Le 13 mai 2025, le Sénat a adopté, à une large majorité, en première lecture, après engagement de la procédure accélérée, la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires, qui encadre la liberté d’installation des médecins dans les zones déjà bien dotées. Les sénateurs ont intégré à leur texte une solidarité territoriale obligatoire pour les médecins et ont renforcé le rôle du Département.
Cette proposition intervient après le débat sur la régulation de l’installation des médecins, à l’Assemblée nationale. Le gouvernement a exprimé son soutien à la PPL sénatoriale, jugée moins coercitive. Elle vient d’être transmise à l’AN.
Face à l’aggravation des déséquilibres territoriaux, le texte sénatorial s’articule autour de trois leviers principaux :
- Un pilotage au plus près des territoires de la politique d’accès aux soins ;
- Le renforcement de l’offre médicale dans les zones les plus carencées ;
- L’optimisation du temps médical et des compétences des professionnels de santé.
- Refonder la gouvernance territoriale : un rôle renforcé pour les Départements
En premier lieu, la proposition vise à refonder la gouvernance de l’accès aux soins en confiant aux Départements la coordination des actions relatives à l’installation des professionnels de santé dans les zones sous-denses, en lien avec les agences régionales de santé (ARS) et les caisses primaires d’assurance maladie.
Lors de son audition au Sénat, DF représenté par le président Gouet a souligné « le rôle d’équilibre que peut jouer le département dans la politique d’aménagement sanitaire du territoire. Selon lui, cet échelon de proximité, à la croisée des compétences sociales, médico-sociales et territoriales, est particulièrement bien placé pour appréhender les réalités locales et adapter l’offre de soins aux besoins spécifiques des populations. »
La proposition de loi prévoit également la création d’offices départementaux d’évaluation, présidés par les présidents de conseils départementaux. Ces structures auront pour mission d’identifier les besoins en matière de ressources médicales. Elles associeront les communes et leurs groupements, les ordres professionnels des médecins et les Unions régionales des professionnels de santé libéraux.
En séance publique, un amendement du gouvernement a toutefois proposé de supprimer ces offices, redoutant la création d’un énième « comité Théodule ». Il n’a pas été adopté, les sénateurs ayant défendu une structure souple, réactive, et intégrée aux dynamiques locales pour éviter toute suradministration.
Les sénateurs ont renforcé la légitimité de ces offices en prévoyant que le directeur général de l’ARS ne pourra pas arrêter la définition des zones sous denses sans leur avis conforme.
- Mieux répartir l’offre de soins sur le territoire
Deuxièmement, le texte entend améliorer la répartition géographique des professionnels de santé, tout en respectant la liberté d’installation.
- Pour les médecins généralistes, l’installation en zone sur-dotée serait conditionnée à un engagement d’activité partielle en zone sous-dotée.
- Pour les spécialistes, l’autorisation d’installation en zone sur-dotée serait accordée sous conditions : cessation d’activité d’un confrère, engagement d’exercice en zone sous-dotée, ou dérogation accordée par le directeur de l’ARS.
- Libérer du temps médical et favoriser la coopération
Enfin, le troisième pilier de la proposition vise à renforcer les coopérations entre professionnels de santé pour libérer du temps médical :
- Les pharmaciens d’officine verraient leurs compétences élargies pour prendre en charge certaines situations cliniques simples et orienter les patients.
- Les infirmiers en pratique avancée (IPA) bénéficieraient d’un maintien de leurs revenus pendant leur formation et d’une revalorisation de leur rémunération une fois en exercice.
- Le texte encourage également l’équipement des cabinets médicaux en outils innovants pour améliorer la prise en charge.
- Enfin, il propose la suppression de certains certificats médicaux, notamment ceux liés à la pratique sportive ou aux congés pour enfant malade.
Les amendements portés par Départements de France (DF)
Sur la base du rapport Henni, présenté en septembre au Bureau de DF, plusieurs amendements ont été suggérés aux sénateurs. L’un d’eux, adopté, prévoit que chaque département d’une région soit représenté au sein du Conseil d’administration des ARS.
En revanche, la proposition de créer un schéma départemental d’organisation des soins (SDOS) n’a pas été retenue, la rapporteure estimant qu’un tel dispositif risquerait d’alourdir la gouvernance et d’augmenter les coûts pour les Départements.
Les principales dispositions adoptées en séance publique
Les sénateurs ont souhaité :
- Instaurer, à la demande du Gouvernement, une mission de solidarité territoriale obligatoire pour les médecins, sous forme de consultations avancées, avec deux volets
- Solidarité prioritaire : intervention obligatoire dans les territoires les plus en difficulté, identifiés par les ARS, en lien avec les Préfets, les Conseils départementaux et l’Ordre des médecins ;
- Extension progressive : élargissement de cette mission à l’ensemble des zones sous-dotées.
Cette solidarité, organisée par les ARS et les Ordres de médecins impliquera une obligation d’exercice partiel en zones prioritaires. Les médecins des zones bien dotées, y compris les remplaçants, devront se relayer pour assurer la continuité des soins de premier recours dans les zones sous dotées, sur la base de plannings prédéfinis, à l’image de la permanence des soins ambulatoire.
- Étendre le dispositif expérimental de création d’antennes pharmaceutiques dans les communes déléguées situées en zone de montagne.
- Faciliter l’exercice des médecins Padhue (praticiens à diplôme hors Union européenne) ayant le statut de réfugié ou d’apatride, via une procédure d’autorisation dérogatoire.
- Renforcer les compétences des préparateurs en pharmacie et assouplir les règles encadrant les médecins propharmaciens.
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