Psychose chez la personne âgée : Distinguer délire et troubles du comportement - DYNSEO - App educative et jeux de mémoire

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Introduction

La psychose chez la personne âgée représente un défi diagnostique et thérapeutique majeur en gériatrie. Contrairement aux idées reçues, la confusion mentale, les hallucinations et les délires ne sont pas des manifestations « normales » du vieillissement, mais témoignent toujours d’une pathologie sous-jacente nécessitant une investigation et une prise en charge adaptées. Ces manifestations psychotiques, lorsqu’elles surviennent chez une personne âgée, créent une détresse importante tant pour la personne elle-même que pour son entourage, et peuvent conduire à des situations d’urgence médico-sociales.

La distinction entre délire, confusion mentale, hallucinations et troubles du comportement est cruciale car elle oriente radicalement la prise en charge. Un délire confusionnel aigu nécessite une hospitalisation en urgence pour rechercher et traiter la cause sous-jacente, tandis qu’une hallucination chronique dans le cadre d’une démence peut être gérée en ambulatoire avec un traitement symptomatique adapté. Cette distinction, apparemment simple en théorie, s’avère souvent complexe en pratique, particulièrement lorsque plusieurs pathologies coexistent chez une même personne âgée polypathologique.

En France, environ 30 à 50% des personnes âgées hospitalisées présentent un syndrome confusionnel à un moment de leur hospitalisation, et les troubles psychotiques affectent 20 à 30% des personnes atteintes de démence. Ces chiffres, considérables, soulignent l’importance d’une meilleure compréhension de ces manifestations pour améliorer leur détection précoce, leur prise en charge et le soutien aux aidants.

Les troubles psychotiques du sujet âgé ont des particularités spécifiques liées aux modifications physiologiques du vieillissement, à la polypathologie fréquente, aux multiples traitements médicamenteux souvent en cause, et aux facteurs environnementaux et sensoriels propres à cette population. Cette complexité nécessite une approche globale, biopsychosociale, pour une prise en charge efficace et respectueuse de la personne âgée.

Comprendre les manifestations psychotiques chez la personne âgée

Le syndrome confusionnel aigu (délirium)

Le syndrome confusionnel aigu, ou délirium, constitue une urgence médicale fréquente et grave chez la personne âgée. Il se caractérise par une altération aiguë et fluctuante de la conscience et des fonctions cognitives, survenant sur quelques heures à quelques jours, toujours secondaire à une cause organique identifiable.

Le délirium se manifeste par plusieurs symptômes cardinaux : une altération de la vigilance avec fluctuations au cours de la journée (souvent aggravation vespérale et nocturne), une désorientation temporo-spatiale, des troubles attentionnels majeurs empêchant toute conversation suivie, et des troubles perceptifs avec hallucinations visuelles fréquentes. L’inversion du rythme nycthéméral est caractéristique, la personne dormant le jour et étant agitée la nuit.

On distingue trois formes de délirium selon la présentation clinique. Le délirium hyperactif, le plus facilement reconnaissable, se manifeste par une agitation psychomotrice, des comportements inadaptés, de l’agressivité, des hallucinations vivaces et un discours incohérent. Le délirium hypoactif, plus insidieux et souvent méconnu, se caractérise par un ralentissement psychomoteur, une somnolence, un retrait et une apparence de dépression. Le délirium mixte combine des phases d’hyperactivité et d’hypoactivité.

Les causes du délirium sont multiples et souvent intriquées. Les infections (particulièrement urinaires et pulmonaires), la déshydratation, les troubles métaboliques (hyponatrémie, hypoglycémie, insuffisance rénale), les médicaments (notamment anticholinergiques, benzodiazépines, opiacés), la douleur non contrôlée, la constipation fécale, la rétention urinaire, et les pathologies cérébrales aiguës (AVC, hématome sous-dural) sont les causes les plus fréquentes.

Le pronostic du délirium est grave : il augmente significativement la mortalité hospitalière, prolonge la durée d’hospitalisation, accélère le déclin cognitif et fonctionnel, et augmente le risque d’institutionnalisation. La prévention et le traitement précoce du délirium constituent donc des priorités en gériatrie.

