« Aucun enfant ne naît en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, de son origine ou de sa religion. », écrivait Nelson Mandela. Dès le plus jeune âge, les enfants perçoivent les différences. Plutôt que de les taire, il est essentiel de les nommer, de les expliquer et d’en faire une richesse. Ainsi, la littérature jeunesse offre un formidable levier pour éveiller les consciences, encourager l’empathie et semer les graines de l’égalité. Voici donc notre sélection, certes subjective et non exhaustive, des meilleurs livres jeunesse pour aborder le racisme avec les enfants !
Risson au pays des longues oreilles
Paru en 2002, Risson au pays des Longues Oreilles est un album jeunesse signé Stibane. Le récit met en scène Risson, un hérisson vagabond qui, après un long voyage, arrive au pays des Longues Oreilles. S’il réussit trois épreuves imposées afin de prouver sa valeur, il reste exclu : sa différence est jugée, et l’on l’oblige à porter un bonnet avec de longues oreilles pour « ressembler » aux habitants. Avec un dessin sobre, presque minimaliste, et une métaphore forte, Stibane offre un album poignant pour les enfants à partir de trois ans — réfléchir à l’identité, à l’acceptation, à la norme.
Un ouvrage utile pour initier le dialogue parents-enfants et enseignants-élèves sur les thèmes de la différence et de l’empathie, un petit bijou littéraire dans la collection Pastel de l’Ecole des Loisirs. Idéal dès 3 ans.
Le racisme
Sous la plume pédagogique d’Astrid Dumontet et les illustrations de Julie Faulques, Le racisme (collection Mes p’tites questions/Éditions Milan) propose, en seize questions-réponses accessibles dès 6 ans, une introduction limpide aux origines, manifestations et moyens de lutter contre le racisme.
Avec un ton factuel et des exemples concrets, l’ouvrage transforme des notions complexes en repères opérationnels pour l’école et la famille — didactique sans être moralisateur. Par son format court et son rythme pédagogique, il tient sa promesse : outiller le jeune lecteur pour comprendre l’histoire des discriminations et développer l’esprit critique. Un outil utile et serein, à lire et à offrir dans une période où le « vivre-ensemble » s’impose comme urgence éducative.
Léon
Publié pour la première fois en français en 1999 sous le titre Léon (École des loisirs, collection Neuf poche), le récit autobiographique de Leon Walter Tillage nous plonge dans les États du Sud des États-Unis dans les années 1940-50. Né en 1936 en Caroline du Nord dans une famille d’agriculteurs métayers, Tillage raconte la ségrégation, la violence ordinaire, l’humiliation quotidienne – entrée arrière dans les magasins, passages obligés dans les bus des enfants blancs, peur des rencontres avec le Ku Klux Klan.
Ce témoignage sans fard, structuré en chapitres thématiques, mêle douleur et dignité, pour montrer comment un jeune garçon découvre progressivement ses droits et s’engage dans le mouvement pour les droits civiques.
Avec une langue simple mais puissante, Léon s’impose comme lecture essentielle pour comprendre le racisme, l’injustice, et l’espoir d’un monde plus égalitaire – un ouvrage à mettre entre les mains des enfants comme des adultes. Idéal dès 8 ans.
Le racisme expliqué à ma fille
Paru chez Seuil dans la collection Expliqué à …, Le racisme expliqué à ma fille de Tahar Ben Jelloun est un essai devenu référence depuis sa première édition en 1998. Destiné aux enfants dès 9 ans, il propose un dialogue clair entre l’auteur et sa fille, pour explorer les origines du racisme, ses mécanismes, et la nécessité de l’éducation à la tolérance.
En 2018, une version renouvelée — enrichie et augmentée — a été publiée, prenant en compte les évolutions sociales et politiques : montée des discours identitaires, terrorisme, évolutions migratoires. L’adaptation récente en bande dessinée par Marzena Sowa et Hélène Le Cam, parue en 2025, modernise le propos pour les jeunes lecteurs d’aujourd’hui.
Véritable outil pédagogique, l’ouvrage encourage le questionnement, démontre que le racisme n’est pas une fatalité, mais se déconstruit — un impératif civique dans notre société contemporaine.
La Case de l’oncle Tom
Publié en 1852, La Case de l’oncle Tom de Harriet Beecher Stowe est un roman phare de la littérature antiesclavagiste, né d’un feuilleton débutant le 5 juin 1851 dans The National Era avant sa publication en deux volumes le 20 mars 1852. Il s’appuie notamment sur l’autobiographie de Josiah Henson, esclave fugitif devenu pasteur au Canada.
