Le temps d’un café, immersion au Liban avec les « Tres Marias » et leur groupe de soutien aux travailleuses migrantes et aides de maison.
Danielle Kemajou est chargée de mission administrative et financière au CCFD Terre-Solidaire. Elle est partie au Liban pour une mission de suivi de projet avec le partenaire libanais MADA, soutenu financièrement par le CCFD-Terre Solidaire. A cette occasion, Danielle a rencontré le groupe communautaire des Tres Marias. Elle fut impressionnée par ces trois femmes engagées au service des travailleuses migrantes embauchées comme aides de maison au Liban.
Le sort des travailleuses migrantes dans un pays en crise
Depuis 2019, le Liban est traversé par une succession de crises politiques, systémiques, économiques et financières. Suite à la crise économique, « les Tres Marias [Trois Marie] se sont aperçues que le sort des travailleuses migrantes était très dur », raconte Danielle.
Il faut savoir qu’au Liban, plusieurs communautés de travailleuses migrantes viennent avec le système de la kafala. Les personnes ont le droit de venir travailler si elles sont sponsorisées par une famille. Il s’agit pour ces familles libanaises de pouvoir embaucher des aides de maison.
Danielle Kemajou, chargée de mission administrative et financière au CCFD-Terre-Solidaire
Les aides de maison étrangères sont très répandues au Liban. Le système de la kafala ne prévoit ni quota d’heures de travail ni salaire minimum. Les employées de maison sont parfois maltraitées par leurs employeurs. Elles ne peuvent pas changer d’emploi sans leur autorisation et sont soumis aux règles parfois liberticides des familles chez qui elles travaillent, ou vivent (confiscation du passeport et du téléphone portable par exemple).
Or après la crise, plusieurs familles n’arrivaient plus à subvenir aux besoins de leurs aides de maison. « Certaines n’étaient plus nourries, certains documents n’étaient pas renouvelés. » Les Tres Marias ont alors commencé à distribuer des paniers de nourriture.
Une solidarité intercommunautaire
Les Tres Marias [de leurs trois prénoms Marie] sont philippines. Elles travaillent depuis plusieurs années au Liban comme aides de maison. Elles jouissent du soutien de leur ambassade.
L’ambassade des Philippines à Beyrouth est plus engagée que d’autres ambassades dans la défense des droits de ses ressortissantes employées de maison.
Les autres communautés de migrantes venues du Bengladesh, du Cameroun, de Sierra Leone, d’Ethiopie sont bien moins représentées par leurs institutions. Conscientes de leurs « privilèges », les trois Marie ont décidé de les utiliser pour venir en aide à toutes les communautés employées comme aides de maison au Liban.
Distribuer de la nourriture grâce aux paysans du Akkar
La première urgence a été de distribuer des paniers de nourriture à celles qui en avaient besoin.
L’association MADA essaie de créer des synergies et des débouchés entre les paysans qu’elle soutient dans le Akkar et les communautés à Beyrouth.
L’association tente de créer des liens et de faire en sorte que des groupes tels que les Tres Marias puissent constituer leur panier d’aide alimentaire avec des produits récoltés en agroécologie par les paysans.
Des ateliers avec les enfants
En plus des distributions alimentaires, l’association propose des ateliers et des formations professionnelles pour donner d’autres débouchés aux travailleuses migrantes.
Le but est de leur montrer que d’autres emplois, d’autres vocations sont possibles.
L’association organise aussi des actions en faveur des enfants des employées de maison. Ces derniers sont souvent victimes de racisme, et en même temps ils rejettent ou dénigrent parfois leur pays d’origine. « C’est en quelque sorte la double peine, déplore Danielle, ils ne sont pas intégrés là où ils vivent et n’ont pas d’attache avec le pays de leurs parents. ».
Des repas partagés pour rapprocher les communautés
Enfin, les Tres Marias sont conscientes qu’il faut rapprocher les différentes communautés. Pour cela, elles organisent des dégustations culinaires pour faire découvrir la gastronomie des pays d’origine des migrantes aux Libanais.
« C’est un moyen de se rencontrer en dehors du champ du travail », nous raconte Danielle Kemajou dans le podcast.
Tres Marias est soutenue par notre partenaire MADA
Le partenaire du CCFD Terre-Solidaire MADA gère et alimente une plateforme de groupes communautaires à Beyrouth dont fait partie les Tres Marias.
MADA a été une des premières organisations libanaises à travailler dans la région du Akkar, au nord du pays. Elle y soutient notamment des projets en agroécologie, fer de lance de l’association. A partir de 2011, et la guerre civile syrienne, l’afflux des réfugiés dans le Akkar oblige MADA à s’adapter.
MADA ne fait pas pour autant d’humanitaire, elle travaille avant tout sur des projets de sécurité alimentaire, de cohésion sociale et d’insertion.
MADA fait partie du projet TAPSA (TRANSITION VERS UNE AGROÉCOLOGIE PAYSANNE AU SERVICE DE LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE) mené par le CCFD Terre-Solidaire et ses partenaires.
Aller plus loin :
- Ecouter l’épisode précédent : Podcast : Bolivie, l’indicible annonce
- Lire notre article : Au Liban, soutenir la production locale face à la crise alimentaire
Retour de mission est un podcast qui, le temps d’un café, vous transporte à l’autre bout du monde et vous dévoile les coulisses du CCFD-Terre Solidaire.
Réalisatrice : Sidonie Hadoux
Chargée de production : Anne-Isabelle Barthélémy
Photo de couverture : Roberta Valerio