, un amendement adopté précise qu’il ne disposera pas d’une autorité hiérarchique ou fonctionnelle sur l’établissement.
- Regroupement familial et condition de logement
Mayotte se caractérise par l’importance de l’habitat informel sur l’archipel, qui semble être directement corrélé à la situation migratoire : d’après l’INSEE, en 2019, les cases en tôle représentaient 38 % du parc de logements et logeaient deux tiers des étrangers à Mayotte.
Aux fins de limiter l’immigration familiale, qui représente plus de 80 % des titres de séjour délivrés à Mayotte, et l’expansion de l’habitat informel, un amendement précise qu’à Mayotte, le regroupement familial ne peut avoir lieu lorsque l’étranger dispose d’un logement édifié ou occupé sans droit ni titre, ou relevant de l’habitat informel.
- Report au 1er juillet 2028 de l’entrée en vigueur du dispositif ainsi que de l’interdiction de la rétention des mineurs à Mayotte
Les travaux parallèlement conduits avec la préfecture de Mayotte conduisent à considérer que les unités familiales ne seront vraisemblablement pas encore prêtes à recevoir les familles le 1er janvier 2027, mais plutôt à compter du 1er juillet 2028. Un amendement fait donc entrer en vigueur le régime des unités de vie familiale à compter du 1er juillet 2028. Par coordination, il repousse également le début de l’interdiction du placement des mineurs accompagnant les étrangers majeurs en rétention à Mayotte à cette même date. Autrement dit, l’Etat pourra placer des étrangers majeurs accompagnés de mineurs en CRA jusqu’au 30 juin 2028, puis en unité de vie familiale à compter de cette date.
- Création d’unions régionales de professionnels de santé de Mayotte (URPS)
Sur un territoire si singulier où la structuration sanitaire fait défaut, disposer d’une URPS Mayotte par profession serait la parfaite opportunité pour pouvoir structurer l’offre de soins sur l’ensemble du territoire. Le fait d’avoir des professionnels de santé impliqués à Mayotte en discussion directe avec l’ARS et les élus mahorais permettra de mieux impliquer l’ensemble des professions libérales du territoire. Cela permettra également aux URPS mahoraise de disposer d’un budget propre et de pouvoir expérimenter des actions de prévention et de coordination à destination des mahorais. Un amendement a été voté en ce sens.
- Obligation de sous-traitance à des petites et moyennes entreprises
L’article 20 du projet de loi « Urgence pour Mayotte », adopté le 13 février 2025, prévoit un montant minimal de 30% pour les microentreprises, les PME et les artisans, pour les travaux de reconstruction, afin d’éviter que les grandes entreprises captent l’ensemble des marchés et des financements. Cela doit permettre aux entreprises locales de se développer.
Dans cette continuité, les sénateurs proposent qu’un montant minimal identique soit intégré aux marchés publics de conception-réalisation relatifs à la réalisation d’écoles élémentaires et maternelles, de collèges et de lycées de l’enseignement public, de résidences universitaires et des constructions affectées à l’enseignement supérieur public.
- Dérogation aux principes de publicité et de mise en concurrence préalable pour la passation des marchés de travaux visant à édifier des constructions temporaires
L’amendement du Gouvernement vise à prendre en compte le contexte particulier des établissements d’enseignement scolaire et de l’université de Mayotte nécessitant l’installation urgente d’infrastructures temporaires pour augmenter leur capacité d’accueil, afin d’éviter toute rupture de prise en charge des élèves et étudiants.
- Modalités de scrutin pour l’élection de l’assemblée de Mayotte
Les sénateurs ont confirmé les travaux de la commission des Lois définissant l’élection des conseillers à l’assemblée de Mayotte au scrutin de liste sur la base d’une circonscription unique divisée en 13 sections électorales reposant sur les anciens cantons.
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