Témoignage de Gaëlle Pourreau, cheffe du projet Petits Pas au Maroc - Santé Sud

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Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Gaëlle et ça fait 3 ans que je travaille à Santé Sud. D’abord, j’ai été au siège en tant qu’assistante programmes, je travaillais sur la santé sexuelle et reproductive et sur l’égalité de genre. Je m’occupais de projets à Madagascar, en Mauritanie, et du projet SentinElles. Ensuite, j’ai évolué au poste de coordinatrice pour le programme SentinElles pendant 1 an et demi, toujours au siège à Marseille.

C’est l’année dernière que je suis partie sur le terrain au Maroc. J’ai été assistante MEAL (Monitoring, Evaluation, Accountability and Learning) toujours pour le projet SentinElles. Enfin, depuis 3 mois, je suis cheffe de projet pour le programme Petits Pas au Maroc.

Peux-tu me parler du projet Petits Pas ?

Le projet Petits Pas se concentre sur la prévention du handicap de la petite enfance. Je vais surtout parler de ce qui est fait au Maroc puisque c’est ce que je fais au quotidien.

Nous travaillons avec 2 partenaires locaux implantés depuis longtemps dans le pays. Le premier, AEH, est basé dans la région du Souss-Massa, autour de la ville d’Agadir. C’est une association experte sur le repérage, la prise en charge et l’accompagnement d’enfants en situation de handicap. Nous travaillons aussi avec le CDRT, basé dans la région de Marrakech, qui est spécialisé en formation et pédagogie. Leur complémentarité est précieuse pour ce projet.

Concernant les activités déployées, ce sont les mêmes, autant dans la région du Souss-Massa, que dans la région de Marrakech-Safi. Le projet consiste d’abord à former et renforcer les compétences des éducateurs et éducatrices de classes du préscolaire du Ministère de l’Éducation nationale dans une vingtaine de villages afin qu’iels soient plus aptes et mieux outillé·es à repérer et éventuellement orienter les cas de handicap, ainsi qu’à sensibiliser les enfants et les familles autour des enjeux liés au handicap. Cela s’accompagne également de formations à destination des relais communautaires qui seront en capacité de réaliser des séances de sensibilisation dans les villages où le handicap, surtout mental, reste peu, voire pas, pris en charge et mal accepté.

Le deuxième phase du projet débutera bientôt, avec des activités de sensibilisation, appelées « causeries », réalisées par les éducateur·rices et les relais communautaires, surtout auprès des familles. Le but sera d’aborder de nombreuses thématiques, comme la parentalité positive, le repérage du handicap ou ses causes.

Nous réalisons également un diagnostic de quatre structures de santé qui prennent en charge le handicap. Ce diagnostic permettra de créer une formation pour le personnel de ces structures afin d’améliorer les pratiques et l’organisation.

Enfin, le projet comporte un dernier volet de plaidoyer visant à faire reconnaître la question du handicap, encore très marginalisée au niveau national. Des séminaires seront organisés avec nos partenaires pour porter cette thématique auprès des autorités et travailler en réseaux avec toutes les autres associations impliquées.

Avais-tu déjà travaillé sur la question de l’enfance et/ou du handicap avant d’arriver à ce poste ?

C’est une thématique assez nouvelle pour moi. J’avais déjà travaillé sur l’enfance, et surtout sur la protection de l’enfance, durant mes études, mais jamais trop sur le handicap. C’est donc d’autant plus intéressant de travailler avec des associations et des professionnel·les de santé experts de ce sujet. J’ai appris beaucoup de choses sur le handicap, qui m’ont aussi permis de me déconstruire personnellement.

Qu’est-ce qui t’a le plus marqué dans cette mission ?

Ce qui me marque le plus, que ce soit sur le projet Petits Pas ou plus globalement, c’est le travail des associations locales sur le terrain. Leur engagement et leur motivation constante me fascine. Je m’en suis vraiment rendue compte en venant au Maroc. Quand je travaillais au siège, j’étais en lien avec les partenaires, mais de très loin. Là, c’est génial de voir leur travail, cela remet en perspective ce qu’on fait. Ce sont des personnes très porteuses et tout prend beaucoup plus de sens quand on les voit au quotidien.

Quels sont les grands enjeux et défis selon toi concernant le handicap au Maroc ? Ou plus généralement sur l’action de Santé Sud ? 

De manière générale, je vais peut-être plus parler de la santé au Maroc. Dernièrement, il y a eu d’importantes manifestations de la Gen-Z, qui faisaient notamment suite au traitement de la question sanitaire dans le pays. Les infrastructures et le personnel médical sont concentrés dans les grandes villes et les régions les plus éloignées de ces pôles sont délaissées : elles sont difficiles d’accès, il n’y a parfois pas de dispensaires de santé à plusieurs dizaines de kilomètres, pour des personnes n’ayant pas facilement accès à des moyens de transport, etc. C’est ce qui était critiqué par les manifestants en septembre, car il venait d’y avoir une vague de décès de femmes enceintes au CHU d’Agadir.

Concernant le handicap, bien que le sujet soit inscrit dans la loi, il n’existe pas de plan national et la prise en charge reste très insuffisante. Le handicap mental, en particulier, est encore fortement stigmatisé. On a reçu des témoignages assez glaçants de la manière dont sont traités certains enfants atteints d’un handicap mental. C’est assez triste de voir ça. Le plaidoyer est donc indispensable, tant auprès du Ministère de la Santé que de l’Éducation nationale.

Quel message souhaites-tu transmettre aux équipes actuelles et futures de Santé Sud ?

Il y aurait beaucoup de messages possibles. Pour Santé Sud, je pense qu’il y a un réel intérêt à se recentrer sur le mandat historique de l’association : la médicalisation des zones rurales. C’est une problématique très répandue, même en France, et pour laquelle l’association possède une réelle expertise. Maintenant que je connais bien le contexte marocain, je pense que cela pourrait être très intéressant d’utiliser ce savoir au Maroc. Ce serait l’occasion de faire des échanges de bonnes pratiques à ce sujet entre tous les pays d’intervention. Il faut qu’on continue à travailler tous·tes ensemble sur la médicalisation des zones rurales.

Recapiti
communication@santesud.org