Association Calédonienne des Handicapés (Nouvelle-Calédonie)

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La chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie a examiné la gestion et les comptes de l'Association Calédoniennes des Handicapés (Nouvelle-Calédonie) pour les exercices 2019 et suivants 

L’association calédonienne des handicapés, association loi 1901 à but non lucratif, est l’une des plus importantes structures de Nouvelle-Calédonie dans la mise en œuvre de la politique publique concernant la prise en charge des adultes et des jeunes en situation de handicap, avec d’autres structures (collectif Handicap, GIP UPH, etc.) en partenariat avec la Nouvelle-Calédonie, les provinces et la CAFAT.

Acteur majeur dans le domaine du handicap, l’association a récemment conduit un important projet de regroupement de ses activités sur un seul site. Elle avait déjà fait l’objet d’un contrôle de la chambre en 1999. La chambre a donc souhaité examiner la mise en œuvre par l’association des recommandations qui lui avaient été faites, notamment en matière de régularité, ainsi que la soutenabilité de sa situation financière après le regroupement de ses activités sur la presqu’île de Nouville.

Une prise en charge du handicap et de la dépendance en Nouvelle-Calédonie à améliorer

La politique du handicap et dépendance en Nouvelle-Calédonie a connu une construction progressive. La prise en charge de personnes en situation de handicap se fondait avant 2009 sur des mesures éparses. C'est au niveau provincial que le financement de cette prise en charge a émergé, par le biais d'allocations et de subventions de fonctionnement aux établissements d'accueil.

En 2009, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté une loi du pays instaurant un régime d'aides en faveur des personnes en situation de handicap ou en perte d'autonomie. Deux commissions, la commission de reconnaissance du handicap et de la dépendance (CRHD) et le conseil du handicap et de la dépendance (CHD), sont chargées respectivement de valider un plan d’accompagnement et d’octroyer les aides prévues par la loi du pays de 2009. La CAFAT assure par convention avec la Nouvelle-Calédonie, la gestion comptable et financière de ce régime. Dans le cadre d’une délégation de compétence de la Nouvelle-Calédonie, la province Sud a, sur son ressort géographique, assumé les fonctions de la commission de reconnaissance du handicap et de la dépendance jusqu’en 2024.

Du point de vue du bénéficiaire, le traitement de sa demande de prise en charge est complexe et éclatée entre plusieurs acteurs. La création, prévue pour 2025, d’une Maison calédonienne de l’autonomie, visant à centraliser les services et informations disponibles, doit permettre d’améliorer la qualité du service rendu aux personnes en situation de handicap. 

D’autre part, l'encadrement des établissements médico-sociaux s'exerce à plusieurs niveaux. Leur ouverture est subordonnée à une autorisation administrative qui relève de la Nouvelle-Calédonie, avec une délégation partielle de compétence à la province Sud pour les établissements de son ressort, après avis du comité d’organisation sanitaire et sociale (COSS). L'admission des personnes en situation de handicap et le financement de leurs prestations sont conditionnés à l'avis du conseil du handicap et de la dépendance (CHD) et la conclusion d'une convention avec la CAFAT. 

La chambre note la complexité et le manque de coordination entre ces deux circuits décisionnels : l’un pour l’autorisation des établissements, piloté par le comité d’organisation sanitaire et sociale, et l’autre pour leur financement, géré par le conseil du handicap. La composition, le manque de formalisation de ses décisions et son rôle consultatif limitent l’efficacité du comité d’organisation sanitaire et sociale, d’autant que les schémas provinciaux d’organisation sociale n’ont jamais été arrêtés. De plus, l’avis favorable du comité d’organisation sanitaire et sociale n’emporte pas la validation de la grille tarifaire et de la convention entre l’établissement et la CAFAT par le conseil du handicap et de la dépendance comme en a fait l’expérience l’association calédonienne des handicapés à l’occasion de sa demande de nouvelle tarification accompagnant le regroupement de ses activités sur le site de Nouville. Malgré plusieurs réunions, l’association estime ne pas avoir obtenu une revalorisation suffisante eu égard à ses coûts d’exploitation entraînant un manque à gagner proche de 100 MF FP par an.

La chambre note aussi le faible encadrement de la tarification des établissements, en l’absence de typologie d’activités et de définition des dépenses éligibles, ce qui génère des disparités. Le régime handicap et dépendance connaît une forte croissance de ses dépenses passant de 7,1 MdF CFP en 2017 à près de 12 MdF CFP en 2023, ce qui soulève la question de sa soutenabilité.

Une association centrée sur l’accueil des personnes en situation de handicap

Fondée en 1979, l’association calédonienne des handicapés est devenue un acteur majeur du secteur du handicap en Nouvelle-Calédonie. La structure de l'association comprend aujourd’hui un siège, deux établissements médico-sociaux, une activité de transport adapté et des initiatives bénévoles.

L’association ne dispose toutefois pas de projet associatif global. Ce dernier est pourtant essentiel afin d’aligner les activités sur les objectifs et missions définis, assurer une cohérence organisationnelle et renforcer la gouvernance démocratique au travers du suivi de sa mise en œuvre par le conseil d’administration. La chambre recommande donc l'élaboration et l'adoption d'un projet associatif d'ici fin 2025.

De plus, l’absence de rapport d'activité annuel induit un manque de transparence vis-à-vis de ses membres comme des autres parties prenantes, notamment les financeurs. La chambre préconise la mise en place d'un rapport annuel dès 2025 pour améliorer la communication et l'information vers les administrateurs et financeurs. 

Par ailleurs, la chambre rappelle que les conditions de mises en œuvre des activités de transport et les conditions d'hygiène et de sécurité dans les établissements doivent se conformer aux réglementations en vigueur.

