La Cinémathèque française consacre, du 8 octobre 2025 au 11 janvier 2026, une grande exposition-rétrospective à Orson Welles — « My Name is Orson Welles » — pour le 40ᵉ anniversaire de sa disparition. Conçue comme une immersion dans une trajectoire hors norme — du théâtre et de la radio à Broadway, puis à Hollywood, jusqu’aux incursions européennes et aux films inachevés — l’exposition articule archives, photographies, dessins, extraits filmés et installations sonores pour restituer la profusion créative et les tensions d’une vie d’artiste-public. Plus qu’un catalogue chronologique, la scénographie cherche à montrer Welles comme figure plurielle : metteur en scène de plateau, magicien du montage, homme de spectacle et « auteur » contradictoire. L’occasion de comprendre la postérité — souvent torturée — d’un créateur impossible à enfermer.
Vie et œuvre
Orson Welles (1915–1985) entre dans l’histoire comme un cas d’école du génie précoce. Acteur, metteur en scène et auteur, il apparaît d’abord comme enfant prodige du théâtre et de la radio — grâce au Mercury Theatre et à la fameuse adaptation radiophonique de La Guerre des mondes (1938) — avant d’être happé par Hollywood. À vingt-cinq ans, il réalise Citizen Kane (1941), film immédiatement canonisé pour son audace narrative, sa profondeur de champ et son montage porté par une écriture visuelle puissante. Mais la trajectoire de Welles n’est pas linéaire : insatisfactions, imposés par les studios, tournages interrompus et travaux posthumes jalonnent une carrière où l’écart entre ambition et condition matérielle devient moteur même de l’invention.
Prodige et démultiplication
Son œuvre achevée compte une douzaine de longs métrages, mais c’est aussi l’ensemble des archives — scénarios, storyboards, enregistrements radiophoniques, montages inaboutis — qui compose le portrait d’un créateur toujours en chantier. La biographie et la filmographie de Welles forment une dialectique entre éclat initial et laborieuse survie artistique, qui rend sa figure à la fois mythe et champ de débats pour les historiens du cinéma.
Influence : la modernité formelle et la pop culture
L’héritage de Welles se lit à deux échelles. D’un côté, sur le plan strictement cinématographique, ses innovations formelles — jeux de profondeur, plans-séquences audacieux, montage subjectif et utilisation novatrice de la voix off — ont nourri toute l’esthétique du cinéma moderne. De l’autre, sa figure publique — l’orateur radio, le showman hollywoodien, l’exilé européen — a franchi le cadre des spécialistes pour investir la culture populaire : références, pastiches, reprises musicales et détournements abondent. La postérité critique est ambivalente : célébration de l’auteur-maître d’œuvre et dénonciation d’un « déclin » après Citizen Kane, débat alimenté par des chroniques comme celles de Pauline Kael et par la réévaluation continue menée par les historiens.
Un repère pour cinéastes
La rétrospective parisienne ne se contente pas de commémorer : elle montre l’ampleur des archives et la multiplicité des formes (télévision, radio, théâtre, cinéma inachevé) qui expliquent pourquoi Welles reste un repère pour cinéastes et artistes contemporains, et une figure familière de la pop culture.
L’exposition : scénario d’une grande fresque
« My Name is Orson Welles » est pensée comme un vaste dispositif narratif. Scénographes et conservateurs convoquent centaines de photographies, extraits filmiques, documents personnels, dessins et installations sonores pour restituer une écriture du geste de Welles. L’accrochage se veut à la fois chronologique et thématique : les débuts à la radio et au théâtre occupent un espace où l’on réécoute des programmes, tandis que la salle consacrée à Citizen Kane replace le film dans son contexte contractuel, esthétique et polémique.
Le laboratoire wellesien
Des zones dédiées aux films inachevés et aux montages non-finalisés offrent un regard inédit sur le « laboratoire » wellesien — comment un réalisateur compose, déplace, efface. Au programme complémentaire : projections, rencontres avec des spécialistes (collaborateurs et historiens), et un catalogue-ouvrage qui prolonge l’exposition. C’est une proposition muséographique ambitieuse, voulue colossale par la Cinémathèque, qui cherche non seulement à archiver mais à faire éprouver l’intensité du processus créatif. Pour l’amateur comme pour le curieux, la rétrospective promet un parcours dense, documenté et généreux.
À découvrir en famille
La Cinémathèque développe depuis des décennies une offre éducative adaptée aux enfants et aux scolaires : ateliers « Voir du cinéma », visites guidées et studios pratiques permettent d’allier analyse et pratique (bruitage, animation, montage). L’exposition Welles s’inscrit naturellement dans ce dispositif : elle offre des supports variés — extraits sonores, images fixes, maquettes, ateliers en studio — qui permettent une médiation progressive selon l’âge. Concrètement, des propositions par cycle scolaire peuvent être organisées ainsi :
Maternelle / Grande Section (cycle 1)
Atelier « images et sons » (45–75 min) — découvrir comment une image bouge, manipuler objets/ombres pour raconter une courte histoire ; visite adaptée de l’exposition avec supports tactiles et chronologie simplifiée.
Élémentaire (cycles 2–3 / CP → CM2)
Séance « raconter une scène » (1h30–2h) — projection d’un extrait non effrayant de films muets ou de séquences de Welles, atelier de fabrication de petits décors et initiation au storyboard ; lien avec le programme d’EMC et français (raconter, décrire, situer une œuvre dans son époque).
Cinemathèque
Collège / Lycée (cycles 4–5)
Atelier « analyse et pratique » (2h–demi-journée) — étude d’un plan de Citizen Kane (mises en scène, lumière, voix off) suivie d’un atelier pratique de montage et d’une discussion sur l’auteur et les conditions de production — articulation directe avec les compétences d’éducation aux médias et à l’image.
Soutenez-nous
Nous vous encourageons à utiliser les liens d’affiliation présents dans cette publication. Ces liens vers les produits que nous conseillons, nous permettent de nous rémunérer, moyennant une petite commission, sur les produits achetés : livres, vinyles, CD, DVD, billetterie, etc. Cela constitue la principale source de rémunération de CulturAdvisor et nous permet de continuer à vous informer sur des événements culturels passionnants et de contribuer à la mise en valeur de notre culture commune.
Hakim Aoudia.