En juin 1975, le trompettiste, bugliste et compositeur Kenny Wheeler entre en studio à New York pour enregistrer Gnu High, un album qui va marquer un tournant dans sa carrière et dans l’histoire du label ECM. Né au Canada mais installé en Angleterre depuis les années 1950, Wheeler, déjà reconnu pour son approche lyrique et son jeu subtil, s’entoure pour l’occasion d’un trio d’exception : Keith Jarrett au piano, Dave Holland à la contrebasse et Jack DeJohnette à la batterie. Gnu High est ainsi une rencontre rare entre quatre musiciens au sommet de leur art, un équilibre parfait entre composition et improvisation, entre rigueur et liberté. 50 ans de Gnu High de Kenny Wheeler, ou l’éclosion discrète d’un géant du jazz, en vinyle de préférence !
Portrait d’un musicien contemplatif
Kenny Wheeler (1930-2014) est une figure singulière du jazz moderne : Canadien d’origine, il rejoint le Royaume-Uni dans les années 1950, s’y immerge profondément et y bâtit une carrière discrète mais durable. Trompettiste et surtout flügelhorniste, Wheeler a développé un phrasé introspectif, presque fragile, qui lui permet de créer des lignes mélodiques aériennes, comme suspendues dans le silence. Il a joué tant dans des formations libres que structurées, composant pour des petits groupes comme pour des orchestres plus vastes, toujours avec la même exigence.
Né le 14 janvier 1930 à Toronto, il commence la musique dès l’adolescence, attiré par la trompette et le cornet, avant de se former au Royal Conservatory of Music. Mais c’est en Angleterre, où il s’installe en 1952, que sa carrière prend son essor. Il joue d’abord dans les orchestres de John Dankworth et de Mike Gibbs, avant de se tourner vers l’avant-garde et le free jazz, aux côtés de John Stevens, Evan Parker ou encore dans le Globe Unity Orchestra.
Le trompettiste qui murmurait à l’oreille du jazz
Son approche privilégie la nuance à la virtuosité : chaque note est mesurée, chaque pause compte. Cette élégance, cette retenue, lui ont valu le respect de ses pairs et une reconnaissance progressive, souvent discrète, mais solide. Il collabore avec de grandes figures du jazz et multiplie les projets avant-gardistes tout en conservant une cohérence artistique : sa musique est immédiatement reconnaissable, empreinte d’un lyrisme à la fois mélancolique et lumineux. « La musique triste me rend heureux », confiait-il, résumant ainsi sa quête d’une expression à la fois intime et universelle.
Ce qui frappe chez Wheeler, c’est sa capacité à naviguer entre les styles sans jamais sacrifier sa singularité. Il a su conjuguer la tradition (une ligne mélodique claire, héritière de Miles Davis ou Chet Baker) et une ouverture vers l’improvisation libre et la composition savante. Et même s’il puise son inspiration chez Clifford Brown et Art Farmer, il développe un langage personnel, fait de mélancolie et de retenue. Son jeu, souvent décrit comme « chaleureux » et « introspectif », tranche avec l’exubérance de ses contemporains. Il ne cherche pas à impressionner, mais à toucher, à créer un dialogue avec ses partenaires et son public.
Gnu High : l’album, l’alchimie, le legs
Enregistré en juin 1975 aux Generation Sound Studios de New York, Gnu High est le fruit d’une alchimie exceptionnelle. Pour son premier album en leader chez ECM, Wheeler s’entoure de Keith Jarrett (dans ce qui restera l’une de ses dernières apparitions comme sideman), Dave Holland et Jack DeJohnette – trois musiciens qui, comme lui, ont marqué l’histoire du jazz des années 1970. Le résultat est un disque en trois mouvements, où chaque pièce révèle une facette différente de son talent.
L’album s’ouvre sur Heyoke, une épopée de vingt-deux minutes où Wheeler déploie toute la richesse de son écriture : thèmes envoûtants, espaces laissés à l’improvisation, et une interaction organique entre les musiciens. Smatter et Gnu Suite complètent ce tableau, offrant tour à tour une énergie plus directe et une introspection poétique. « Ce que vous entendez, c’est la spontanéité du moment », explique Jack DeJohnette, tandis que Dave Holland souligne la façon dont Wheeler parvient à allier « la forme, l’harmonie et une interprétation profondément libre ».
Le vinyle, une culture
Si vous n’avez pas encore succombé au retour du vinyle, qui n’a par ailleurs jamais disparu, il est temps de vous y mettre.
Bien plus qu’un simple objet, il séduit de plus en plus, néophytes et passionnées, par la qualité de ses pochettes, sa fidélité sonore et la richesse du son.
De plus, il permet de se réapproprier l’instant et de prendre le temps.
Tout commence par ce petit rituel, où l’on choisit son disque, puis on extrait la galette de sa pochette et de son étui en plastique. Il faut ensuite la poser sur la platine, positionner soigneusement l’aiguille, savoir apprécier son crépitement si caractéristique, s’assoir et écouter, en parcourant la jaquette.
Bien choisir sa platine
Support privilégié pour apprécier cette qualité de son si particulière, le disque vinyle nécessite de s’équiper en conséquence.
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Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne écoute.
Hakim Aoudia.