La construction du nouveau centre d’accueil de Nouville, projet majeur pour l’association calédonienne des handicapés, initié au début des années 2010, vise à regrouper ses activités, à moderniser ses infrastructures, à accroître la capacité d’accueil et développer de nouvelles activités. 

Le projet a été piloté par le président de l’association avec le soutien d’un cabinet d’architecte, sans mise en concurrence des prestataires, ce qui a privé l’association de vérifier l’existence d’offres plus avantageuses pour la phase de maîtrise d’œuvre. 

La phase travaux a respecté le principe de mise en concurrence, avec une attribution des lots après un appel d’offres ouvert. Les travaux, débutés en 2018 et interrompus par des cyclones et la crise sanitaire, ont été réceptionnés en octobre 2022. Le nouveau bâtiment, conforme aux attentes, a été inauguré en janvier 2023, respectant les délais et l’enveloppe financière prévue. Le montant définitifs des travaux s’est élevé à 913,2 MF CFP, soit un écart de 3 % par rapport au budget initialement fixé.

La soutenabilité financière du projet est toutefois incertaine. Il a été financé par un prêt de l’agence française de développement, avec des garanties hypothécaires et des ratios financiers à respecter. Les projections financières de l’association, bien que positives jusqu’en 2027, reposent sur des hypothèses de création d’activités non encore validées. La chambre relève aussi que la surface des unités d'accueil ne permet pas d'accueillir le nombre maximum de bénéficiaires prévu initialement (46 places au lieu de 50). La chambre recommande donc une vigilance accrue au regard de la soutenabilité financière du projet qui, dans ces conditions, risque d’impacter négativement la situation financière de l’association.

La gouvernance et le contrôle interne de l’association sont perfectibles

La gouvernance de l'association est marquée par des instances (assemblée générale, conseil d'administration, bureau) qui ne respectent pas toujours les dispositions statutaires. Les réunions du conseil d'administration ne se tiennent pas avec la fréquence requise et le bureau de l'association est formellement constitué mais inactif. La chambre invite à une mise en conformité des pratiques avec les statuts et à l’élaboration d’un règlement intérieur. Enfin, l'association doit cesser tout versement irrégulier d’indemnités au président et vice-président pour respecter ses statuts. La chambre recommande de mettre en œuvre ces points dans les meilleurs délais.

Le contrôle interne de l’association doit être renforcé, en cohérence avec l’accroissement de son activité. Les délégations de pouvoir doivent être formalisées comme les procédures de suivi de l’activité et de facturation qui bénéficieront d’une informatisation en cours de développement. Enfin, l’association doit veiller au suivi des subventions et au respect des conditions d’octroi de celles-ci.

L'association a connu une augmentation de son effectif en cohérence avec l’évolution de sa capacité d’accueil, mais le bilan social ne présente aucune analyse en matière de gestion des ressources humaines. La représentation du personnel est assurée, cependant des améliorations sont nécessaires dans la formalisation des procès-verbaux du comité d’entreprise et dans l'actualisation du règlement intérieur à l’attention du personnel. La chambre recommande une mise à jour régulière de ce document.

Une situation financière qui se dégrade

L'association calédonienne des handicapés, malgré la tenue de comptabilités distinctes pour chaque établissement et activité, rencontre des difficultés pour analyser précisément ses coûts. Les charges liées aux moyens mutualisés, comme les locaux et les véhicules, ne sont pas correctement réparties, ce qui limite la fiabilité de la comptabilité analytique. La chambre recommande de fiabiliser la comptabilité analytique d'ici fin 2025 en identifiant et en ventilant correctement les frais de siège et les coûts des activités. 

La situation bilancielle de l'association est préoccupante. Les capitaux permanents, qui représentaient 87 % du bilan en 2019, en représentent 92 % en 2024, grâce à la capitalisation des résultats et aux emprunts. Cependant, l'association n'est pas reconnue d'utilité publique, ce qui est une condition pour la détention du legs de M. Reznik, qui représente une part significative des capitaux permanents. Dans ces conditions, la chambre recommande à l'association de reconstituer le montant initial du legs ou de constituer une provision à hauteur de ce montant et de déposer une demande de reconnaissance d'utilité publique d'ici fin 2025.

 Le fonds de roulement de l’association calédonienne des handicapés

En MF CFP

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Capitaux permanents

755,8

1 154,2

1 840,8

1 852,6

1 819,3

1 850,4

Actif immobilisé

274,6

289,6

522,3

1 154,9

1 277,0

1 229,5

Fonds de roulement

481,2

864,6

1 318,5

697,6

542,3

620,9

Source : chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie à partir des états financiers

Le besoin en fonds de roulement de l'association est croissant en raison de créances non recouvrées. Les créances clients ont augmenté de 64 % entre 2019 et 2024. La chambre recommande d'analyser la recouvrabilité des créances anciennes et de passer en pertes celles qui ne peuvent l'être.

La performance financière de l'association est freinée par la croissance des charges. Le résultat comptable a augmenté entre 2019 et 2020 mais l’association dégage un résultat positif en 2024, exceptionnel, en raison d’un taux de remplissage maximum atteint au centre d’accompagnement spécialisé évolutif Billy Soedimann, conjuguée temporairement à une diminution des charges de personnel liée à des départs et des difficultés de recrutement en raison de la conjoncture socio-économique défavorable (post-émeutes).

Le projet de regroupement des services sur Nouville a globalement augmenté les charges, notamment la masse salariale et les charges externes. La chambre invite l'association à identifier rapidement une trajectoire d'équilibre en recherchant des produits supplémentaires, en fiabilisant la facturation et le recouvrement des créances, et en réduisant ses charges.

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