Les personnes handicapées ou leurs familles ont une longue expérience à nous transmettre : Chronique RCF de Florence Gros du 22 octobre 2025
Depuis la rentrée, n’avez-vous pas entendu comme moi, Pierre-Hugues, de nombreuses personnes se plaindre de leur rythme de vie : « avec la rentrée le rythme a repris de plus belle », « le temps passe trop vite », « je suis déjà épuisée par mon rythme de travail » … Aussi l’affirmation du Pape Léon XIV lors de son audience générale place Saint-Pierre, il y a déjà un mois, m’a semblé d’actualité ! Il a affirmé que Dieu n’a pas peur du temps qui passe, et recommandé des temps de pause et de silence au milieu des vies frénétiques. Il regrette que nous vivions comme si la vie n’était jamais suffisante : Nous courons pour produire, pour prouver, pour ne pas perdre de terrain. Alors que pour lui, la vie ne dépend pas toujours de ce que nous faisons mais aussi de la façon dont nous savons nous détacher de ce que nous avons pu faire.
Pierre-Hugues : Notre Pape a-t-il donné des pistes pour bien habiter le temps ?
En méditant sur le Samedi saint, le Pape nous a donc invités à nous arrêter, à accueillir le silence et aussi à accepter le temps lent de la confiance au lieu de chercher des réponses rapides, des solutions immédiates. Il a eu cette phrase que je garde tout particulièrement : même le temps dit inutile, celui des pauses, des vides, des moments stériles peut devenir un temps de grâce si nous l’offrons à Dieu. C’est dans le tombeau du Samedi saint, que Dieu prépare la plus grande surprise. Et le Pape ajoutant : nous ne devons pas nous précipiter pour ressusciter. Le Pape nous exhorte donc à provoquer des temps de pause, de silence dans nos journées et à offrir à Dieu les temps de silence ou de pause subis. Un vrai défi pour chacun de nous quelle que soit notre situation. Un défi que Françoise, une amie, a su relever. Elle est atteinte d’une maladie neurodégénérative qui l’a rendue complètement dépendante des autres. Elle a donc dû apprendre à habiter son temps car elle ne le maîtrise pas. Elle connaît ces moments de vide inutiles que le Pape a nommés. Ce sont tous ces moments où elle doit attendre quelqu’un de disponible pour l’aider - à se lever le matin, à manger, à ouvrir son ordinateur. Toutes ces heures d’attente, elle demande à Dieu de les habiter de sa présence et elle les offre. Elle témoigne que sa relation à Dieu en a été grandie. Cette attente n’est ni inutile, ni stérile. Je tente de m’en souvenir quand je m’impatiente dans une queue ou des embouteillages.
Pierre-Hugues : Accepter le temps lent de la confiance au lieu de chercher des solutions rapides est aussi un défi.
En effet ! Et là encore les personnes handicapées ou leurs familles ont une longue expérience à nous transmettre. Quand vous êtes dans l’attente d’un diagnostic délicat à poser, d’un traitement difficile à équilibrer, d’un projet de vie compliqué à construire ou sur une liste d’attente pour une activité … le temps est lent, long et parfois angoissant. Les familles doivent s’adapter, composer et choisir la confiance. Beaucoup témoignent que dans ce temps lent où la confiance s’est invitée, il s’est passé des choses importantes. Un exemple : à la naissance de son fils handicapé, les médecins ont dit à Bénédicte que son fils ne pourrait rien faire. Elle a crié vers Dieu son désespoir. Convaincue par une amie, elle accepte de laisser partir son fils, alors âgé de 7 ans, en week-end avec une association, une fois, deux fois, 10 fois. Faire confiance à l’association a été difficile mais a permis une résurrection. Elle a découvert que son fils, certes ne marchait pas, ne parlait pas mais qu’il apportait aux autres de la joie par sa simple présence. Elle a découvert que le talent de son fils était celui de donner de la joie. Dieu n’a pas peur du temps qui passe, du temps lent et long. Il les habite pour ouvrir des chemins inattendus.
Chroniques hebdomadaire de Florence Gros, directrice de la Fondation OCH. 22/10/2025