Blaise Pascal (1623-1662) La Pascaline, ou « machine arithmétique », Rouen, vers 1645-1650 Vente Christie’s Paris, 19 novembre 2025 Photo : Christie’s Paris
Une Pascaline d’arpentage, unique en son genre, devait être cédée avec la collection Léon Parcé le 19 novembre 2025 chez Christie’s (lot 74) à Paris. Une tribune de scientifiques de grand renom, parue dans Le Monde du 1er novembre 2025 et transformée en pétition, protestait vigoureusement contre la délivrance de son certificat de libre d’exportation, actant de ce qu’elle n’était pas un trésor national.
Il s’agit d’une nouvelle manifestation de l’opacité et de l’absence de collégialité de la délivrance des certificats d’exportation. Les auteurs de cette tribune - à l’autorité incontestable et vrais spécialistes du sujet (voir ci-dessous) - ont-ils été consultés par le ministère de la Culture avant cette délivrance ? Évidemment non !
Premiers signataires tribune et pétition.
Pourtant, aux termes de l’article R. 111-8 du code du patrimoine : "L’examen de chaque demande de certificat est confié, par le ministre chargé de la culture, à une ou plusieurs personnes qui apprécient l’intérêt historique, artistique ou archéologique du bien". Le texte précise même que Lorsque l’instruction du dossier l’exige, le ministre demande la présentation du bien dans un lieu qu’il détermine".
C’est l’analyse solipsiste de l’intérêt de la Pascaline d’arpentage par le ministère de la Culture qui a déterminé les associations Sites & Monuments, des Amis du centre international Blaise Pascal, la Société des amis de Port Royal et la Société de Port Royal a introduire, le 13 novembre 2025, un recours en référé devant le tribunal administratif de Paris. Une audience fut fixée le 18 novembre 2025, veille de la vente.
Dans leurs conclusions, les requérantes soulignent notamment que "la procédure est irrégulière, faute d’information de la demande de certificat d’exportation, notamment auprès des collections publiques, des directeurs de musées et des institutions œuvrant en faveur de la conservation du patrimoine et de la diffusion du savoir, notamment dans le domaine des sciences et de la littérature française. Il s’agit en effet d’une formalité indispensable pour permettre [aux collections nationales] d’apprécier si le bien en cause constitue (ou non) un « trésor national » et apporter, le cas échéant, l’ensemble des contributions nécessaires en ce sens, au MINISTRE DE LA CULTURE, afin qu’il puisse prendre une décision de façon parfaitement éclairée. [...] Au cas présent, aucune institution, historien ou spécialiste, n’a été informé en temps utile, ce qui explique la délicate situation actuellement rencontrée."
Et, effectivement, le juge des référés leur donne raison, dans son ordonnance rendue le 18 novembre 2025, en considérant que :
"5. L’association « Sites & monuments » et les autres requérants, justifient de l’existence d’une situation d’urgence dès lors que la décision attaquée a pour objet de permettre la sortie de la « Pascaline » hors du territoire national et qu’une vente aux enchères est organisée le 19 novembre 2025 à 16 heures par la société Christie’s.
En l’état de l’instruction et compte tenu, notamment, de la valeur historique et scientifique de la machine à calculer inventée par Blaise Pascal, dite la « Pascaline » issue de la collection privée Léon Parcé et dédiée à l’arpentage, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 111-1 (5°) du code du patrimoine [...] sont, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. Il en va de même du caractère insuffisant de l’expertise réalisée en application de l’article R. 111-8 du même code. L’ensemble des conditions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative étant remplies en l’espèce, il y a lieu d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision attaquée."
Rappelons que nous réclamons depuis 2019 au ministère de la Culture l’introduction d’une procédure collégiale de délivrance des certificats de libre exportation dans la partie réglementaire du code du patrimoine.
Julien Lacaze, président de Sites & Monuments
Lire l’ordonnance de référé du TA de Paris du 18 novembre 2025
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