Oscar Peterson aurait eu cent ans le 15 août 2025. Musicien » inclassable « , il ne se rattache à aucune école particulière du piano jazz, mais concentre dans son jeu une multiplicité d’influences. Pianiste au toucher d’acier poli, à la vélocité foudroyante, mais toujours au service du swing, il reste l’un des rares à conjuguer virtuosité technique froide et chaleur humaine. Des clubs feutrés de Montréal aux grandes scènes internationales, Oscar Peterson a imposé une signature sonore où chaque note respire la générosité et la rigueur. L’occasion de revisiter une discographie foisonnante, faite notamment de trios fulgurants, de dialogues complices avec Ray Brown ou Joe Pass, mais aussi de concerts où la jubilation de jouer s’entend dans chaque mesure. Voici donc notre sélection, certes subjective et non exhaustive, des meilleurs albums d’Oscar Peterson à écouter absolument !
The President Plays with The Oscar Peterson Trio (1954)
Dans The President Plays with The Oscar Peterson Trio, Lester « Prez » Young se retrouve en pleine communion avec l’un des trios les plus affûtés du jazz moderne. Enregistrée à New York, cette session réunit Young au sax ténor, Oscar Peterson au piano, Barney Kessel à la guitare, Ray Brown à la contrebasse et J.C. Heard à la batterie.
Ce disque, initialement en registré en 1952 et issu de plusieurs 10-inch et compilé plus tard en LP par Verve en 1954, propose un florilège de standards — Tea for Two, Just You, Just Me, On the Sunny Side of the Street, There Will Never Be Another You — alternant tempos vifs et ballades plein de nuance.
Mais ce sont les moments hors-cadre qui marquent : Ad Lib Blues, improvisation libre aux accents bluffants, ou (It Takes) Two to Tango, où Young ose la voix, interrompant sa stricte étiquette de pur instrumentiste.
Stan Getz and The Oscar Peterson Trio (1957)
Rencontre de haute voltige : Stan Getz and the Oscar Peterson Trio offre, dès l’ouverture, un dialogue incandescent entre la diction soyeuse de Stan Getz et la mécanique impeccable du trio d’Oscar Peterson. Enregistré à Los Angeles en octobre 1957 et paru peu après, l’album capte ce que le jazz a de plus élégant — swing discret, respirations longues, et une complicité intime entre soliste et accompagnateurs. Le piano d’Oscar, la contrebasse de Ray Brown et la guitare d’Herb Ellis forment un tapis à la fois généreux et ciselé, qui laisse au ténor de Getz toute la profondeur mélodique dont il est maître. Des morceaux comme « I Want to Be Happy » ou la longue « Ballad Medley » révèlent tour à tour l’art du contrepoint et la finesse de l’emphase — un disque à réécouter pour qui cherche le mariage parfait entre lyrisme et groove. Un classique Verve, pur et indispensable.
A Jazz Portrait of Frank Sinatra (1959)
Enregistré en 1959 pour le label Verve, A Jazz Portrait of Frank Sinatra est un hommage d’Oscar Peterson, qui choisit ici d’interpréter à sa façon douze chansons de l’immense répertoire de » The Voice « .
Aux côtés de Ray Brown à la contrebasse et Ed Thigpen à la batterie, Peterson transforme ces standards, non pas en pastiches, mais en autant de témoignages subtils et swingants.
Ce disque cultive une élégance mesurée : les titres demeurent tous courts (moins de quatre minutes), les mélodies restent fidèles à l’original, et l’interprétation privilégie le raffinement du tempo, le jeu de la nuance dans les phrasés, plus que la rupture ou la radicalité.
Le trio excelle dans ce registre – le toucher cristallin de Peterson illumine Just in Time ou You Make Me Feel So Young, tandis que All of Me ou How About You ? offrent l’occasion de beaux échanges spontanés, courts, mais mémorables.
West Side Story (1962)
En 1962, Oscar Peterson s’empare avec virtuosité des thèmes emblématiques de West Side Story, la comédie musicale de Leonard Bernstein & Stephen Sondheim. Produit par Verve, cet album de sept pistes revisite Tonight, Maria, I Feel Pretty et une Reprise finale.
Aux côtés de Peterson au piano, Ray Brown à la contrebasse, et Ed Thigpen à la batterie, le trio transforme ces mélodies théâtrales en véritables standards de jazz : swing, finesse, et improvisations mesurées dominent.
On redécouvre Somewhere avec une atmosphère contemplative, tandis que Jet Song ou Something’s Coming prennent un élan plus effervescent, presque saccadé, soulignant la capacité de Peterson à jouer la tension dramatique comme le lyrisme.
Ce disque, d’une durée modeste (environ 34-35 minutes), ne dilue jamais son inspiration. Chaque réinterprétation porte la marque de la maîtrise technique et du charme mélodique sans ostentation de ce véritable virtuose du piano jazz.
Night Train (1963)
Enregistré les 15 et 16 décembre 1962 à Los Angeles, Night Train (Verve, 1963) marque le sommet d’un trio en pleine maturité — Oscar Peterson au piano, Ray Brown à la contrebasse, Ed Thigpen à la batterie. Dès le morceau-titre, Peterson impose un groove roulant, un phrasé fluide, et un sens du crescendo/diminuendo rare : ce blues transformé en cavalcade mesurée stupéfie par son équilibre entre puissance et retenue.
Le disque couvre blues, standards de R&B et morceaux emblématiques du Great American Songbook : C Jam Blues, Georgia on My Mind, Things Ain’t What They Used to Be, et l’émouvant I Got It Bad (And That Ain’t Good), tous traités avec ce swing impeccable et cette clarté mélodique qu’on attend du trio.