Humanisant la souffrance des esclaves à travers le personnage christique d’Oncle Tom, l’ouvrage touche profondément l’opinion publique et alimente le débat national sur l’esclavage, jusqu’à être cité comme l’un des éléments déclencheurs de la guerre de Sécession.
Cependant, le roman suscite aussi de sévères critiques : ses stéréotypes raciaux et sa représentation passive du héros ont été dénoncés par James Baldwin et les mouvements noirs du XXᵉ siècle. Aujourd’hui encore, l’œuvre conserve toute sa force historique comme outil majeur de conscience collective. Idéal dès 11 ans.
Comment devient-on raciste ?
Publié en 2021 par Casterman, Comment devient-on raciste ? Comprendre la mécanique de la haine pour mieux s’en préserver est une bande dessinée documentaire signée par Evelyne Heyer, Carole Reynaud-Paligot et Ismaël Méziane.
L’album de 72 pages offre une immersion à la fois personnelle et scientifique. Méziane, touché par ses propres expériences, se joint à une anthropologue généticienne (Heyer) et à une historienne (Reynaud-Paligot), pour examiner les racines du racisme — catégorisation, hiérarchisation, stéréotypes — dans une déambulation intellectuelle.
Par son équilibre entre dessins expressifs et réflexion didactique, il propose non un simple constat, mais un outil de conscientisation. En partenariat avec le Musée de l’Homme, l’UNESCO et la Ligue de l’enseignement, ce livre trouve sa place dans les programmes scolaires — Collège et Lycée — comme ressource essentielle face aux enjeux contemporains du vivre-ensemble. Idéal dès 12 ans.
Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur
Publié en 1960, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur est un roman d’apprentissage et de décryptage social, qui a remporté le prix Pulitzer en 1961. À travers les yeux de Scout Finch, une fillette vive de l’Alabama des années 1930, Harper Lee dresse le portrait d’une ville ségrégationniste et d’une Amérique en crise. Son père, l’avocat Atticus Finch, incarne la justice et l’intégrité lorsqu’il défend un homme noir accusé à tort.
Le roman articule de façon magistrale l’innocence de l’enfance et la lutte contre le racisme, symbolisés par l’oiseau moqueur, fragile et injustement condamné. L’écriture, dépouillée et puissante, invite à une réflexion universelle sur l’empathie et la tolérance. Considéré comme un classique incontournable de la littérature américaine, ce livre est étudié dans le monde entier et continue d’éclairer les enjeux raciaux et éducatifs. Idéal dès 15 ans.
Black Boy
Publié en 1945, Black Boy est l’autobiographie choc de Richard Wright, né en 1908 dans le Sud ségrégationniste des États‑Unis. À travers deux volets – la jeunesse dans le Mississippi et l’Arkansas (« Southern Night ») et la quête de liberté à Chicago « The Horror and the Glory » – l’auteur expose sans fard ses souffrances, sa faim, son immersion précoce dans la lecture, et surtout son refus obstiné de la soumission face au racisme ordinaire.
Son écriture ? Sobre, acérée, incarnée. Wright donne à ressentir physiquement la terreur du racisme, sans jamais verser dans le misérabilisme. Le jeune narrateur grandit dans la faim, la violence familiale et la bigoterie religieuse. Mais c’est dans la lecture et l’écriture qu’il trouve sa voie, forgeant une conscience politique et littéraire unique.
Black Boy est aujourd’hui considéré comme une œuvre fondatrice de la littérature afro‑américaine, ouvrant la voie à des voix comme Baldwin ou Ellison. Un texte impératif, beau et brutal, sur la condition noire, la liberté intérieure et l’écriture comme arme. Idéal dès 15 ans.
Comment parler du racisme aux enfants
Publié en 2013 dans la collection Comment parler… aux enfants chez Le Baron Perché, Comment parler du racisme aux enfants de Rokhaya Diallo est un ouvrage pédagogique de 112 pages qui vise à aider les adultes à répondre aux questions des plus jeunes autour du racisme. Doté d’une préface de Lilian Thuram, ce livre propose quinze fiches illustrées abordant des thèmes tels que les stéréotypes, le métissage, la race, la religion ou encore l’histoire douloureuse de l’esclavage, de l’antisémitisme et de l’apartheid.
Ce qui distingue l’ouvrage, c’est son point de vue centré sur l’enfant : Diallo invite à adopter une posture d’écoute, à répondre avec honnêteté, sans infantiliser, pour mieux déconstruire les idées reçues. Bien plus qu’un manuel, c’est un outil civique : un héritage précieux pour une éducation à la tolérance, un guide concret pour permettre aux plus jeunes de comprendre et résister aux discriminations dans une société toujours en quête de mieux-vivre ensemble.