Les hallucinations et les idées délirantes

Les hallucinations chez la personne âgée peuvent survenir dans différents contextes pathologiques, avec des caractéristiques spécifiques selon l’étiologie.

Les hallucinations visuelles sont les plus fréquentes chez le sujet âgé, contrairement aux adultes jeunes où les hallucinations auditives prédominent. Dans le délirium, elles sont souvent animées, vivaces, terrifiantes (insectes, animaux, personnages menaçants). Dans les démences, particulièrement la maladie à corps de Lewy, elles peuvent être plus formées et détaillées (personnes, animaux, scènes complexes). Le syndrome de Charles Bonnet, hallucinations visuelles chez des personnes avec déficit visuel sévère, constitue une entité spécifique fréquente mais méconnue.

Les hallucinations auditives, moins fréquentes, doivent faire rechercher une baisse de l’acuité auditive, une pathologie psychiatrique (dépression sévère avec caractéristiques psychotiques, schizophrénie tardive) ou une démence. Elles peuvent prendre la forme de voix commentant les actions, donnant des ordres, ou conversant entre elles.

Les idées délirantes chez la personne âgée sont souvent de thèmes spécifiques. Le délire de préjudice, avec conviction que des personnes (souvent les proches, les aides à domicile) volent des objets ou de l’argent, est très fréquent dans les démences. Le délire de persécution, avec sentiment d’être espionné, menacé ou comploté contre, peut survenir dans différents contextes. Le syndrome de Capgras (conviction que des proches ont été remplacés par des sosies) et le syndrome de Cotard (conviction d’être mort ou de ne plus exister) sont plus rares mais particulièrement perturbants.

Ces manifestations délirantes ne sont généralement pas corrigibles par le raisonnement logique. La personne est convaincue de la réalité de ses perceptions ou croyances, rendant toute argumentation contre-productive et générant souvent agressivité ou retrait.

Les troubles du comportement dans les démences

Les troubles psychologiques et comportementaux de la démence (TPCD), anciennement appelés « symptômes comportementaux et psychologiques de la démence » (SCPD), affectent jusqu’à 90% des personnes atteintes de démence à un moment de leur évolution. Ces troubles constituent souvent la charge la plus lourde pour les aidants et la principale cause d’institutionnalisation.

Ces troubles comportementaux incluent l’agitation et l’agressivité (verbale ou physique), les déambulations incessantes, les cris ou vocalisations répétées, les comportements moteurs aberrants (fouille dans les tiroirs, déplacements d’objets), le syndrome crépusculaire (agitation vespérale), les troubles du sommeil, les comportements sexuels inappropriés, et l’opposition aux soins.

Les symptômes psychologiques associés comprennent la dépression, l’anxiété, l’apathie, l’irritabilité, l’euphorie inadaptée, la désinhibition, et les manifestations psychotiques (hallucinations, délires). Ces troubles ne sont pas constants mais fluctuants, avec des périodes d’accalmie et des périodes d’exacerbation.

La compréhension de ces troubles a considérablement évolué. Ils ne sont plus considérés comme de simples manifestations de la progression de la démence mais comme résultant d’une interaction complexe entre facteurs neurobiologiques (lésions cérébrales), caractéristiques de la personne (personnalité prémorbide, histoire de vie), facteurs médicaux (douleur, infections, médicaments) et facteurs environnementaux (environnement inadapté, manque de stimulation ou au contraire surstimulation).

Pathologies psychiatriques spécifiques du sujet âgé

Certaines pathologies psychiatriques ont des présentations spécifiques chez la personne âgée ou peuvent débuter tardivement.

La dépression psychotique du sujet âgé associe symptômes dépressifs et manifestations psychotiques, généralement congruentes à l’humeur (idées de ruine, de culpabilité, conviction d’être atteint d’une maladie grave). Cette forme, plus fréquente chez le sujet âgé que chez l’adulte jeune, est grave en raison du risque suicidaire élevé.

La schizophrénie à début tardif (après 40 ans) ou très tardif (après 60 ans) existe, bien que rare. Elle se caractérise souvent par des délires de persécution ou des hallucinations auditives, avec généralement une meilleure préservation des fonctions cognitives et du fonctionnement social que dans les formes précoces.

