Le 31 décembre 2025 sonnera la fin de l’ARENH, ce mécanisme qui, depuis 2011, offrait aux fournisseurs un accès à l’électricité nucléaire à prix fixe.
Conçu pour garantir prévisibilité et concurrence, il laisse place à un dispositif radicalement différent : le Versement Nucléaire Universel (VNU).
Cette mutation n’est pas qu’un changement de nom : elle redéfinit les règles de l’approvisionnement et impose aux entreprises une approche proactive face aux fluctuations du marché.
🔦 Lumière sur les thèmes abordés dans cet article
Fin de l’ARENH : un tournant majeur pour le marché français
L’ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique) est un mécanisme de régulation du marché électrique français, en place depuis 2011.
Concrètement : il obligeait EDF à vendre une partie de sa production nucléaire aux fournisseurs alternatifs à un prix fixe de 42 €/MWh, dans la limite de 100 TWh par an.
L’objectif était d’attenuer le monopole historique d’EDF et permettre une vraie concurrence sur le marché de l’électricité, tout en faisant bénéficier l’ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc nucléaire français.
La fin programmée de l’ARENH au 31 décembre 2025 marque donc la fin d’une époque. Un mécanisme pensé comme transitoire qui aura finalement duré 14 ans, mais qui ne pouvait pas survivre aux mutations profondes du marché énergétique européen.
Pourquoi l’ARENH disparaît : les limites du mécanisme
Plusieurs facteurs convergent pour expliquer cette disparition programmée.
Le prix fixe de 42 €/MWh, figé depuis plus d’une décennie, ne reflète plus les coûts complets de production du nucléaire historique, estimés aujourd’hui à 60,3 €/MWh par la CRE.
Cette sous-évaluation chronique a contraint EDF à vendre à perte, aggravant son déficit opérationnel de plus de 17 milliards d’euros en 2022. La Commission européenne a également pointé les distorsions de concurrence créées par ce tarif préférentiel.
Le système actuel, avec son plafond de 100 TWh et ses mécanismes d’écrêtement récurrents, ne permet plus de répondre aux besoins croissants du marché. Face à ces limites structurelles, le passage au VNU s’impose comme une nécessité économique et réglementaire.
Le Versement Nucléaire Universel : comprendre le nouveau dispositif
Définition et principes du VNU, le mécanisme de taxation progressive et redistribution automatique
Le Versement Nucléaire Universel fonctionne sur un principe radicalement différent : EDF vend désormais sa production nucléaire au prix du marché, puis reverse une partie des revenus excédentaires selon des seuils prédéfinis.
En théorie : deux niveaux de taxation progressive seront établis. Les chiffres sont pour l’instant encore en étude, mais il est possible qu’ au-delà de 65,3 €/MWh, 50 % des surprofits sont prélevés. Si les prix dépassent 95,3 €/MWh, le taux de prélèvement monte à 90 %.
➡️ Les montants collectés alimentent automatiquement une redistribution directe sur toutes les factures d’électricité, quel que soit votre fournisseur. Cette minoration apparaîtra sous la mention « VNU » et sera calculée par la CRE selon les revenus effectifs générés par le parc nucléaire.
Le rôle clé de la CRE : l’estimation des revenus nucléaires
Au cœur du dispositif VNU, la CRE endosse une mission déterminante : évaluer avec précision les revenus générés par le parc nucléaire d’EDF. Cette estimation conditionne directement l’activation des seuils de taxation progressive et, par ricochet, les montants redistribués sur vos factures.
La transparence guide cette approche : tous les six mois, la Commission publie ses projections actualisées, intégrant les ventes déjà conclues et les prix de marché anticipés. Cette méthodologie permet aux entreprises d’anticiper les évolutions tarifaires.
Pour 2026, la CRE évalue les revenus nucléaires à 65,86 €/MWh, soit un niveau insuffisant pour déclencher le premier seuil de redistribution.
Cette estimation rigoureuse garantit l’équité du nouveau mécanisme tout en offrant la visibilité indispensable aux stratégies d’achat énergétique des collectivités locales et industriels.
Avis d’expert : Hassan Yatim
Analyste Pricing | Capitole Energie
« Le VNU agira comme un mécanisme de modération des prix, atténuant les hausses extrêmes et renforçant la protection des consommateurs. Même si son efficacité dépendra des seuils retenus, il devrait empêcher des envolées tarifaires comparables à celles des dernières crises. »
VNU vs ARENH : soyons directs, ce ne sera pas équivalent
Différences fondamentales entre les deux systèmes
L’écart entre ces deux approches va bien au-delà d’un simple changement de nom.
Là où l’ARENH garantissait un prix fixe et des volumes déterminés, le VNU transforme cette logique en mécanisme conditionnel.
Avec l’ARENH, les fournisseurs accédaient directement à 100 TWh d’électricité nucléaire à 42 €/MWh, créant une prévisibilité totale pour leurs stratégies d’achat.
Le VNU inverse cette dynamique : EDF vend d’abord au prix de marché, puis il y a éventuellement redistribution selon les résultats financiers constatés.
Cette mutation structurelle redéfinit les paramètres du marché électrique français. Les entreprises ne peuvent plus compter sur un tarif régulé anticipé, mais sur une redistribution a posteriori dont l’activation dépend des performances du parc nucléaire et des prix de l’électricité constatés sur les marchés de gros.
