Robert Ageneau : portrait d'un éditeur bienfaiteur et inspiré - CCFD-Terre Solidaire

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Ancien prêtre de la congrégation des missionnaires du Saint-Esprit, animateur de la revue Spiritus au début des années 1970, Robert Ageneau fonde en 1975, avec Denis Pryen, les éditions de L’Harmattan, puis en 1980 les éditions Karthala. Revenu à l’état laïque dès 1974, l’éditeur est un puits de science sur le christianisme, mais aussi sur les pays qualifiés par certains du « Sud global ». À l’occasion de la journée du legs, le 13 septembre, portrait d’un bienfaiteur à la vie particulièrement féconde

Karthala. Nom d’un volcan, encore actif, situé sur une île de l’archipel des Comores, au nord de Madagascar, dans l’océan Indien. Karthala. Nom d’une maison d’édition, dont la librairie du même nom se trouve à la pointe d’un pâté d’immeubles, telle la proue d’un bateau, aux croisements des rues Saint-Hippolyte et Pascal, et du boulevard Arago. « Un boulevard protestant », souligne avec malice Robert Ageneau, fondateur de la maison, en désignant l’église protestante, un peu plus bas, et plus haut, l’Institut protestant de théologie et le Service protestant de mission. 

Une formation religieuse philosophique et théologique

Car pour le Vendéen Robert Ageneau, né en 1938 dans une fratrie de cinq, tout commence par l’Église catholique. Tôt, il entre chez les spiritains pour suivre une formation philosophique et théologique. La congrégation du Saint-Esprit envoie alors des missionnaires en Asie, en Afrique. Tandis qu’à la fin des années 1960 il enseigne la théologie fondamentale – ou comment la foi se situe par rapport à la raison et au monde extérieur –, il est choisi, avec Denis Pryen, pour animer Spiritus, la revue de la congrégation.

« J’ai vécu Mai 68 comme un moment de prise de parole, un moment de contestation de l’autorité des maîtres »

Un esprit indépendant

Robert Ageneau oriente au sein de la revue la réflexion à partir de trois grands mouvements : la décolonisation, le Concile Vatican II de 1962 à 1965 qui prône l’ouverture au monde et à la modernité, et Mai 68. Des réflexions qui chahutent l’ordre établi et l’idée même de mission. Elles aboutissent à la publication en 1974 d’un article intitulé « la dé -mission » inclinant les missionnaires à partir et la population à s’engager. « Un article audacieux ! », s’exclame en souriant encore Robert Ageneau qui ne se voit pas renouvelé à la tête de Spiritus

La rupture est consommée avec l’Église, et Robert Ageneau, qui se décrit lui-même comme « catholique et opposant », n’y trouve plus sa place. Il quitte les spiritains, revient à l’État laïque dès 1974 et fonde, l’année suivante avec son comparse Denis Pryen, les éditions de L’Harmattan« Nous ne voulions pas incarner la maison, nous voulions un nom symbolique. » L’harmattan, qui est un vent chaud d’Afrique de l’Ouest, positionne les éditions du même nom comme un espace de réflexion sur le postcolonialisme, sur le rôle du christianisme vis-à-vis des pays en développement, sur la littérature créole et africaine. 

Produire moins, et mieux

Un conflit entre les deux fondateurs conduit Robert Ageneau à quitter L’Harmattan en 1980 et à fonder immédiatement les éditions Karthala. « Moins de quantité, plus de qualité », estime l’éditeur qui publie soixante livres par an, toujours sur ses thématiques de prédilection : l’Afrique, les pays émergents, les influences Nord-Sud et le christianisme. 

Sur l’Afrique, Robert Ageneau voit les universitaires confrontés à la quasi-impossibilité de faire du terrain dans certaines zones en raison « des mauvaises relations Nord-Sud, du processus démocratique en danger, des coups d’État, de la corruption et de l’incursion de nouvelles puissances influentes sur le territoire ».

Poursuivre l’histoire

Après avoir transmis sa succession, en 2014, à Xavier Audrain, ancien chercheur à l’université de Dakar, le fondateur de Karthala est désormais à la tête de la nouvelle collection Sens et conscience. « Cette collection laisse la parole à des penseurs qui vont plus loin que la théologie classique, qui déconstruisent les dogmes, qui proposent une nouvelle compréhension du christianisme. Nous ne sommes pas très soutenus par l’Église… » 

Pour Robert Ageneau, le constat est sans appel : 

Il faut que l’Église pense avec la modernité, sans cela, les gens ne suivront pas ! Par exemple, la question des femmes diacres irait pourtant dans le sens de la modernité.  

Fidélité et volonté de réforme

S’il tient un discours critique vis-à-vis de l’institution, l’éditeur n’en reste pas moins un proche et un fidèle. Mariés en 1976, « nous étions tous deux dans la quarantaine et nous avons rapidement renoncé à l’idée d’avoir des enfants ». Son épouse, assistante sociale, notamment dans l’aide sociale à l’enfance, est alors membre de plusieurs groupes au sein du CCFD-Terre Solidaire. Robert Ageneau, qui était déjà proche des thématiques et de la démarche de l’ONG, devient donateur. « Je reste lié au CCFD-Terre Solidaire, car il y a une tradition commune d’engagement chrétien », souligne-t-il. 

Il y a quelques années, quand il a fallu réfléchir à l’après, nous avons décidé de ne pas léguer nos biens à notre famille qui s’en sort très bien, mais à une association dans laquelle nous nous reconnaissons. C’est naturellement que nous nous sommes tournés vers le CCFD-Terre Solidaire pour faire un legs. Une petite partie de notre patrimoine sera également reversée aux spiritains.  

Dans les faits, il a pris contact avec le service des libéralités (legs, donations, assurance vie) du CCFD-Terre Solidaire, afin de préparer leurs testaments, déposés ensuite chez un notaire. Pour Robert Ageneau et son épouse, « c’est une manière de poursuivre l’histoire en permettant au CCFD-Terre Solidaire de continuer son travail de base ».

Audrey Chabal

Léguer à une association pour un avenir plus juste 

Un legs est un acte par lequel une personne transmet tout ou partie de son patrimoine à un ou plusieurs bénéficiaires désignés sur son testament. À la différence de la donation, effectuée de son vivant, le legs ne prend effet qu’après le décès de la personne. 

Si toutes les associations peuvent recevoir des dons, seules certaines sont autorisées à recevoir des legs. En tant qu’association reconnue d’utilité publique, c’est le cas du CCFD-Terre Solidaire qui peut recevoir des legs et est alors exonéré des droits de succession. À noter que 100 % des sommes transmises sont affectées aux missions. 

Dans son dernier panorama, France générosités constate une augmentation de 42 % des libéralités en France entre 2013 et 2021, les legs représentant sur cette période plus de 68 % des libéralités recueillies. « Pour le CCFD-Terre Solidaire, les libéralités sont devenues une source de financement qui sécurise notre résultat. Cela permet d’absorber les à-coups de la collecte et de compenser la décroissance de la base de donateurs traditionnels », précise Damien Cousin, directeur du développement des générosités au CCFD-Terre Solidaire. 

Pour plus d’informations sur les legs, les donations et l’assurance vie : Nataliya Zagorodnya, 01 44 82 80 38, n.zagorodnya@ccfd-terresolidaire.org

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Audrey Chabal