Audition du 30 avril 2025 par l'Assemblée Nationale sur la fiscalité du patrimoine et ses contreparties pour le public

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Conformément à sa politique statutaire de transparence (art. 2), Sites & Monuments livre ici la teneur de son intervention devant l’Assemblée Nationale sur la fiscalité du patrimoine et ses contreparties pour le public.
Notre association demande tout d’abord à ce que l’Etat reprenne le contrôle de la fiscalité de la vente à la découpe des édifices patrimoniaux, que ce soit dans le cadre des défiscalisations "Malraux" ou "Monument historique". Ces opérations, qui peuvent être, selon les cas, bénéfiques (bâtiments industriels, grands bâtiments collectifs militaires ou religieux, etc) ou néfastes (châteaux, hôtels particuliers, etc) pour patrimoine, ne peuvent reposer sur le libre choix des promoteurs immobiliers. Les pouvoirs publics devraient, au contraire, pouvoir flécher cette dépense fiscale vers les monuments qui en ont besoin, ceux en état de péril notamment, quitte à augmenter taux de la défiscalisation en vigueur. En contrepartie, l’avis conforme des Architectes de bâtiments de France sur les bâtiments en péril leur serait restitué (abrogation de l’article L. 632-2-1 du code du patrimoine).

Nous plaidons également pour que la contrepartie des l’avantages fiscaux octroyés aux propriétaires de monuments historiques soit une ouverture au public réelle, qui ne puisse, en particulier, être satisfaite par une simple visibilité depuis la voie publique ou dans le cadre d’une privatisation du monument.

Dans le but de renforcer l’attractivité des monuments historiques, notamment ruraux, nous proposons de neutraliser l’IFI sur les monuments ouverts au public et, concernant les meubles, de créer une dation et une donation de servitude d’attachement à perpétuelle demeure. Ces nouvelles mesures fiscales compenseraient la perte de valeur de ces meubles, incessibles indépendamment de l’immeuble auquel ils sont attachés, tout en permettant à l’Etat d’obtenir leur dépôt périodique (à ces frais et risques) dans un musée, lorsqu’ils ne sont pas accessible pour le public au sein du monument concerné.
JL

Sites & Monuments - Audition du 30 avril 2025, 11h - Vous êtes invités à répondre aux questions posées par un courriel unique, transmis à M. Philippe LOTTIAUX et adressé, en copie, à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Questions relatives aux dépenses fiscales concernant le patrimoine foncier détenu par les personnes privées

1. Concernant la réduction d’impôt « Malraux », l’application de deux taux différents pour les Sites patrimoniaux remarquables (SPR) dotés d’un Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) (30 %), et ceux dotés d’un Plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP), vous paraît-elle justifiée par le degré variable de contrainte de ces deux catégories de plan ?

Membre de la première section de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), Sites & Monuments considère que la différenciation des taux est importante afin d’inciter les communes à choisir un Site patrimonial remarquable (SPR) doté d’un Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), susceptible de protéger l’intérieur des immeubles, plutôt qu’un SPR à Plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP), plus consensuel, puisque protégeant la seule enveloppe des immeubles (façade et toiture).
Au-delà du maintien de la différenciation des taux, Sites & Monuments plaide pour la fin du libre choix par les promoteurs des immeubles objet des rénovations défiscalisées. Ces édifices, vendus à la découpe, perdent en effet beaucoup de leur substance patrimoniale à l’occasion de ces opérations radicales : distribution des pièces modifiée, menuiseries anciennes supprimées, placoplâtrisation des intérieurs, etc. L’obligation de louer encourage ce phénomène de remise à neuf. Les immeubles choisis par les promoteurs « Malraux » sont généralement dans un état satisfaisant, alors que ceux en situation de péril, qui justifieraient de telles opérations, sont délaissés. Il serait ainsi plus pertinent de flécher la fiscalité vers ces derniers, quitte à augmenter ponctuellement le taux de la réduction d’impôt (par exemple jusqu’à 60 % du montant des travaux). Le dispositif Malraux serait ainsi mis au service des DRAC et d’un urbanisme opérationnel de récupération des immeubles ou quartiers en péril. L’effet de la fiscalité serait ainsi concentré sur les véritables problèmes urbains. En contrepartie, le pouvoir d’autorisation de l’ABF sur les immeubles en péril sera rétabli par une abrogation de l’article L. 632-2-1 introduit en 2018 (loi ELAN) dans le code du patrimoine.
Dans le même ordre d’idées, concernant les opérations de vente à la découpe défiscalisée de monuments historiques, il est impératif de rétablir l’agrément préalable du ministère du Budget, sur avis du ministère de la Culture, supprimé en décembre 2017 de l’article 156 bis du code général des impôts. L’Etat doit en effet pouvoir choisir les monuments dont les travaux de vente à la découpe font l’objet d’une défiscalisation.
Ainsi, le château de Pontchartrain (Yvelines), demeure d’un chancelier de Louis XIV et d’un premier ministre de Louis XVI, a-t-il été privé de ses riches collections d’œuvres d’art pour être divisé en 86 logements, implantés jusque dans sa chapelle, ses abords devant être dénaturés par la création de nombreux parkings, son parc, œuvre fameuse d’André Le Nôtre, avec un axe de 13 km de long, étant cédé à part. Le domaine clos de murs de Grignon (Yvelines), château, parc, terres et bois, berceau de l’agronomie française sous le roi Charles X, devait également être loti, selon le même mécanisme fiscal, avant la suspension de sa cession par l’État. C’est aujourd’hui le cas du château de Vaux-le-Pénil (Seine-et-Marne).
Voir : s_m_227_-_j._lacaze_-_vente_a_la_decoupe_des_monuments_historiques.pdf

