Le jazz vient de perdre l’un de ses ambassadeurs les plus populaires. Le bugliste et compositeur américain Chuck Mangione s’est éteint à l’âge de 84 ans, laissant derrière lui une œuvre à la fois accessible et profondément expressive. Sa disparition le 22 juillet 2025 a ravivé l’intérêt pour une discographie aussi généreuse qu’éclectique, où l’émotion côtoie la virtuosité. Connu du grand public pour le tube planétaire Feels So Good, Mangione a su toucher des millions d’auditeurs bien au-delà du cercle des amateurs de jazz. Sa musique, reconnaissable entre mille, mêle mélodies solaires, orchestrations soignées et groove subtil. À travers ses albums les plus marquants, il a su créer un univers à part, entre jazz et pop orchestrale. Voici donc notre sélection, certes subjective et non exhaustive, des meilleurs albums de Chuck Mangione à écouter absolument !
The Jazz Brothers (1960)
The Jazz Brothers, premier opus du sextet des frères Mangione, s’impose dès 1960 comme un manifeste du hard bop new-yorkais. À peine âgés de 19 (Chuck) et 22 ans (Gap), les deux frères rochestériens, sous la houlette du producteur Cannonball Adderley, révèlent une maturité rare. Leur musique, nourrie des influences de Horace Silver ou Art Blakey, mêle standards et compositions originales avec une élégance incisive.
Dès l’ouverture, Something Different impose son souffle, tandis que Struttin’ With Sandra expose la virtuosité tranquille de Chuck Mangione. Sal Nistico au ténor embrase l’ensemble, Roy McCurdy à la batterie et Larry Combs au soprano déploient une complicité rare, révélant un son soudé et affûté.
Ce disque est un appel à (re)découvrir un jazz jeune, frais, sans concession : un swing nerveux, des soli ciselés, une cohésion de groupe impressionnante pour des musiciens si jeunes. Entre ferveur bop et cohérence d’ensemble, The Jazz Brothers capte l’énergie d’un sextet de jazz à l’aube de sa gloire.
Recuerdo (1962)
À tout juste 21 ans, voici Recuerdo, premier album sous son nom du Chuck Mangione Quintet, enregistré le 31 juillet 1962 à New York avec une rythmique légendaire : Wynton Kelly au piano, Sam Jones à la contrebasse, Louis Hayes à la batterie et Joe Romano au saxophone et flûte.
On y découvre trois compositions originales de Mangione – « Recuerdo« , « Blues for Saandar » et « The Little Prince » – enracinées dans un hard‑bop élégant, face à des standards comme « Big Foot » (Charlie Parker) et « Solar » (Miles Davis). La pièce titre, exotique et finement arrangée, mêle percussions orientalisantes et souffle mélodique affirmé, anticipant déjà le lyrisme qu’il revendique sur le flugelhorn à la fin des années 1970.
Mangione, malgré son humilité – « Who was I to call Wynton Kelly… » –, se révèle maître d’un chant instrumenté fluide et prometteur face à ses aînés. Kelly y propose un solo en double‑tempo admirable, tandis que Jones et Hayes incarnent l’excellence rythmique propre au jazz de l’époque.
Bellavia (1975)
Paru en 1975 chez A&M Records, Bellavia marque une étape importante dans le parcours de Chuck Mangione. Dédié à sa mère, dont il reprend ici le nom de jeune fille, l’album se distingue par son équilibre entre écriture soignée et spontanéité de l’interprétation. Enregistré en condition « live » au studio, sans overdubs, il laisse transparaître une fraîcheur et une sincérité rarement atteintes dans les productions de cette époque.
Le titre éponyme, récompensé par un Grammy Award en 1976, révèle le sens mélodique caractéristique de Mangione, porté par la chaleur de son bugle et l’élégance des arrangements. Entouré de musiciens fidèles comme Gerry Niewood et Steve Gadd, le compositeur propose un jazz accessible, où se mêlent harmonieusement influences classiques, souffle lyrique et touches populaires.
Des pièces comme Carousel ou Listen to the Wind témoignent d’un travail d’orfèvre, à la fois rigoureux dans l’orchestration et généreux dans l’expression. Sans excès, sans esbroufe, Bellavia s’écoute comme un portrait intime mis en musique.
Feels So Good (1977)
Avec Feels So Good, paru en 1977 chez A&M Records, Chuck Mangione signe l’un des albums les plus emblématiques du jazz populaire de la fin des années 70. Porté par un sens aigu de la mélodie et une production soignée, le flugelhorniste américain atteint ici une forme de synthèse entre jazz, pop et musique d’ambiance, sans jamais renier ses exigences musicales.
Le morceau-titre, devenu un tube international, séduit par son thème limpide et son atmosphère chaleureuse. Si son succès commercial – double disque de platine, numéro 2 des charts américains – a parfois éclipsé son contenu, l’album mérite d’être redécouvert pour la qualité de ses arrangements et la cohésion de son quintet, avec notamment Grant Geissman à la guitare et Chris Vadala aux bois.
Tout au long des six plages, Mangione privilégie la clarté du phrasé, le lyrisme et une forme de sérénité dans le jeu. Sans jamais forcer le trait, il impose une voix singulière, immédiatement identifiable, dans un répertoire accessible mais sincère.
Everything for Love (2000)
Avec Everything for Love, Chuck Mangione signe un album apaisé, intime, qui privilégie l’émotion à la démonstration. Enregistré en haute définition dans l’acoustique naturelle de l’église St. Peter’s à New York, ce disque propose dix titres originaux, empreints de douceur et de lyrisme.
Entouré de musiciens fidèles — Gerry Niewood au saxophone ténor, soprano et flûte, Charles Meeks à la basse et Grant Geissman à la guitare — Mangione retrouve son flügelhorn avec une élégance familière. Les mélodies, souvent simples, laissent place à des climats feutrés : « Slo Ro », dédié à son épouse, ou « Amazing Grace », repris dans une version dépouillée et méditative, illustrent cette approche sensible.
Quelques touches de rythmes latins (« I Do Everything for Love« ) rappellent ses influences passées, mais l’ensemble reste volontairement sobre. La production de Chesky, en prise directe sans overdubs, confère à l’album une chaleur acoustique rare, proche du concert privé.
Sans chercher à réinventer son style, Mangione livre un disque sincère, porté par une esthétique du calme et de la retenue. Un jazz de chambre, accessible et raffiné, qui s’écoute comme une confidence.
Le vinyle, une culture
Si vous n’avez pas encore succombé au retour du vinyle, qui n’a par ailleurs jamais disparu, il est temps de vous y mettre.
Bien plus qu’un simple objet, il séduit de plus en plus, néophytes et passionnées, par la qualité de ses pochettes, sa fidélité sonore et la richesse du son.
De plus, il permet de se réapproprier l’instant et de prendre le temps.
Tout commence par ce petit rituel, où l’on choisit son disque, puis on extrait la galette de sa pochette et de son étui en plastique. Il faut ensuite la poser sur la platine, positionner soigneusement l’aiguille, savoir apprécier son crépitement si caractéristique, s’assoir et écouter, en parcourant la jaquette.
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Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne écoute.
Hakim Aoudia.