Une équivalence en termes économiques ?
Non… De 42 €/MWh à un mécanisme variable :
La mutation économique est claire : fini le tarif garanti à 42 €/MWh, place à une équation qui dépend entièrement des performances du marché.
Le coût complet passe désormais à 60,3 €/MWh selon la CRE, soit une hausse de référence de 43 %.
Cette différence de prix pivot risque de transformer vos équilibres budgétaires. Alors que l’ARENH structurait une prévisibilité totale sur vos contrats de long terme, le VNU introduit une variabilité conditionnelle qui active la redistribution uniquement si les revenus nucléaires dépassent les seuils établis.
Pour 2026, les projections de la CRE situent les revenus à 65,86 €/MWh, insuffisant pour déclencher le premier seuil de redistribution.
Une équivalence en termes de prévisibilité ?
Non… De la garantie à la variabilité
Voilà le véritable enjeu de cette transition : l’ARENH offrait une sécurité d’approvisionnement quasi-totale avec ses volumes garantis et son prix stable sur plusieurs années. Les entreprises construisaient leurs budgets énergie en toute confiance, sachant que 42 €/MWh resteraient acquis.
Avec le VNU, cette prévisibilité disparaît au profit d’un mécanisme conditionnel. La redistribution dépend des performances du parc nucléaire, des prix de marché et de seuils révisés tous les trois ans. Résultat ? Vos équipes financières devront intégrer une dose d’incertitude supplémentaire dans leurs projections budgétaires.
Cette régulation de l’énergie post-ARENH transforme la planification énergétique : place à l’adaptation régulière aux fluctuations du contexte énergétique.
Une équivalence en termes stratégiques ?
Non… De nouvelles règles du jeu énergétique
Le passage au VNU redéfinira probablement les stratégies d’approvisionnement des entreprises. Là où l’ARENH permettait de construire des budgets énergétiques sur des bases solides, le nouveau dispositif impose une approche adaptative face aux fluctuations du marché.
Les collectivités et industriels doivent désormais intégrer cette variabilité.
Cette mutation réglementaire ouvre de nouveaux leviers de pilotage énergétique pour les entreprises prêtes à adapter leur approche.
Impacts concrets pour les entreprises en 2026
Ce qui change sur vos factures d’électricité
À partir du 1er janvier 2026, vos factures refléteront directement cette nouvelle architecture tarifaire. Concrètement, la composante énergie passera du référentiel ARENH de 42 €/MWh aux prix de marché anticipés entre 60 et 70 €/MWh.
La forme d’une réduction apparaîtra sur votre facture uniquement si les revenus nucléaires dépassent les seuils fixés.
On estime, au seuil bas pour 2026,des projections de la CRE qui situent ce chiffre à 65,86 €/MWh, insuffisant pour déclencher le mécanisme.
Préparer le remplacement de l’ARENH : nos recommandations stratégiques
Face à cette mutation du paysage énergétique, des leviers stratégiques permettent de sécuriser vos budgets électriques à l’aube de 2026.
- Intégrer le VNU dans vos prévisions budgétaires : cette composante variable implique des marges de manœuvre financières pour absorber les fluctuations du marché et éviter les effets de surprise sur vos factures.
- Diversifier vos sources d’approvisionnement : l’exposition directe aux prix de marché rend pertinente une réflexion sur les contrats gré à gré (comme les PPA) ou les achats groupés pour réduire votre dépendance aux mécanismes de redistribution.
En adoptant cette démarche proactive, renforcez le pilotage énergétique, optimisez les coûts et transformez cette contrainte externe en, on l’espère, levier stratégique pour l’entreprise.
Quelques ressources Capitole Energie pour mieux comprendre…
- Benoit Vilcot dans Option Finance : « Électricité : l’impossible réforme du marché »
- Fin programmée de l’ARENH : quels sont les mécanismes qui viendront le remplacer ?
- Contrats d’Allocation de Production Nucléaire (CAPN) : la suite de l’ARENH pour les industriels ?
- VNU | Estimation des revenus nucléaires d’EDF : la CRE dévoile ses premières projections pour 2026
- Coût du nucléaire 2026-2028 : la CRE fixe 60,3 €/MWh
Points clés à retenir
Fin de l’ARENH : Le 31 décembre 2025 marque la fin de l’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique, mécanisme qui garantissait aux fournisseurs alternatifs un prix fixe de 42 €/MWh pour 100 TWh par an.
Origine du VNU : Le Versement Nucléaire Universel remplace l’ARENH avec un mécanisme radicalement différent, où EDF vend au prix de marché et reverse une partie des revenus excédentaires selon des seuils définis.
Différences économiques et prévisibilité : Contrairement à l’ARENH, le VNU introduit une variabilité conditionnelle et un coût de référence plus élevé (60,3 €/MWh), réduisant la prévisibilité pour les budgets énergétiques des entreprises.
Impacts pour 2026 : Pour cette première année, les revenus estimés du nucléaire (65,86 €/MWh) ne suffisent pas à déclencher le premier seuil de redistribution, laissant les entreprises exposées aux prix de marché.
Recommandations stratégiques : Les industriels et collectivités doivent anticiper cette mutation en intégrant le VNU dans leurs prévisions, diversifiant les sources d’approvisionnement et adoptant une gestion proactive pour sécuriser leurs budgets.