Ouest-France du 6 mars 2025 : « C’est un immense gâchis » : le projet de démolition du presbytère du XIXe siècle suscite l’émoi.

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Ouest-France du 6 mars 2025

 
Pour son projet de reconstruction d’école, la municipalité de Boussay (Loire-Atlantique) a acté la démolition d’une bâtisse du XIXe siècle, qui abritait, jusqu’en 2019, le presbytère. Plusieurs associations de patrimoine, locales et nationales, dénoncent cette décision. Pour empêcher la mairie de parvenir à ses fins, un recours a été déposé en référé. Audience prévue le 14 mars.

Construit à partir de 1868, « avec les deniers des paroissiens », l’ancien presbytère de Boussay devrait être démoli pour laisser place à un projet d’école. Un recours a été déposé fin février par l’association des amis de Boussay, épaulée par la structure nationale Sites & Monuments. © Ouest-France

 
Debout, face à elle, ils la contemplent tristement. Leurs souvenirs l’ont photographiée lorsqu’elle rayonnait, sur la place de l’église. Son imposante carrure en impressionnait plus d’un dans le village. Aujourd’hui, ses volumes n’intimident plus vraiment. Malgré la lumière printanière, son teint est blafard. Tout juste se dit-on qu’elle a été importante, fut un temps.

Depuis qu’elle n’est plus presbytère, la grande bâtisse de Boussay (Loire-Atlantique) a perdu de sa superbe. Mais là n’est pas le fond du problème. Danielle Mallet et Louis Guérin craignent désormais pour son avenir, qui s’est brusquement assombri ces derniers mois. Celle qui a été érigée, en 1868, grâce aux dons des paroissiens est menacée de destruction. La trésorière et le président de l’association Amis de Boussay à travers les âges ont appris cette décision après un conseil municipal, en parlant avec des habitants de cette commune de 2 800 âmes. « On nous a dit qu’il a été question de sa démolition car une rénovation était trop chère et que cela s’inscrivait dans le cadre du projet de construction d’une école primaire », se remémore Danielle Mallet.

Pas de permis de démolir

L’association décide aussitôt d’agir. Un mois après, en octobre, alors que les élus tenaient leur stand de rencontre avec la population, comme ils le font tous les mois sur la place de l’Église, les bénévoles remettent un courrier à la maire, Véronique Neau-Redois. Coup de bol, elle était présente ce jour-là. Dans cette lettre, un tas de questions posées par les habitants. « Elle nous a aussitôt avisés que, quoique nous fassions, le presbytère sera démoli. » D’après Danielle Mallet et Louis Guérin, l’édile n’a pas répondu à ce premier courrier.

C’est le premier coup de massue pour l’association patrimoniale. Et ce ne sera pas le dernier. Il leur en faut plus pour les décourager. Ils en sont sûrs, cette demeure aux allures de grande maison de maître a du potentiel. D’autant qu’elle n’est pas en ruine. « Elle n’est pas fissurée. Les murs ne sont pas abîmés. Le toit est en place. Certes, les ardoises et les fenêtres sont à changer. Mais il n’y a pas de travaux de gros œuvre, témoigne Louis Guérin, qui a visité la maison l’an dernier. J’ai été maçon toute ma vie. En y entrant, j’ai bien vu qu’elle ne menaçait pas de s’effondrer. Au contraire, les matériaux sont de qualité. C’est un immense gâchis. »

Pourtant, un mois après la remise du courrier, la municipalité prend un arrêté d’insalubrité. Un permis de démolition est affiché dans la foulée, début novembre 2024. Sa destruction est d’abord prévue pour le 27 février. Danielle Mallet et Louis Guérin contactent alors l’association nationale Sites et monuments.
Son représentant en Loire-Atlantique reste marqué par l’affaire de Bouvron, au nord du département. Une partie du centre-bourg ancien a été démolie pour laisser place à de nouveaux petits immeubles.

Des éléments d’architecture intéressants

Lorsque Vincent Guiné, architecte urbaniste et paysagiste et délégué chez Sites & Monuments pour la Loire-Atlantique, épluche le dossier, il découvre que la municipalité a fait appel à une entreprise d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO). Cette dernière aurait évalué le montant des travaux dans la demeure de 216 m² à plus de 980 000 €. Or, « c’est justement cette évaluation qui pose problème. Nous avons appris que leur calcul a été fait sur la base d’un ratio au m² qui reprend une moyenne du coût au global. Nous ne pensons pas que le prix de la rénovation soit si élevé », prolonge Vincent Guiné. Selon lui, ce mode de calcul fausse la réalité. « Il faudrait que la municipalité fasse une étude structurelle. Seule cette étude pourrait évaluer précisément le coût des travaux. »

À la demande de Véronique Neau-Redois, s’est tenue, en janvier, une réunion avec les associations de patrimoine, dont Maisons paysages, venue en soutien. « Nous lui avons exposé le problème. Nous lui avons proposé des solutions. Mais cela n’a abouti a rien », reprend Danielle Mallet. Parmi les propositions des assos, un accompagnement « pour voir ce qu’il est possible de faire afin de réintégrer la grande maison de maître dans le projet d’école ». La mairie de Boussay avait sollicité le Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE) rattaché au département de Loire-Atlantique. La conclusion était sans appel : « Elle préconisait de rénover la bâtisse », soutient Vincent Guiné.

« Raser la bâtisse, c’est prendre un gros risque »

Face à ce constat d’échec, les amis de Boussay à travers les âges ont décidé de lancer un recours en référé auprès du tribunal administratif de Nantes pour faire annuler la démolition. « Raser la bâtisse, c’est prendre un gros risque. Il y a des éléments d’architecture très intéressants, comme les encadrements et la corniche moulurée en granit, mais aussi cette statue de la Vierge à l’enfant, nichée sur le toit et protégée par une alcôve en pierre » , argumentent les défenseurs du patrimoine.

Pour Sites et monuments, l’enjeu est également trop important. « La municipalité veut construire une école en centre-bourg. C’est une très bonne idée. Mais il manquerait 1,6 million au budget. Ça veut dire que si le presbytère est rasé et que l’école ne se faisait pas, on aura tout perdu », renchérit Vincent Guiné.

Contactée, Véronique Neau-Redois n’a pas répondu à nos sollicitations. Vendredi 14 mars, date de l’audience, on sera fixés sur le sort de l’ancien presbytère. La décision du juge des référés sera connue à la mi-mars.

Simon SAÏDI

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Nicole HUET