Remplacement des vitraux de Notre-Dame : leçons de la dénaturation de l'avis la CNPA

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Détails des six verrières de Notre-Dame devant être remplacées par des vitraux contemporains.

La commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), fondée en 1837 sous le nom de commission des monuments historiques, est une autorité incontestable dans le domaine du patrimoine. L’une de ses sections, dédiée à l’examen des projets de travaux sur les monuments historiques, s’est autosaisie le 11 juillet 2024 et a été saisie par la ministre le 12 juin 2025, à propos du projet de remplacement des vitraux de Notre-Dame.

Dans son premier avis de juillet 2024, la CNPA s’opposait fermement à ce remplacement. La commission avait rappelé, « à l’unanimité des suffrages exprimés […], que la création artistique dans les monuments historiques ne peut conduire à sacrifier des éléments patrimoniaux présentant un intérêt public au point de vue de l’histoire ou de l’art » (critère propre à tous les biens classés). La commission s’était, en conséquence, « opposée à l’enlèvement des vitraux de Viollet-le-Duc », appartenant à un « état » choisi comme « référence pour toutes les décisions relatives au chantier de restauration », cela « conformément à une doctrine constante et […] à la charte de Venise » (relevé de conclusions de la séance du 11 juillet 2024).

Son second avis de juin 2025 « rappelle » logiquement le premier. Il n’y a donc pas de contradiction entre ces avis. Il serait d’ailleurs absurde que la commission nationale - qui a une cohérence doctrinale notamment assise sur la charte de Venise - se prononce à l’unanimité contre un projet puis, un an plus tard, à l’unanimité en la faveur du même projet !

Toutefois, les fonctionnaires de la commission (majoritairement opposés au projet) ont, contrairement à la première saisine de la commission, participé au scrutin avec - dit-on - consigne de vote de la ministre en la faveur du remplacement des vitraux (ce qui serait contraire aux usages). Que vaut en effet un conseil s’il n’est pas librement dispensé ?

Cette directive modifiait évidemment les équilibres et ne pouvait que conduire à un texte alambiqué. On peut cependant considérer que les fonctionnaires, qui n’avaient pas participé au vote lors du premier avis, l’endossent cette fois, puisque le second y fait référence dans son préambule. Ce qui le fortifie !

La commission ne dispose, au demeurant, que d’un « avis simple ». Si la ministre veut l’outrepasser, elle le peut. L’avis réaffirme donc son opposition au déplacement des vitraux puis « prend acte » de la volonté politique (qu’il n’approuve donc pas) de s’affranchir de cette recommandation.

Dans ce nouveau cadre, la Commission nationale du patrimoine pose des conditions au retrait des vitraux puisque son premier avis - qu’elle maintient toutefois - ne sera pas suivi. Ces conditions tiennent essentiellement dans la « réversibilité de l’opération », permettant le respect, dans un temps long, des principes posés dans son premier avis.

La position de la commission tient ainsi en trois volets : elle réaffirme son opposition au remplacement des vitraux, prend acte de la volonté ministérielle de ne pas tenir compte de son avis, puis pose une condition de réversibilité permettant son respect à terme.

C’est pourquoi il n’est pas correct, comme le fait la ministre de la Culture, de ne retenir dans l’annonce du nouvel avis de la commission que la dernière partie de celui-ci, en omettant son préambule réaffirmant l’opposition de la commission à l’enlèvement des vitraux ! Confirmer auprès de journalistes que la commission a « donné son feu vert » au projet présidentiel n’est pas plus honnête. C’est pourtant ce qu’écrit noir sur blanc une dépêche de l’AFP largement reprise.

Recapiti
Julien Lacaze