Ces opérations, qui induisent pourtant un manque à gagner fiscal pour l’État, ne sont pas conformes à l’intérêt général. Les travaux de vente à la découpe de monuments historiques, dont la défiscalisation bénéficie aux clients de promoteurs immobiliers, se distinguent ainsi fondamentalement des opérations classiques de restauration par un propriétaire respectant l’unité et l’attractivité d’un ensemble protégé.
Une vente à la découpe défiscalisée peut toutefois être utile, dans certaines circonstances, à la préservation du patrimoine bâti. Le lotissement défiscalisé de certains monuments, à l’origine conçus pour être collectifs (grands bâtiments religieux, militaires ou même industriels), peut en effet contribuer à leur réaffectation. Des casernes - à l’instar de celle de Miribel à Verdun (détruite en juin 2021) - auraient ainsi pu être conservées par une inscription au titre des monuments historiques suivie d’un lotissement avec travaux défiscalisables.
Voir : Vente à la découpe des domaines de Pontchartrain et de Grignon : prenons le mal à la racine, modifions la loi !

C’est cette possibilité de choix des monuments dont les travaux sont encouragés par un avantage fiscal qu’il convient de retirer aux promoteurs pour le restituer à l’Etat, que ce soit en matière d’opérations « Malraux » ou « monument historique ».

2. Dans sa réponse au questionnaire du rapporteur spécial à l’automne 2024, la DGPA a affirmé que « les coûts moyens de travaux pour un immeuble patrimonial s’élèvent entre 2 800 et 3 100 € /m² taxes et honoraires compris : ces travaux sont couramment de 40 % à 50 % plus chers que dans des situations standards ». Or, le rapport de la mission conjointe IGF/IGEDD/IGAC de 2023 relatif aux réductions d’impôt « Malraux » et « Denormandie dans l’ancien » n’offre aucune telle estimation du surcoût moyen des travaux. Quelle estimation feriez-vous de ce surcoût, et sur la base de quelles données ?

Gonfler le part des travaux dans un lot éligible à une défiscalisation Malraux a pour conséquence de maximiser la portée de la réduction d’impôt. Sauf immeuble en état de péril, ces travaux excessifs ne sont pas bons pour la conservation du patrimoine. Celui-ci nécessite, en effet, des évolutions douces et progressives.

3. Commentez expliquer la faiblesse du nombre de Sites patrimoniaux remarquables (SPR) dotés d’un Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) (92) qui apparaît particulièrement limité par rapport au nombre de SPR s’élevant à 975.

Certains maires expliquent en CNPA qu’un SPR doté d’un PSMV est plus sensible à défendre politiquement en raison de la protection des intérieurs qu’il implique. Pourtant, les exemples de PSMV co-construits avec les habitants, fiers de révéler leurs trésors et heureux de pouvoir les transmettre, notamment à l’occasion d’une vente, sont nombreux. Tout dépend en réalité des dispositifs de médiation mis en place lors de la création du plan. Devant cette attitude, la commission recommande fréquemment qu’un PSMV soit mis en place, à terme. De nombreux maires présentent d’ailleurs la mise en place d’un PVAP comme une première étape vers un PSMV, mais une telle transformation est, dans les faits, rarissime. Il y a pourtant urgence à se doter de PSMV en raison notamment des travaux d’isolation thermique qui détruisent actuellement, outre les menuiseries anciennes, de très nombreux éléments de décor intérieur.
Soulignons également la faiblesse des subvention allouées à l’élaboration de PSMV, plus couteux que les PVAP. Seulement 10 millions d’euros sont affectés au financement de ces plans et des périmètres délimités des abords (PDA) chaque année.

4. Présenter votre position relative à une éventuelle évolution, à la hausse comme à la baisse, du taux minimal de subvention des travaux par la Fondation du Patrimoine.

