Prêt de la Tapisserie de Bayeux : les recours de Sites & Monuments

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Anonyme, fin du XIe siècle Broderie dite Tapisserie de Bayeux (détail) Lin et laine - 50 x 6838 cm Bayeux, Musée de la Tapisserie de Bayeux Photo : Didier Rykner

Le 8 juillet dernier, le Président de la République, Emmanuel Macron, en voyage officiel au Royaume-Uni, annoncer officiellement le prêt de la Tapisserie de Bayeux au British Museum de septembre 2026 à juin 2027. Certes, des échanges et prêts d’œuvres sont monnaie courante entre musées et dans le cadre des relations diplomatiques. Mais, dans le cas présent, ce n’est pas le principe du prêt qui pose problème, mais bien la dépose et l’acheminement vers l’Angleterre de la tapisserie, puis sa nouvelle dépose à la fin de son exposition au British Museum et le transport retour vers la France. Inscrite au registre « Mémoire du monde » de l’UNESCO « Mémoire du monde » de l’UNESCO et classée monument historique, ce chef d’œuvre de l’art roman, datant du XIe siècle, est une broderie de 70 m de longueur sur 50 cm de hauteur. Réalisée sur une toile de lin, tissu particulièrement fragile, toute manipulation risque de l’abîmer et de mettre en péril sa conservation. Deux déposes et deux voyages sur une aussi longue distance sont donc dangereux, alors que Bayeux est accessible par le train depuis Londres ou en avion par l’aéroport de Caen.

L’émoi suscité par cette décision est tel qu’une pétition pour demander l’abandon du prêt, recueillant à ce jour plus de 75 000 signatures, a été lancée sur le site Change.org.

Anonyme, fin du XIe siècle Broderie dite Tapisserie de Bayeux (détail) Lin et laine - 50 x 6838 cm Bayeux, Musée de la Tapisserie de Bayeux Photo : Didier Rykner

Le musée de Bayeux justifie ce prêt. Le maire adjoint de Bayeux, Loïc Jamin, en charge des musées, du tourisme et de l’attractivité, déclare ainsi que « Cette exposition à Londres sera, sans nul doute, une opportunité d’accroître la notoriété de la Tapisserie avec une sorte de préfiguration de sa présentation dans son futur musée en Normandie. […] ». Prendre le risque de dégrader un tel patrimoine, tout en dissuadant nos voisins anglais de venir à Bayeux, va en réalité à l’encontre de l’objectif affiché.

La dépose et le déplacement de la Tapisserie ne seraient pas problématiques ? Pourtant Cécile Binet, conseillère musée de la DRAC Normandie, déclarait en janvier 2025 dans une vidéo sur Youtube (un temps supprimée… puis remise en ligne sur le compte X du préfet du Calvados), qu’après étude, l’idée de construire un bâtiment à proximité pour y entreposer l’œuvre durant les travaux avait été écartée car « […] la tapisserie était trop fragile pour être déplacée sur une grande distance et que toute manipulation supplémentaire était un risque pour sa conservation inenvisageable ». Elle expliquait que la toile serait conservée dans un espace de réserve durant la période de travaux et restaurée par la suite.

Anonyme, fin du XIe siècle Broderie dite Tapisserie de Bayeux (détail) Lin et laine - 50 x 6838 cm Bayeux, Musée de la Tapisserie de Bayeux Photo : Didier Rykner

Malgré les avis très réservés d’une majorité d’experts sur le danger d’une telle opération, l’Élysée persiste et signe. Philippe Bélaval, ancien directeur du Centre des Monuments Nationaux, chargé de mission auprès du Président de la République pour le prêt, pourtant considéré par tous comme un ami du patrimoine, déclare, dans une interview au Point (9 septembre 2025), que « Le problème supplémentaire, sur une longue distance, ce sont les vibrations. Il faut évidemment le régler, et c’est la raison pour laquelle nous menons des études complémentaires sur ce sujet précis ». Il serait temps d’y songer, même si la décision semble, d’ores-et-déjà, irrévocable ! Dans son analyse critique de cette interview, Didier Rykner écrit : « Mais pas d’inquiétude : grâce au volontarisme du président de la République, ce point mineur (qui n’est qu’une partie du problème) sera réglé. L’exemple typique de la pensée magique ».

Philippe Bélaval explique aussi que « Le sujet n’est plus du tout de savoir si la tapisserie est transportable ou non, puisqu’elle doit l’être de toute façon dans le cadre de ces travaux » du musée. Et, s’appuyant sur une étude réalisée en 2022, précisant les précautions à prendre pour le déplacement et le transport de l’œuvre, il en déduit que « la tapisserie n’est pas intransportable ». Mais au fait… quelle étude ? Où trouver ce fameux document et ses conclusions ?

Faute de communication officielle des différents pièces relatives au transport de la tapisserie, Sites & Monuments a introduit, le 29 août 2025, un référé mesures utiles devant le tribunal administratif de Caen, pour en demander la communication. Le 22 septembre, la préfecture publiait enfin les documents demandés.

Nous avons depuis lancé, à titre conservatoire, un recours contre la décision annoncée par notre Président de la République lors de son voyage Outre-Manche. L’acte attaqué est la signature de l’accord avec le musée anglais, mais est-ce un acte administratif attaquable ? Le tribunal nous le dira.

Anonyme, fin du XIe siècle Broderie dite Tapisserie de Bayeux (détail) Lin et laine - 50 x 6838 cm Bayeux, Musée de la Tapisserie de Bayeux Photo : Didier Rykner

Isabelle Richir, pour Sites & Monuments

 
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Nicole HUET