Le trouble délirant persistant du sujet âgé, avec conviction inébranlable concernant une situation spécifique (souvent de préjudice ou de jalousie), peut survenir chez des personnes sans antécédent psychiatrique, parfois en lien avec un isolement social, une baisse sensorielle ou des traits de personnalité paranoïaques prémorbides.

Diagnostic différentiel et évaluation

Distinguer le délirium des autres troubles

La distinction entre délirium aigu et démence chronique est cruciale mais peut être difficile, particulièrement car les deux conditions coexistent souvent. Le délirium se caractérise par un début aigu (heures à jours), des fluctuations importantes au cours de la journée, une altération de la vigilance et de l’attention, et une cause organique aiguë identifiable. La démence évolue de manière progressive (mois à années), est relativement stable d’un jour à l’autre, avec vigilance préservée (aux stades précoces) et troubles de mémoire au premier plan.

Le piège diagnostique le plus fréquent est le délirium survenant chez une personne déjà démente (situation très fréquente). Dans ce cas, il faut rechercher une aggravation aiguë ou une modification du comportement habituel, signe d’alarme d’un délirium surajouté nécessitant une investigation urgente.

La distinction entre délirium et troubles psychiatriques fonctionnels repose sur le début aigu, les fluctuations, l’altération de la vigilance et l’identification d’une cause organique dans le délirium. Cependant, une pathologie psychiatrique (dépression, trouble bipolaire) peut elle-même décompenser en délirium en situation de stress physique.

Évaluation clinique structurée

L’évaluation d’une personne âgée présentant des troubles psychotiques ou comportementaux nécessite une approche systématique et multidimensionnelle.

L’anamnèse doit préciser le mode d’installation (aigu ou progressif), l’évolution temporelle, les fluctuations éventuelles, le contexte de survenue, les antécédents médicaux et psychiatriques, les traitements en cours, et les modifications récentes (déménagement, deuil, changement de traitement). L’interrogatoire des proches est essentiel car la personne elle-même peut ne pas avoir conscience de ses troubles.

L’examen physique complet recherche des signes de pathologie aiguë : fièvre, déshydratation, globe vésical, fécalome, foyer infectieux, signes neurologiques focaux. L’examen des organes sensoriels (vision, audition) est systématique car les déficits sensoriels favorisent les troubles psychotiques.

L’évaluation cognitive utilise des outils validés : le Mini-Mental State Examination (MMSE) pour une évaluation globale, le test de l’horloge pour les fonctions exécutives, la Confusion Assessment Method (CAM) spécifiquement pour le dépistage du délirium. Ces tests doivent être adaptés au niveau sensoriel et culturel de la personne.

L’évaluation comportementale quantifie la sévérité des troubles à l’aide d’échelles standardisées comme le Neuropsychiatric Inventory (NPI), permettant un suivi objectif de l’évolution et de la réponse au traitement.

Les examens complémentaires sont systématiques en cas de suspicion de délirium : bilan biologique complet (ionogramme, fonction rénale, glycémie, CRP, NFS, TSH), analyse d’urines, radiographie thoracique, ECG. L’imagerie cérébrale (scanner ou IRM) est indiquée en cas de signes neurologiques, de traumatisme récent, ou de troubles d’apparition récente. La ponction lombaire peut être nécessaire en cas de suspicion de méningoencéphalite.

Causes médicamenteuses

Les médicaments constituent une cause majeure et souvent méconnue de troubles psychotiques chez la personne âgée. La polymédication, fréquente dans cette population (plus de 5 médicaments chez 40% des personnes de plus de 75 ans), augmente considérablement le risque d’effets indésirables neuropsychiatriques.

Les médicaments anticholinergiques, particulièrement nombreux, sont des causes fréquentes de confusion : antihistaminiques, antispasmodiques, certains antidépresseurs tricycliques, antiparkinsoniens anticholinergiques, certains médicaments utilisés en urologie. L’effet anticholinergique est cumulatif, plusieurs médicaments à effet anticholinergique modéré pouvant créer un effet global important.

