Le 17 septembre, la Cour pénale internationale (CPI) a tenu une audience sur les réparations pour les victimes dans l’affaire Al Hassan, ancien chef de la police islamique de Tombouctou. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Women’s Initiatives for Gender Justice (WIGJ), REDRESS et Avocats sans frontières Canada (ASF Canada) saluent cette étape attendue de longue date par les victimes pour être reconnues et obtenir réparation.
La Haye, 19 septembre 2025. En juin 2024, les juges de la CPI ont reconnu Al Hassan, ancien chef de facto de la police islamique de Tombouctou et membre d’Ansar Dine, un groupe associé à Al-Qaïda au Maghreb islamique ("AQMI"), coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis au Mali entre le 1er avril 2012 et le 28 janvier 2013. La Chambre de première instance ne l’a pas reconnu coupable de crimes basés sur le genre. Bien que la majorité des juges ait conclu que M. Al Hassan avait participé à la commission de ces crimes avec intention et connaissance, ces conclusions n’ont pas abouti à des condamnations en raison de l’application de la défense de contrainte par l’un de ces mêmes juges majoritaires. En novembre 2024, il avait été condamné à 10 ans d’emprisonnement, peine qui a ensuite été réduite de 12 mois, la date de libération prévue étant désormais le 28 mars 2027.
Le 17 décembre 2024, le Bureau du Procureur (BdP) a fait part de sa décision de renoncer à l’appel interjeté contre le jugement de première instance et de ne pas faire appel du jugement de condamnation. En décembre 2024, la Chambre de première instance de la CPI a rendu une Ordonnance relative aux observations sur les réparations, ouvrant officiellement la phase des réparations de la procédure et exposant les questions sur lesquelles les parties et les participants étaient invités à apporter leur contribution.
Observations d’amicus curiae
En mars 2025, la Chambre de première instance a autorisé un groupe d’organisations et d’individus, dont Mama Koité Doumbia, l’Association des Femmes pour les Initiatives de Paix (AFIP), le Groupe de Recherche, d’Étude, de Formation Femme-Action (GREFFA), Women’s Initiatives for Gender Justice (WIGJ), la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH), REDRESS, Avocats sans frontières Canada (ASF Canada), Alexandra Lily Kather, et Sareta Ashraph, à soumettre des observations. Le 16 juin 2025, elles ont déposé des observations sur le processus de réparation, qui soulignent toute l’étendue des préjudices infligés aux victimes des crimes condamnés, en insistant sur leurs dimensions intersectionnelles et liées au genre. Les observations appellent également à ce que tous⸱tes les habitant⸱es de Tombouctou pendant la période de persécution soient présumé⸱es victimes, et insistent sur la nécessité de veiller à ce que les réparations soient centrées sur les victimes, soient structurellement correctives, culturellement et contextuellement pertinentes, et co-créées par les victimes.
« Notre soumission souligne que les crimes condamnés ont eu lieu dans le cadre d’un contexte plus large d’oppression liée au genre et de discrimination intersectionnelle. Les réparations doivent tenir compte de ces réalités, sinon elles risquent de nier l’étendue réelle des préjudices subis par les victimes » a déclaré Alix Vuillemin, Directrice Exécutive de WIGJ.
Notre soumission propose également des modalités de réparations appropriées pour répondre au préjudice subi par les victimes, y compris des compensations individuelles et des réparations collectives, prenant en compte les avis et les besoins des victimes, et mises en œuvre de manière à préserver leur dignité, leur autonomie et leur protection, en particulier compte tenu de la situation sécuritaire et instable que connaît actuellement le Mali.
Avant de rendre sa décision, la Chambre de première instance de la CPI a décidé de tenir une audience sur les réparations le 17 septembre 2025 afin d’entendre les observations des représentants légaux des victimes, de la défense, de l’accusation ainsi que du Fonds au profit des victimes.
Vers des réparations centrées sur les survivants
« Les victimes de Tombouctou continuent de vivre avec les conséquences des déplacements forcés, de l’insécurité et de la fragmentation de la communauté. Cette audience est une opportunité cruciale de veiller à ce que les réparations répondent à leurs besoins, respectent leur dignité et contribuent à prévenir d’autres préjudices » a déclaré Drissa Traoré, Secrétaire Général de la FIDH.
Dans cette affaire, les réparations représentent la dernière occasion pour les victimes des crimes d’Al Hassan de voir l’étendue de leurs souffrances reconnue dans le cadre de la procédure de la CPI. Elles doivent contribuer non seulement à la guérison individuelle, mais aussi à la résilience de la communauté et au changement systémique.
« Fondées sur les points de vue des survivants et élaborées conjointement avec eux conformément aux principes établis en matière de réparation, ces réparations peuvent contribuer à remédier aux préjudices fondés sur le genre subis par les victimes d’Al Hassan à Tombouctou et démontrer l’engagement continu de la Cour en faveur de la justice de genre et de la non-discrimination », a ajouté Julie Bardèche, Conseillère Juridique Principale à Redress.
Il était encourageant de constater que les points soulignés dans nos observations d’amicus curiae aient été réitérés par les parties lors de l’audience sur les réparations. Nous espérons que la Chambre rendra une ordonnance de réparation qui tiendra compte des dimensions intersectionnelles et liées au genre des préjudices subis par les victimes des crimes condamnés et qui accordera également la priorité aux personnes les plus vulnérables.