Ce taux de subvention minimal est de 2 % et permet d’accéder à une déduction d’impôt de 50% du montant des travaux du revenu global, tandis que l’atteinte, avec l’aide des collectivités, du taux de 20 % permet d’accéder à une défiscalisation de 100 % des travaux (ce qui peut sembler curieux). La faiblesse du taux de subvention est compréhensible, mais profite évidemment, comme déclencheur de la déduction d’impôt, avant tout aux propriétaires imposables, ce qui conduit à favoriser un certain type d’habitat au détriment notamment du bâti vernaculaire.

5. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, l’Assemblée nationale avait adopté un amendement plafonnant à 200 000 euros le montant des déficits et charges imputables sur le revenu global au titre de monuments historiques non ouverts au public. Que penseriez-vous de l’instauration d’un tel plafonnement, à un montant similaire ?

Ce plafonnement aurait sans doute l’avantage d’inciter à l’ouverture au public des monuments, mais conduirait probablement à un désinvestissement préjudiciable aux monuments non ouverts au public. Une autre piste, plus positive, serait de conditionner la neutralisation de l’IFI sur les monuments historiques à leur ouverture au public.

6. Présenter votre position relative à l’harmonisation du taux de déduction à 100 %, que le monument soit ou non ouvert au public, sous réserve que la configuration du monument ne permet pas l’ouverture au public ou que son propriétaire s’engage à l’ouvrir au public dans un délai de 3 ans.

Rappelons, en préambule, que 100 % des travaux subventionnés par la DRAC (nets de subvention) sont déjà déductibles des revenus sans avoir à proposer le monument correspondant à la visite et 50 % des travaux lorsque ceux-ci ne sont pas subventionnés. Une part essentielle du dispositif d’ensemble échappe par conséquent à l’obligation d’ouverture au public.
La proposition ci-dessus n’est par conséquent acceptable que strictement encadrée. La condition d’ouverture effective est, en effet, de notre point de vue, primordiale dans l’intérêt du public comme de l’attractivité locale. La condition d’ouverture dans les trois ans peut permettre au propriétaire d’équiper progressivement son monument pour son ouverture. Les 50 % d’avantage fiscal supplémentaires devront alors être remboursés par le propriétaire en cas d’absence d’ouverture au public au terme de ce délai. L’impossibilité d’ouverture au public doit être, pour sa part, insurmontable et constatée par la DRAC.

7. Présenter votre position relative à la réduction de 15 ans à 10 ans de la durée minimale de conservation d’un bien reconnu monument historique afin de bénéficier de la déduction précitée.

Cette disposition permet d’inciter à une conservation de longue durée des monuments historiques par leur propriétaire, la durée minimale pouvant d’ailleurs être continuée en cas de transmission à titre gratuit. C’est l’une des dispositions pouvant éviter qu’un monument ne soit considéré pour son seul statut de placement défiscalisé dans le cadre d’une vente à la découpe. La multiplication des changements de propriétaires n’est, en outre, pas favorable à la conservation du patrimoine par les transformations à répétition qu’elle induit.

8. Le critère d’accessibilité au public pour les monuments labellisés non visibles depuis la voie publique est entré en vigueur en 2023. Toutefois, l’immeuble est rendu accessible au public lorsqu’il satisfait les conditions déterminées par l’arrêté prévu par l’article 41 I de l’annexe III du CGI, soit les mêmes conditions que pour le dispositif de déduction du revenu global des monuments classés/inscrits, détaillées à l’article 17 ter de l’annexe 4 du CGI. Le critère d’accessibilité, censé être plus souple, se révèle donc aussi strict que celui de l’ouverture au public. Pourriez-vous commenter la mise en œuvre de ce critère d’accessibilité, et dresser des pistes d’amélioration afin de faciliter son recours par les propriétaires privés ?

L’application des conditions de déduction du revenu global des charges des monuments historiques aux bâtiments labellisés par la fondation du Patrimoine est contestable, puisque ceux-ci ont, par hypothèse, un intérêt patrimonial moindre, la déduction fiscale étant en outre généralement plafonnée à 50 % du montant des travaux. L’aménagement d’un accès aux extérieurs sans visite (ouverture d’un chemin privé par exemple) pourrait être une contrepartie suffisante à cet avantage fiscal réduit. Ces bâtiments labellisés ont en effet essentiellement vocation à participer à l’agrément du paysage.
Il pourrait cependant être imaginé que la déductibilité à 100 % récompense l’ouverture au public, dans les mêmes conditions que les monuments historiques, d’extérieurs ou d’intérieurs dont la restauration pourrait être jugée digne d’une labellisation (seule la restauration des extérieurs bénéficie aujourd’hui des aides de la fondation du patrimoine).

9. La mission conjointe IGF/IGAC relative à la modernisation de la notion fiscale d’ouverture au public pour les propriétaires privés de monuments de 2020 préconisait « une prise en compte, pour au moins 25 jours, de modalités particulières d’ouverture telles que les visites sur réservation, les visites éducatives, les spectacles et les événe

Recapiti
Julien Lacaze