Les psychotropes eux-mêmes peuvent paradoxalement induire des troubles : les benzodiazépines peuvent causer confusion et déshinibition, particulièrement chez le sujet âgé où leur demi-vie est prolongée. Les antidépresseurs, notamment en début de traitement ou à doses élevées, peuvent induire confusion ou syndrome sérotoninergique. Les neuroleptiques, utilisés pour traiter l’agitation, peuvent l’aggraver ou induire des effets extrapyramidaux.

De nombreux autres médicaments peuvent avoir des effets neuropsychiatriques : corticoïdes (confusion, manie, dépression), digoxine (confusion, hallucinations), lévodopa (hallucinations, confusion), opiacés (confusion, hallucinations), anti-H2 (confusion), antibiotiques (particulièrement fluoroquinolones), antiépileptiques.

La révision systématique des traitements, avec arrêt des médicaments non indispensables et adaptation posologique tenant compte de la fonction rénale, constitue une étape essentielle de toute prise en charge de troubles psychotiques chez le sujet âgé.

Impact sur la personne âgée et son entourage

Souffrance et perte de qualité de vie

Les troubles psychotiques et comportementaux ont un impact majeur sur la qualité de vie de la personne âgée. Les hallucinations, particulièrement lorsqu’elles sont terrifiantes, créent une angoisse permanente. Les idées délirantes de persécution ou de préjudice génèrent méfiance, sentiment d’insécurité et isolement social. La confusion désorganise complètement le quotidien et crée une détresse importante.

Cette souffrance psychologique est souvent sous-estimée, particulièrement dans les démences avancées où l’expression verbale est limitée. L’agitation, l’agressivité ou le retrait peuvent être les seules manifestations d’une détresse profonde que la personne ne peut plus exprimer autrement.

L’impact sur l’autonomie est considérable. Les troubles psychotiques et comportementaux compromettent rapidement les capacités fonctionnelles, accélèrent la perte d’autonomie et conduisent fréquemment à l’institutionnalisation, même lorsque les capacités physiques seraient compatibles avec un maintien à domicile.

Charge pour les aidants familiaux

La charge supportée par les aidants de personnes âgées présentant des troubles psychotiques et comportementaux est l’une des plus élevées en gériatrie. Cette charge dépasse souvent celle liée aux soins physiques.

L’épuisement physique résulte de la surveillance constante nécessaire, particulièrement nocturne lorsque la personne déambule ou est agitée. Les nuits blanches répétées, l’impossibilité de se reposer vraiment, conduisent rapidement à un épuisement total.

La détresse psychologique est majeure. Voir un proche perdre le contact avec la réalité, tenir des propos incohérents ou accusateurs, ne plus reconnaître son environnement familier, crée une souffrance profonde. Le sentiment d’impuissance face aux hallucinations ou aux idées délirantes, l’impossibilité de rassurer durablement la personne, génèrent frustration et désespoir.

L’isolement social s’installe progressivement. La honte face aux comportements inadaptés, la crainte des réactions de l’entourage, la nécessité d’une surveillance constante conduisent au retrait social. Les relations familiales peuvent se tendre, certains membres minimisant les difficultés ou critiquant la gestion de l’aidant principal.

L’impact sur la santé des aidants est documenté : troubles anxieux et dépressifs, problèmes cardiovasculaires, troubles du sommeil, négligence de leur propre santé. Le taux de dépression chez les aidants de personnes démentes avec troubles comportementaux peut atteindre 40 à 50%.

La formation DYNSEO « Changements de comportement liés à la maladie : guide pratique pour les proches » offre aux aidants des personnes âgées présentant des troubles psychotiques et comportementaux des outils concrets pour comprendre, gérer et s’adapter. Cette formation aide à distinguer les différents types de troubles, propose des stratégies de communication adaptées face aux idées délirantes ou aux hallucinations, et insiste sur l’importance de préserver sa propre santé mentale.

Approches thérapeutiques et prises en charge

Traitement du délirium

Le traitement du délirium repose avant tout sur l’identification et le traitement de la cause sous-jacente. Cette recherche étiologique doit être systématique et urgente.

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