Pourquoi le dispositif « Portable en pause », pour que les élèves déposent leur téléphone dans des casiers, a été ignoré par la plupart des collèges - Départements de France - AF

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Moins d’un collège sur dix a mis en place cette mesure. Des systèmes à la fois coûteux et sans objet, arguent les chefs d’établissement, puisque l’usage du téléphone est déjà officiellement interdit depuis 2018.

Seuls 9 % des collèges ont mis en place, en cette rentrée, le dispositif « Portable en pause », qui consiste pour l’élève à se séparer physiquement de son téléphone en le déposant dans un casier ou dans une pochette scellée. La ministre de l’éducation nationale démissionnaire, Elisabeth Borne, avait pourtant insisté à la rentrée sur sa généralisation.

Derrière ce constat, dressé par le syndicat majoritaire des chefs d’établissement SNPDEN-UNSA dans son enquête de rentrée, on trouve à la fois du refus net et de l’attentisme : « 67 % disent qu’ils ne le feront pas, 25 % ne savent pas parce qu’ils attendent d’en savoir plus auprès de leur département », indiquait Bruno Bobkiewicz, le secrétaire général du syndicat, le 12 septembre.

Pour une majorité de principaux, cette mesure est plus ou moins sans objet, puisque l’usage du téléphone portable est déjà interdit dans les collèges depuis 2018. En pratique, les enfants peuvent l’avoir sur eux, mais ils n’ont pas le droit de s’en servir.

« On ne peut pas être contre le fait que les élèves utilisent moins leur téléphone, reconnaît Michaël Vidaud, principal dans un collège de Nice et secrétaire national au SNPDEN. Mais la loi de 2018, selon moi, est suffisante, car elle permet de confisquer des téléphones et de prendre des sanctions. » Depuis la rentrée, ce chef d’établissement a confisqué un seul appareil, à la fin de la deuxième semaine de cours. « Vous voyez, ce n’est pas insurmontable », conclut-il, en soulignant plutôt un problème au niveau des lycées – où le téléphone est autorisé dans les couloirs et où les élèves s’en servent en permanence.

Son précédent collège, en Ardèche, s’est équipé avant l’été de pochettes à fermeture magnétique qui peuvent être scellées à l’entrée de l’établissement, puis réouvertes en sortant, en fin de journée. « Mais c’était une volonté de l’académie et du département, qui ont été moteurs sur le sujet, ajoute ce chef d’établissement. La mesure a été entièrement financée. » Selon l’association d’élus Départements de France, les demandes d’aide formulées par des collèges pour s’équiper en casiers ou en pochettes sont cependant « plutôt faibles ».

« Contradiction »

Malgré cela, il ne viendrait à l’esprit de personne de contester l’ampleur des problèmes liés aux téléphones : le temps d’écran des adolescents explose et génère des problèmes en cascade à l’intérieur des établissements. Outre des difficultés de sommeil et de concentration, les collèges ont à gérer les conséquences concrètes de tensions entre élèves ou de phénomènes de harcèlement survenus sur les réseaux sociaux le soir et le week-end.

« On peut avoir une bagarre devant le portail et découvrir que c’est parti d’insultes diffusées la nuit sur un groupe WhatsApp ou sur Telegram…, rappelle Olivier Raluy, conseiller principal d’éducation (CPE) dans un collège REP + de Clermont-Ferrand et secrétaire national du SNES-FSU. A chaque fois, il faut traiter la question, décortiquer ce qui s’est passé, dialoguer avec les familles… » Olivier Raluy n’est pas pour autant en faveur de « Portable en pause », que son collège ne met pas en place, faute de pouvoir matériellement le faire.

Pour lui, ce dispositif traduit l’ambivalence de l’éducation nationale par rapport au numérique : « Il existe une contradiction entre le fait d’avoir prêché le numérique à tous crins et le fait de vouloir restreindre l’accès des élèves. » Les parents eux-mêmes sont pris dans cette ambivalence, selon ce CPE : « Ils étaient les premiers à se féliciter du dispositif quand il a été présenté en conseil d’administration, se souvient-il. J’ai fait remarquer qu’on demandait au collège d’imposer une restriction que les parents ne mettent pas en place. Je ne leur jette pas la pierre, mais c’est une responsabilité partagée. »

D’un côté, en effet, l’école voudrait prendre sa part dans la lutte contre l’explosion du temps d’écran des enfants, véritable problème de santé publique, en limitant au maximum l’accès aux téléphones pendant la journée. D’un autre, l’usage logistique du téléphone est inévitable. Les élèves et leurs parents utilisent tous des outils comme Pronote et l’espace numérique de travail (ENT), qui leur permettent de communiquer avec le collège, de connaître les absences et les devoirs à faire, d’accéder à des ressources. Les téléphones, achetés de plus en plus tôt (11 ans et 4 mois en moyenne en 2024, selon l’Observatoire de la parentalité), rassurent les familles des collégiens.

Consciente de ce problème, l’éducation nationale a répondu par un autre dispositif qui entrait lui aussi en vigueur en cette rentrée : la désactivation par défaut des mises à jour des ENT et des logiciels de vie scolaire (type Pronote) entre 20 heures et 7 heures, en semaine, et entre 20 heures le vendredi et 7 heures le lundi, le week-end.

En 2024, la commission d’experts sur l’exposition des enfants aux écrans, voulue par le président de la République, Emmanuel Macron – et dont la désactivation des notifications entre 20 heures et 7 heures était une des préconisations – avait déjà relevé que l’école était prise dans des injonctions contradictoires, et les experts avaient assuré que la place du numérique à l’école avait fait l’objet d’âpres débats au sein de cette commission.

Source : Pourquoi le dispositif « Portable en pause », pour que les élèves déposent leur téléphone dans des casiers, a été ignoré par la plupart des collèges

Recapiti
Téa Bazdarevic