John Leslie « Wes » Montgomery reste, plus d’un siècle après sa naissance, une référence incontournable pour les guitaristes et les amateurs de jazz. Né à Indianapolis — le 6 mars (selon les sources 1923 ou 1925) —, il commence la guitare relativement tard, s’impose par un son chaud et singularisé par l’usage du pouce plutôt que du médiator, et développe une écriture en octaves devenue signature. Sa percée au début des années 1960 — notamment avec The Incredible Jazz Guitar — puis son succès commercial avec des albums plus « grand public » comme Goin’ Out of My Head ont étendu son influence au-delà des cercles du jazz pur. Virtuose mélodiste et architecte d’un phrasé souple, Montgomery a transformé la technique, le timbre et la place de la guitare dans le jazz, inspirant George Benson, Pat Metheny, et toute une génération. Wes Montgomery : cent ans d’un musicien qui a révolutionné la guitare jazz !
Origines, émergence tardive et premiers pas dans le jazz
Wes Montgomery voit le jour à Indianapolis, dans une famille de musiciens : ses frères — Monk Montgomery (basse) et Buddy Montgomery (piano, vibraphone) — seront eux-aussi jazzmen.
C’est en écoutant le guitariste Charlie Christian que, vers 19 ans, il s’empare d’une guitare et commence à apprendre à l’oreille — sans formation formelle, par imitations intensives. Durant les premières années, il enchaîne les petits boulots — pour subvenir aux besoins de sa famille — et joue la nuit dans les clubs d’Indianapolis.
Grâce à sa singularité et son sens du swing, il attire l’attention des musiciens et des producteurs de jazz. En 1948–1950, il fait une brève incursion dans l’orchestre du vibraphoniste et chef d’orchestre Lionel Hampton — un passage formateur qui lui donne un premier pied dans le monde professionnel.
Mais c’est à la fin des années 1950 — souvent avec ses frères — qu’il commence à enregistrer. Ensemble, les frères Montgomery affirment une présence collective avant que Wes n’amorce sa carrière en solo.
L’ascension discographique, les collaborations et les albums marquants
Le véritable tournant vient en 1959, quand Wes signe avec Riverside. Très vite, il livre des albums en petit groupe — souvent quartette ou quintette — mêlant hard-bop, soul-jazz et mélodies élégantes. Parmi les plus emblématiques, l’album de 1960 The Incredible Jazz Guitar of Wes Montgomery impose sa guitare comme une voix nouvelle : solos limpides, nuances, phrasé mélodique, et octave-playing déjà en pleine lumière.
Les années suivantes confirmèrent le talent de Wes avec des disques comme Movin’ Along (1961) et d’autres, jusqu’à ce qu’il quitte Riverside vers 1964. Lorsque Riverside disparaît pour des raisons financières, il est repéré par le producteur Creed Taylor, alors chez Verve Records, qui voit en lui non seulement un jazzman, mais un artiste capable de toucher un public plus large. C’est dans ce contexte que naissent des albums plus orchestrés, parfois critiqués par les puristes, mais qui rencontrent un succès commercial important.
Un double visage
En parallèle, l’enregistrement live de 1965 avec le trio de Wynton Kelly — Smokin’ at the Half Note — est aujourd’hui considéré comme l’un des sommets du jazz guitare. Sans oublier ses collaborations avec Jimmy Smith : Further Adventures of Jimmy and Wes (1966) et Jimmy & Wes: The Dynamic Duo (1969).
Ce double visage — pur jazz et jazz-pop accessible — témoigne de son désir de s’adresser à un public large sans renoncer à son art, oscillation qui marquera durablement sa discographie et son héritage.
Une guitare réinventée — technique, son et influence
Ce qui distingue instantanément Wes Montgomery, c’est sa technique singulière. Plutôt que d’utiliser un médiator, il jouait avec le côté de son pouce — ce qui donnait un son plus rond, chaleureux, proche de la voix humaine, et adapté aux nuances. À cela s’ajoute l’usage systématique d’octaves — jouer la même note à deux cordes, à deux hauteurs différentes — qui devient une marque esthétique : une sorte de « signature » sonore, à la fois mélodique, lyrique et rythmée.
Du point de vue de l’improvisation, Wes organisait souvent ses solos en trois temps : d’abord des lignes mélodiques en single-note, puis des « chorus » en octaves, pour culminer — dans ses moments les plus expressifs — en accords et voicings plus larges, évoquant presque le son d’un petit orchestre.
Sur le plan de l’influence, son impact fut immense. Des guitaristes majeurs comme George Benson, Pat Metheny, Pat Martino — et bien d’autres — reconnaissent qu’ils ont été marqués par son jeu. Mais plus encore, Wes Montgomery a redéfini le rôle de la guitare dans le jazz moderne : instrument mélodique principal, capable de chanter, d’improviser, d’émouvoir. Sa guitare n’est plus un accompagnement, elle est une voix soliste à part entière.
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Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne écoute.
Hakim Aoudia.
