Le retour de Trump au pouvoir signe-t-il la fin du multilatéralisme ?  - CCFD-Terre Solidaire

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L’investiture de Donald Trump le 20 janvier et son retour à la tête des Etats-Unis pourrait marquer un coup extrêmement dur au multilatéralisme, du moins tel qu’on le connaît depuis le 20e siècle.  

Qu’est-ce que le multilatéralisme ? Le multilatéralisme désigne les formes de coopération et de dialogue entre les Etats du monde, notamment pour réguler les tensions et conflits internationaux et favoriser une coopération internationale basée sur le droit et la justice internationale. L’exemple le plus abouti du multilatéralisme est très certainement celui de l’ONU qui a permis de nombreuses avancées (bien que souvent imparfaites) comme l’Accord de Paris sur le climat ou le déploiement des casques bleus comme actuellement au Soudan ou au Sahara occidental.

2025 : année de mort du multilatéralisme ?

Sur la scène internationale, Donald Trump et son “Make America Great Again” (MAGA) se caractérisent par une politique isolationniste, c’est-à-dire une volonté de se tenir à l’écart des affaires extérieures.  

Cette approche est le résultat du rapport au monde de Trump, enfermé dans une vision égoïste, à une époque où pourtant notre monde n’a jamais été aussi interconnecté et nos destins profondément liés face à la crise climatique. Cette stratégie représente plusieurs menaces. 

Une menace climatique 

C’est d’abord une potentielle menace pour la coopération climatique internationale puisque Trump promet de sortir de nouveau les Etats-Unis des Accords de Paris. Pourtant, la limite des hausses de températures à 1,5°C, inscrite dans ces accords, a été franchie et les catastrophes climatiques se multiplient, y compris aux Etats-Unis comme en attestent les mégafeux de Los Angeles.  

Il faut également rappeler que les pays du Nord portent une dette historique dans cette crise. Ils doivent donc coopérer avec les pays du Sud qui en subissent les conséquences de plein fouet.   

Une menace pour la paix 

L’approche MAGA de Trump est aussi une menace pour la paix. Récemment, le nouveau président des Etats-Unis a menacé d’annexer par la force des territoires comme le Groenland, le canal de Panama ou encore le Canada.  

Le multilatéralisme, malgré tous ses défauts et ses limites, a empêché depuis la Seconde guerre mondiale un nouveau conflit mondial. Nous vivons néanmoins un moment de grands bouleversements géopolitiques avec l’émergence de nouveaux pouvoirs au Sud comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou encore le Nigeria. Ces dernières années, les conflits se multiplient et nous avons plus que jamais besoin d’espaces de dialogue pour réduire les tensions et garantir la paix.  

Une menace économique 

Enfin, l’approche MAGA constitue une menace pour la justice économique internationale et la lutte contre la pauvreté dans le monde. Elle pourrait se matérialiser par la reprise de guerres commerciales dont les répercussions inflationnistes frapperont sévèrement les plus pauvres.  

Tout cela risque d’aggraver la crise des inégalités déjà problématique. Aujourd’hui, les 10% les plus riches accaparent 76% des richesses à l’échelle mondiale. 10% du PIB mondial se trouvent dans les paradis fiscaux et l’évasion fiscale fait perdre aux Etats 500 milliards de dollars chaque année. 

Malgré tout, Trump veut baisser encore davantage les impôts des plus riches et des grandes entreprises.  

La France et l’Europe doivent défendre le multilatéralisme (et le réformer) 

Depuis 2017 et son élection, Emmanuel Macron se présente comme un défenseur du multilatéralisme.  

En 2018, il a par exemple déclaré lors d’un discours devant les Nations Unies :  “Certains ont choisi la loi du plus fort. Mais elle ne protège aucun peuple. Nous choisissons une autre voie : le multilatéralisme“. Alors que démarre la nouvelle présidence de Trump, il doit le prouver, mais de façon sincère et sans double standard.  

Les occasions ne manqueront pas en 2025 :  

Israël/Palestine 

Alors qu’un cessez-le-feu vient d’être conclu à Gaza, il faut désormais que la communauté internationale s’implique pour une feuille de route politique qui respecte pleinement le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, garantisse la sécurité des Israéliens comme des Palestiniens et mette fin à l’impunité des graves violations du droit international par Israël. 

Pour le CCFD-Terre Solidaire, cela doit notamment passer par un soutien sans faille de la France à la justice internationale, notamment par la mise en œuvre des mandats d’arrêt de la CPI contre les dirigeants israéliens et du Hamas. La France doit aussi respecter la feuille de route de la Cour internationale de justice (CIJ) qui alerte sur un risque de génocide à Gaza et exige la fin de la colonisation israélienne et de la politique d’apartheid. 

La crise de la dette 

Face à la pire crise de surendettement qui frappe les pays du Sud, la prochaine grande conférence sur le financement du développement à Séville en juin prochain sera l’occasion de réformer l’architecture financière internationale.  

Le CCFD-Terre Solidaire, engagé sur les enjeux de dette extérieure depuis les années 90, demande la mise en place d’un mécanisme démocratique de gestion des dettes et l’annulation de dettes insoutenables qui asphyxient nombre de pays du Sud. 

→ Signez notre pétition pour exiger des solutions face à la crise de la dette des pays du Sud

La lutte contre l’évasion fiscale

Suite à la mobilisation des Etats africains, des négociations internationales débuteront en février au sein de l’ONU pour mettre en place une convention internationale sur la fiscalité d’ici 2027. Cette convention pourrait permettre de lutter contre l’évasion fiscale et de faire contribuer davantage les plus riches au financement de la lutte contre le changement climatique et à l’amélioration des services publics.

La prochaine COP 30

La prochaine COP se tiendra en novembre au Brésil. Après l’échec de la COP 29, elle sera l’occasion pour les pays riches d’assumer (enfin) leurs obligations de solidarité vis-à-vis des pays du Sud qui sont les premières victimes de la crise climatique alors qu’ils en sont les moins responsables.

Les besoins des pays du Sud sont estimés à plus de 1000 milliards de dollars par an. Bien loin de la promesse de 300 milliards de dollars adoptée à la COP 29 et qu’il est urgent de rehausser.

Sur tous ces sujets, la France tient aujourd’hui trop souvent un double discours.

Pour Robin Guittard, Directeur adjoint du plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire : “Dans un nouveau monde sous influence de Donald Trump, défendre le multilatéralisme doit désormais passer par de réelles preuves d’amour et des actions concrètes, pas seulement de beaux discours et des promesses qui n’engagent que ceux qui les croient. Pour défendre le multilatéralisme, il faut impérativement le réformer et la France doit s’y engager. Sans oublier que la place des pays du Sud, acteurs de ce multilatéralisme, est à la table de décision.”

Sur tous les sujets mentionnés précédemment, les pays du Sud doivent être pleinement associés à ces processus et permettre d’établir des règles internationales qui fonctionnent pour eux et pas contre eux. Enfin, il est impératif d’associer également les sociétés civiles au Nord comme au Sud pour permettre d’aboutir à une réelle forme de démocratie globale.

Les quatre prochaines années qui s’ouvrent avec la présidence Trump seront soit l’occasion de poser les derniers clous dans le cercueil d’un multilatéralisme en crise, soit l’occasion d’un réveil collectif pour faire émerger le multilatéralisme du 21ème siècle qui nous permette de faire face aux défis de notre temps”, conclut Robin Guittard.

Photo de couverture : SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

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Lili Payant