Point d’orgue : Hymn to Freedom, la seule composition originale de l’album. Écrite spontanément sur suggestion de Norman Granz, elle élève l’œuvre à une dimension spirituelle : gospel, blues, émotion authentique.
Minimalisme retenu, arrangements sobres mais toujours expressifs : Night Train est non seulement l’un des albums les plus accessibles d’Oscar Peterson, mais aussi l’un des plus profonds.
The Oscar Peterson Trio Plays (1964)
Sorti en 1964 sous le label Verve, The Oscar Peterson Trio Plays est un album capturant l’essence du trio (Oscar Peterson au piano, Ray Brown à la contrebasse, Ed Thigpen à la batterie). Enregistrées les 27 et 28 février 1964, les neuf plages naviguent entre standards et compositions moins attendues, comme The Strut (une pièce originale de Peterson) ou Little Right Foot (arrangement traditionnel) qui ouvrent l’album avec audace.
Les titres comme Satin Doll, Fly Me to the Moon, This Nearly Was Mine ou You Stepped Out of a Dream révèlent une capacité rare : faire respirer chaque mélodie, donner à chaque silence autant d’importance que la note.
Ce disque se distingue par sa maîtrise technique — le toucher soyeux de Peterson, la contrebasse profonde de Ray Brown, la grande finesse d’Ed Thigpen — mais aussi par sa grande musicalité : il n’y a pas de surenchère virtuose, mais un sens du swing, de la nuance et du contraste.
We Get Requests (1964)
We Get Requests (Verve, 1964) — dernier album studio officiel du trio classique Oscar Peterson / Ray Brown / Ed Thigpen pour Verve — se présente comme un sommet de raffinement et de maîtrise collective. Dès les prises effectuées à New York entre octobre et novembre 1964, le trio allie swing, subtilité mélodique et une sensibilité accrue.
Le répertoire choisit des standards dans l’air du temps — The Girl from Ipanema, Quiet Nights of Quiet Stars (Corcovado), The Days of Wine and Roses, Have You Met Miss Jones ? — mais aussi une composition personnelle Goodbye J.D., qui permet d’entrevoir le talent de compositeur d’Oscar Peterson.
Ce disque brille par ses contrastes : ballades presque susurrées, tempos modérés, mais aussi éclats rythmés, où Ray Brown s’impose dans un dialogue constant, et Ed Thigpen excelle dans l’espace que lui offre ce trio.
« Satch » and « Josh » (1974)
Enregistré le 2 décembre 1974 au MGM Recording Studios de Los Angeles, « Satch » and « Josh » est une rencontre exceptionnelle entre deux légendes du jazz : Count Basie et Oscar Peterson. Sous la direction de Norman Granz, ce disque capture l’alchimie unique entre les deux pianistes, soutenus par une rythmique solide composée de Freddie Green à la guitare, Ray Brown à la contrebasse et Louie Bellson à la batterie.
Le répertoire de l’album mêle compositions originales et standards revisités, offrant une palette riche et variée. Parmi les morceaux notables figurent Buns Blues, R.B., Burnin’, Louie B., Lester Leaps In, et le blues final S & J Blues. Ces titres illustrent la complicité musicale entre Basie et Peterson, alliant swing, virtuosité et émotion brute.
The Trio (1974)
En 1974, Oscar Peterson revient à sa formation préférée avec The Trio, un album live enregistré en mai 1973 au London House de Chicago. Accompagné du guitariste Joe Pass et du contrebassiste Niels-Henning Ørsted Pedersen, Peterson livre une prestation magistrale qui lui vaut un Grammy Award pour la meilleure performance jazz par un groupe.
Wikipédia
Le répertoire, entièrement original, comprend des compositions telles que Blues Etude, Chicago Blues, Easy Listening Blues, Come Sunday (de Duke Ellington) et Secret Love. Ces morceaux révèlent la richesse harmonique et la fluidité du jeu de Peterson, soutenus par l’interaction subtile de Pass et Pedersen. Le trio navigue avec aisance entre le blues, le swing et la ballade, offrant une écoute captivante du début à la fin.
Ella and Oscar (1976)
Enregistré le 19 mai 1975 au studio Cherokee de Los Angeles, Ella and Oscar est une rencontre rare et intime entre la voix incomparable d’Ella Fitzgerald et le piano virtuose d’Oscar Peterson, accompagnés du contrebassiste Ray Brown. Ce disque se distingue par sa simplicité et sa profondeur. Le duo explore des standards tels que Mean to Me, How Long Has This Been Going On ?, More Than You Know, et April in Paris, offrant des interprétations empreintes de sensibilité et de complicité. La voix d’Ella, toujours aussi expressive et nuancée, se marie parfaitement avec le jeu élégant et raffiné de Peterson. L’ajout de Ray Brown sur la seconde moitié de l’album apporte une dimension supplémentaire, enrichissant l’harmonie du trio.
Produit par Norman Granz, cet album reflète l’alchimie unique entre deux géants du jazz, alliant virtuosité et émotion brute.
Le vinyle, une culture
Si vous n’avez pas encore succombé au retour du vinyle, qui n’a par ailleurs jamais disparu, il est temps de vous y mettre.
Bien plus qu’un simple objet, il séduit de plus en plus, néophytes et passionnées, par la qualité de ses pochettes, sa fidélité sonore et la richesse du son.
De plus, il permet de se réapproprier l’instant et de prendre le temps.
Tout commence par ce petit rituel, où l’on choisit son disque, puis on extrait la galette de sa pochette et de son étui en plastique. Il faut ensuite la poser sur la platine, positionner soigneusement l’aiguille, savoir apprécier son crépitement si caractéristique, s’assoir et écouter, en parcourant la jaquette.
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