L’essentiel :
Le contrôle de la commune de Thiron-Gardais, propriétaire d’une abbatiale remarquable, a été motivé par la participation de la chambre à l’enquête commune des juridictions financières relative aux enjeux du patrimoine monumental pour les collectivités territoriales et par les difficultés financières soulevées lors des précédents contrôles budgétaires.
La gestion de la commune doit impérativement être améliorée et le redressement de sa situation financière conforté. Ses moyens techniques et financiers sont limités du fait de sa taille modeste, ce qui constitue un véritable défi en matière de conservation du patrimoine monumental.
Une gestion insuffisamment rigoureuse entrainant des irrégularités
La commune de Thiron-Gardais est de petite taille avec une population de 982 habitants en 2021 ; sa gestion est insuffisamment rigoureuse pour garantir un respect des règles, notamment en matière comptable et de gouvernance. Il a fallu attendre fin 2024 et le contrôle de la chambre pour que la commune adopte les délibérations qu’elle aurait dû prendre lors des élections du nouvel exécutif local en mars 2024, concernant les délégations d’attributions au maire et les indemnités des élus.
La commune doit se montrer plus vigilante quant au respect du cadre juridique dans ses relations avec les associations locales. Ainsi, elle ne respecte pas ses obligations en matière de prévention des conflits d’intérêts alors même que des élus se sont déjà retrouvés confrontés à ce risque. De même, les liens étroits qu’elle possède avec les associations locales, se traduisent par des opérations financières irrégulières et inhabituelles (achats groupés avec des associations sans cadre conventionnel ou avance de fonds par des associations en raison des difficultés de trésorerie de la commune).
En matière comptable, la désorganisation, liée notamment à la rotation des secrétaires de mairie, se traduit par le non-respect de certaines règles comptables et des pertes de recettes. La commune a, par exemple, interrompu sans raison le plan d’amortissement des immobilisations sur les budgets annexes en 2021 et 2022 et n’a jamais identifié de restes à réaliser sur la période contrôlée. De plus, les défaillances dans le suivi des recettes ont conduit à des pertes de recettes, la commune n’ayant pas émis de titres sur des créances qui lui étaient dues. Ainsi, la fiabilité des comptes et l’organisation comptable doivent impérativement être améliorées pour consolider les efforts de redressement de la situation financière. La chambre lui recommande, à cette fin, de mettre en place une comptabilité d’engagement.
Le redressement de la situation financière demeure fragile
Alors que la commune peine, jusqu’en 2022, à dégager un autofinancement sur son budget principal, les difficultés sur son budget annexe assainissement ont aggravé sa situation financière. La réalisation d’importants travaux d’assainissement avant le début de la période contrôlée a conduit la commune sur une trajectoire budgétaire qu’elle n’a pas su maîtriser. Sur le budget principal, ses charges de gestion ont même dépassé ses produits de gestion en 2021 et 2022. Cette situation a conduit à l’intervention de la chambre régionale des comptes en 2022 et 2023 sur saisine de la préfète d’Eure-et-Loir. Cette difficulté à dégager un autofinancement s’explique par des charges élevées, en particulier ses charges de personnel, ses produits étant plutôt favorables en comparaison avec d’autres communes similaires.
La commune a suivi les recommandations de la chambre et sa situation financière s’est améliorée en 2023 grâce à une baisse de ses charges à caractère général. Elle a en outre choisi de réduire ses investissements au minimum et d’éviter d’augmenter son endettement. Si la commune apparaît désormais en meilleure posture, elle doit toutefois poursuivre ses efforts de maîtrise des dépenses de fonctionnement afin de préserver sa capacité à investir, notamment dans l’entretien de son patrimoine. Enfin, la commune s’étant engagée dans un montage contractuel complexe en 2005 pour construire une caserne de gendarmerie, elle doit depuis lors acquitter une redevance dont le montant est décorrélé des loyers que lui verse le locataire. L’écart entre le loyer perçu et la redevance due s’accroit tendanciellement et la commune devra veiller à l’avenir à dégager suffisamment de ressources pour financer cette différence.
La commune ne dispose pas des capacités technique et financière nécessaires pour assurer seule la conservation de son patrimoine
La collectivité possède un patrimoine monumental conséquent. Elle est notamment propriétaire d’une abbatiale classée au titre des monuments historiques dans un état sanitaire particulièrement préoccupant. Une première tranche de travaux a été réalisée de 2016 à 2018, mais le lancement de la deuxième tranche a été retardé en raison des difficultés financières que la collectivité a traversées. La commune et ses partenaires (communauté de communes, préfecture et direction régionale des affaires culturelles) souhaitant profiter du niveau de financement exceptionnel de ces travaux par des partenaires extérieurs, il a été décidé de déléguer la maitrise d’ouvrage à la communauté de communes Terres de Perche par convention avec le lancement de travaux début 2024.
La commune n’atteint pas la taille critique nécessaire pour assurer la conservation d’un tel patrimoine sans un appui significatif de la part de ses partenaires. En effet, elle ne dispose ni d’une ingénierie ni d’une assise financière suffisantes pour entretenir et restaurer son patrimoine. La chambre lui recommande de mieux anticiper les travaux nécessaires en formalisant un plan pluriannuel d’entretien et un plan pluriannuel d’investissement. La commune pourrait ainsi éviter la dégradation de son patrimoine liée à un manque d’entretien courant et le risque de se retrouver face à un mur d’investissements qu’elle ne saurait financer. Une telle programmation semble d’autant plus essentielle au regard de sa situation financière et de sa dépendance aux financements externes.
Pour autant, la commune mène des actions de mise en valeur de ce patrimoine qui se traduisent par le projet d’obtention de la marque « Petites cités de caractère » et la mise en place d’un site patrimonial remarquable.
À l’issue de son contrôle, la chambre a émis cinq recommandations. Elle examinera leur mise en œuvre dans un délai d’une année, après présentation au conseil municipal, conformément aux dispositions de l’article L. 243-9 du code des juridictions financières (CJF).