Publié le 10.12.2024
Dans un monde globalisé, complexe, secoué par des crises multiples, les livres ont la faculté de nous faire prendre de la hauteur et de dénouer les fils pour mieux comprendre ce qui se joue ici et là-bas. Pour Noël, nous vous partageons 5 idées de livres à offrir, sélectionnés dans les pages Culture de notre magazine Échos du monde.
Les Nouveaux Venus
Ils s’appellent Hosni, Afo, Ophélie, Abdou, Prisha… Ils ne parlent pas français, mais doivent vivre dans ce pays étranger et parfois étrange où ils ne comprennent encore pas grand-chose. Leurs histoires varient quant aux faits – des parcours de migration, d’adoption, des enfants orphelins et d’autres meurtris par la guerre –, moins quant à ce qu’ils vivent : détresses familiales, exils, déracinement. Pour les aider à intégrer ce monde où leur statut est parfois incertain, ils sont accueillis dans une classe spéciale, la UPE2A, pour y apprendre le français et intégrer ensuite un cursus dit normal. Pendant un an, Aurélie Castex les a suivis. Le regard porté sur l’expérience est à la fois bienveillant et lucide. S’il met en avant la bonne volonté de Sophie, l’enseignante volontaire qui dirige la classe, s’il reconnaît les succès réels obtenus par cette méthode d’intégration, il n’en cache pas non plus les difficultés. Ces histoires sont portées par un dessin à la fois chaleureux et simple. Les expressions sont justes. Chaque enfant a sa place et n’est pas noyé dans un collectif. Le piège du misérabilisme est évité avec brio. Cette plongée intelligemment didactique nous ouvre le regard.
La voix du jaguar
Activiste, cofondatrice d’un collectif de militants autochtones et lauréate du Hearth Award 2024, Nemonte Nenquimo plaide, dans La Voix du jaguar, pour la défense des droits de son peuple et la protection de la forêt amazonienne. Un texte coup de poing.
Au cœur de l’Amazonie équatorienne, où la forêt semble éternelle, Nemonte Nenquimo a grandi parmi les siens. Les Waorani, un peuple autochtone, cultivent une relation profondément spirituelle avec leur environnement. Ils vivent de la chasse, de la pêche et de l’agriculture itinérante, utilisant les ressources de la jungle avec un grand respect. Mais cet équilibre millénaire vacille : pollutions, déforestation, exploitation minière et pétrolière saccagent aujourd’hui leurs terres ancestrales. Dans La Voix du jaguar, coécrit avec le défenseur des droits des peuples autochtones Mitch Anderson, Nemonte Nenquimo raconte cette bataille pour sauver son peuple et préserver une forêt qui, bien plus qu’un habitat, est un véritable sanctuaire. La plume alterne entre récits intimes et plaidoyer universel, mettant en lumière l’injustice tout en ouvrant la voie à l’espoir d’un avenir plus juste. La Voix du jaguar est un cri d’alarme, une célébration de la résilience et une invitation à agir, car le combat de Nemonte Nenquimo dépasse les frontières de l’Amazonie pour engager chacun d’entre nous.
Un nouveau droit pour la terre
C’est un livre qui commence à dater, mais dont les arguments ne datent pas. Car, déjà en 2016, la juriste Valérie Cabanes plaçait l’écocide, le fait de sciemment détruire la terre, comme « le crime premier, celui qui ruine les conditions mêmes d’habitabilité de la terre ». Pourtant, ce terme, déjà utilisé lors de la guerre du Viêtnam, n’est toujours pas reconnu dans les textes internationaux.
Humus
Le philosophe et romancier Gaspard Kœnig livre, avec Humus, un sixième roman comme une ode à la terre. Paru aux éditions de l’Observatoire, le texte a reçu le prix Interallié 2023 et le prix Jean Giono.
Arthur et Kevin sont deux jeunes diplômés d’AgroParisTech qui croient avec ferveur que le monde peut être sauvé, à la condition de préserver les lombrics, ces vers de terre qui assurent l’essentiel de la vie du sol et alimentent les plantes.
Arthur, l’homme des villes, d’origine bourgeoise, aspire à revitaliser les terres normandes de son grand-père. Kevin, l’homme de la campagne, vient d’un milieu plus modeste. Il choisit de travailler sur un traitement naturel des déchets.
Le ciel dans la tête
Avec Le Ciel dans la tête (Éd. Denoël Graphic, 2023), le scénariste de bande dessinée espagnol Antonio Altarriba signe un roman graphique politique et poétique d’une puissance rare.
Tout commence dans le noir, dans l’obscurité, dans l’exiguïté d’une mine sinistre qui engloutit ses travailleurs encore enfants. Le jeune Nivek, là pour extraire du coltan (un minerai dont on extrait le tantale, métal stratégique pour les équipements électroniques), se retrouve prisonnier d’un amoncellement de pierres dont son ami Joseph parvient à le dégager in extremis. Mais c’est sans compter la colère du chef de la milice des Raïa Mutomboki («citoyens en colère», en français). Furieux que l’adolescent ait fait prendre du retard aux autres mineurs, il le contraint à devenir enfant soldat pour affronter ses ennemis. Mais Nivek, par-delà l’horreur, est un personnage résilient qui finira par fuir avec l’espoir de se construire peut-être un destin, dans un ailleurs méconnu.
Un livre à la précision géométrique mis en dessin par Sergio Garcia Sanchez et coloré par Lola Moral avec brio. Quant à l’auteur, il s’est documenté de manière pointilleuse pour nous conter ce périple terrifiant, qui dit la réalité de ceux dont nous n’avons pas assez le courage d’interroger l’histoire.
Idée bonus : un abonnement à Échos du monde
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Textes adaptés des revues de Daphnée Breytenbach (Le ciel dans la tête, La voix du Jaguar, Humus), Audrey Chabal (Un nouveau droit pour la terre) et Hubert Prolongeau (Les Nouveaux Venus) publiés dans Échos du monde.
Photo de couverture : Monika Stawowy.