À l’heure où les enfants sont de plus en plus exposés aux grandes questions de société – égalité, droits, injustices ou vivre-ensemble -, il devient essentiel de leur offrir des outils adaptés pour comprendre les notions fondamentales de justice. Dans un monde traversé par des conflits, des revendications sociales et une remise en question des institutions, initier les plus jeunes à ces thématiques, avec des mots justes et des histoires à leur portée, est un enjeu éducatif majeur. Voici donc notre sélection, certes subjective et non exhaustive, des meilleurs livres jeunesse pour aborder la justice avec les enfants !
Scrogneugneu
Scrogneugneu !, est un album jeunesse signé Anne Bailly et illustré par Marianne Barcilon. Une véritable pépite d’intelligence et de fantaisie qui séduit dès les premières pages. À travers l’histoire de Miguel, petit garçon boudeur et colérique, les autrices convoquent avec malice le « Tribunal des Hautes Injustices« , où chaque grief trouve sa place. Il suffit de crier cinq fois le mot magique – « Scrogneugneu ! » – pour que frère, maîtresse ou mère se retrouvent sur le banc des accusés.
Mais attention : la sentence, toujours subtile, rappelle que les apparences sont souvent trompeuses. Idéal dès 3 ans.
Policiers, juges et avocats
Les éditions Milan proposent avec Policiers, juges et avocats un ouvrage aussi instructif que divertissant, signé Emmanuelle Ousset et illustré par Gilles Freluche. Destiné aux jeunes lecteurs dès 6 ans, ce livre documentaire, publié dans la collection « Mes p’tites questions« , lève le voile sur des métiers essentiels mais souvent méconnus : comment mène-t-on une enquête ? À quoi servent vraiment les avocats ? Pourquoi ces robes dans les tribunaux ?
En 40 pages didactiques, l’auteur explore les missions concrètes d’un policier, d’un juge, d’un avocat, tout en montrant que leur rôle n’est ni spectaculaire ni caricatural. Le texte, concis, est servi par des illustrations vives et accessibles qui ouvrent l’univers judiciaire sans l’édulcorer. Ce véritable « guide civique junior » réussit le pari de rendre intelligible l’essentiel du fonctionnement d’une justice ordinaire dans un format adapté.
Sur les chemins de l’égalité
Avec Sur les chemins de l’égalité : mène l’enquête sur les injustices, Amaya Renaudin et Cléo Germain signent un album aussi malin que nécessaire, destiné aux enfants dès 7 ans. Porté par les Éditions Athizes et en partenariat avec l’Observatoire des inégalités, ce livre-jeu invite les jeunes lecteurs à questionner, avec finesse et pédagogie, les préjugés qui traversent notre société.
Pourquoi une fille hésiterait-elle à rêver d’être astronaute ? Pourquoi une piscine ne serait-elle pas accessible à tous ? À travers des situations concrètes et des illustrations percutantes, l’ouvrage déconstruit, sans moralisme, les mécanismes des discriminations et des inégalités, tout en stimulant l’esprit critique des plus jeunes.
Le procès
Avec Le procès, Stéphane Henrich signe un album jeunesse aussi malicieux qu’instructif, où la salle d’audience se transforme en scène de théâtre et les animaux en acteurs d’une comédie judiciaire savoureuse. L’affaire ? Un loup, Bertrand Loup, accusé d’avoir dévoré un agneau. Le crime est avéré, mais l’enjeu réside dans les circonstances atténuantes : la faim peut-elle justifier l’irréparable ?
À travers ce récit désopilant, Henrich déploie une véritable leçon de droit. Chaque personnage – l’avocat général intransigeant, le défenseur éloquent, les témoins pittoresques – incarne avec brio les rouages d’un procès, tandis que le dessin, vif et expressif, restitue toute la théâtralité de la salle d’audience. L’humour, fin et jamais gratuit, sert une réflexion sur la justice, la responsabilité et la morale, le tout avec une légèreté qui force l’admiration. Idéal dès 8 ans.
La justice expliquée à ma petite-fille
Avec La justice expliquée à ma petite-fille, Gilles Perrault met la rigueur de sa longue expérience d’avocat et écrivain au service d’une initiation en douceur à l’univers judiciaire. Dès les premières pages, il adresse un dialogue clair à une jeune interlocutrice – sa petite-fille –, dans lequel la « Justice rêvée » se heurte à la « justice vécue » des justiciables.
En une centaine de pages, l’auteur esquisse les grands principes (procès, jeux des parties, innocents et colères, responsabilités) et invite à la nuance, sans simplifier à outrance. Le ton reste grave sans être pesant, didactique sans condescendance. Les chapitres s’enchaînent avec la précision d’une plaidoirie bien menée : chaque notion est illustrée, mise en relation avec un vécu – celui de l’institution judiciaire, celui d’un citoyen. Idéal dès 10 ans.
À la brocante du cœur
Dernier roman de Robert Cormier, disparu en 2000, À la brocante du cœur confirme le talent de l’auteur pour explorer les recoins les plus sombres de l’âme humaine. Sous les apparences d’un thriller policier – un jeune garçon, Jason, est accusé du meurtre d’une fillette –, Cormier installe un face-à-face d’une tension rare entre un adolescent fragile et un enquêteur manipulateur. Le récit, aussi court que minutieux, se transforme en une plongée vertigineuse dans les mécanismes de la peur, de la culpabilité et de la manipulation.
Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur
Publié en 1960, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur est un roman d’apprentissage et de décryptage social, qui a remporté le prix Pulitzer en 1961. À travers les yeux de Scout Finch, une fillette vive de l’Alabama des années 1930, Harper Lee dresse le portrait d’une ville ségrégationniste et d’une Amérique en crise. Son père, l’avocat Atticus Finch, incarne la justice et l’intégrité lorsqu’il défend un homme noir accusé à tort.
Le roman articule de façon magistrale l’innocence de l’enfance et la lutte contre le racisme, symbolisés par l’oiseau moqueur, fragile et injustement condamné. L’écriture, dépouillée et puissante, invite à une réflexion universelle sur l’empathie et la tolérance. Considéré comme un classique incontournable de la littérature américaine, ce livre est étudié dans le monde entier et continue d’éclairer les enjeux raciaux et éducatifs. Idéal dès 14 ans.
La Jurée
Avec La Jurée, Claire Jéhanno signe un premier roman d’une rare maturité, où le suspense judiciaire se mêle à une introspection bouleversante. L’auteure, connue pour ses podcasts littéraires, y déploie une écriture limpide et sensible, nous plongeant dans l’esprit d’Anna Zeller, une enseignante tirée au sort pour siéger aux assises. Confrontée à un procès pour meurtre, cette dernière voit resurgir des souvenirs enfouis, transformant l’expérience en une quête de vérité aussi personnelle que collective.
Le talent de Claire Jéhanno réside dans sa capacité à entrelacer le récit du procès – précis, documenté, haletant – avec les tourments intimes de son héroïne. Le lecteur est ainsi transporté entre les tensions du prétoire et les ombres d’un passé familial, le tout servi par une narration fluide et une psychologie des personnages d’une justesse remarquable. Idéal dès 16 ans.
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Hakim Aoudia.
