Dans Debussy à la plage, l’historien et écrivain Rémy Campos propose une enquête captivante à partir d’un simple cliché familial qui transporte le lecteur en août 1911, sur le rivage normand d’Houlgate. Grâce à une étude scrupuleuse de photographies, cartes postales et archives visuelles, il reconstitue le séjour de Claude Debussy, de son épouse Emma Bardac et de leur fille, dans ce décor de station balnéaire fréquentée par le grand monde. Au fil des pages, se dessine le contraste entre l’univers mondain de la plage – cabines, jetées, tenues estivales – et l’intériorité d’un compositeur mal à l’aise au milieu de l’agitation balnéaire. Illustré d’un riche appareil iconographique, le volume est accompagné d’un CD de 74 minutes réunissant des enregistrements anciens. Debussy à la plage de Rémy Campos aux Éditions Gallimard : le livre d’un voyage sensible sur les traces du maître !
Une photographie, point de départ d’une enquête minutieuse
Rémy Campos fait de la photographie le fil conducteur de son livre. L’élément déclencheur est un simple cliché familial conservé dans un album, autour duquel l’auteur tisse une enquête érudite et sensible. Il retrace le parcours du photographe, les conditions de prise de vues, les usages sociaux du portrait en bord de mer, tout en croisant les traces visuelles des cabines de plage, des jetées, des tenues estivales et des cartes postales d’époque.
L’enjeu n’est pas seulement iconographique : l’auteur cherche à décrypter ce que ces images révèlent ou dissimulent de Debussy, de sa famille, et du rapport ambigu du compositeur à l’image photographique. Ainsi, certaines photographies inédites dormaient jusque-là dans les fonds familiaux et n’avaient jamais été mises en lumière.
Ce premier chapitre permet ainsi au lecteur de s’immerger dans l’intimité d’un temps révolu, en suivant les pas du chercheur, à la croisée de l’histoire de l’art, de la biographie musicale et de la critique visuelle.
Houlgate, décor d’été et scène intime
C’est au cœur d’un séjour normand, à Houlgate en août 1911, que l’ouvrage déploie le plus ses pouvoirs évocateurs. Campos consacre près de cent quarante pages à ce paysage de villégiature : les cabines alignées, le casino, le grand hôtel, les promenades sur la plage, les familles autour des jetées.
Mais ce décor mondain n’est qu’un cadre dans lequel se joue une relation contrastée entre Debussy et son environnement. Contrairement à d’autres baigneurs élégants, il refuse l’uniforme du bain clair, porte rarement le chapeau de rigueur et paraît mal à l’aise dans cette mise en scène.
À travers les lettres d’août 1911, mentionnées dans le livre, on devine l’enthousiasme initial pour la station cédant à une lassitude profonde face à la sociabilité forcée, aux bruits des casinos, à l’obsession du paraître.
Ce chapitre révèle comment la plage devient un « théâtre stérile » pour Debussy, un décor trop visible qui contraste avec son goût pour la discrétion et la musique intérieure. L’auteur y éclaire aussi le regard porté par les photographes de l’époque, dont Jacques-Henri Lartigue, en quête de moments volés.
Retour à Paris : l’ombre et la lumière de l’hôtel particulier
Dans le tiers final du livre, Campos quitte la plage pour s’intéresser au cadre parisien dans lequel Debussy et sa famille reprennent leurs habitudes. Il étudie les photographies prises au sein de l’hôtel particulier du square de l’Avenue du Bois (aujourd’hui avenue Foch), où se déploie une vie plus privée : le jardin, les domestiques, les visites, les instants domestiques.
Ces images illustrent un basculement : du spectacle public des bords de mer à la gestuelle intime du foyer. L’auteur note qu’aucune photo ne montre de grands rassemblements mondains ; la famille Debussy préfère la discrétion à l’exposition.
L’identification de certains sujets – Emma, Chouchou (leur fille), la nurse anglaise ou les visiteurs – est souvent délicate, parfois incertaine. Campos joue de cette incertitude, dans une approche presque proustienne de la photographie comme dépossession ou flou identitaire.
Pour enrichir cette partie, le livre propose également un CD anthologique (74 minutes) rassemblant des enregistrements anciens, notamment des Ballades de François Villon par Charles Panzéra.
C’est donc dans cette « zone d’ombre lumineuse » que le livre trouve son sens, en montrant combien la photographie – à la fois témoin et masque — permet de reconquérir une présence fugace, mais précieuse, d’un Debussy qui cherche à se soustraire aux regards.
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Hakim Aoudia.